Chapitre 15 - Bad day

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Bad day de Daniel Powter

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PDV de McKenzie
Paris
26 Septembre 2014

Fin de mois, fin de semaine, comme prévu je dois me rendre à l'hôpital. Je m'engouffre dans le taxi qui doit m'y mener. Je fuis plus que je ne pars à la recherche désespérée d'un technicien qui se pencherait sur mon mécanisme pour le réparer, minutieusement, avec délicatesse et passion. Mais une telle personne n'existe pas. Alors seule face à mon mal-être, je repasse en boucle ma descente aux enfers.

Je suis bonne pour la casse, bousillée, déglinguée. Physiquement et moralement. Je suis un mécanisme rouillé dont chaque pièce se délite une à une pour venir s'effondrer lamentablement au sol, se désagréger et redevenir poussière.

Il y a une expression qui dit avoir des jours avec et des jours sans. Moi, c'est toute la semaine qui a été « sans » et je crois qu'aujourd'hui, j'en ai atteint son paroxysme.

Cette semaine a été chaotique. Je suis épuisée et encore le mot est faible.

Le manque de sommeil est tellement évident avec mon teint fadasse, mes yeux rouges injectés de sang et mes cernes violettes malgré la tonne d'anticernes. Chaque matin, je ne pouvais que me résigner à accepter avec dépit celle que je découvrais devant le miroir. J'ai l'impression d'être un mort-vivant. J'ai déjà la gueule d'un zombie alors qu'Halloween n'est que dans un mois. Je n'aurai pas beaucoup d'efforts à faire pour le maquillage cette année.

J'aimerai pouvoir dormir, m'isoler, reprendre des forces. Je me traîne, tout me fatigue, les gens, les cours, ma vie. Tout. Je n'aime pas me sentir vidée de toute envie, de toute énergie. Mes fonctions physiologiques continuent de marcher pendant que mon esprit se désagrège à petit feu. Peut-être que les médecins ont raison, une visite toutes les deux semaines est nécessaire. J'ai beaucoup de mal à l'admettre car je m'en étais plutôt bien sortie ces derniers mois, mais là je commence sérieusement à toucher le fond. J'étais même prête à prendre mes médicaments. Seulement, je les ai tous jetés dans un geste que je croyais libérateur et héroïque. Foutu orgueil.

Je suis sur les nerfs et ne supporte plus rien, ni personne. Ce qui m'a amené à devoir fuir tout le monde, pour ne pas dire ou faire quelque chose que je regretterai par la suite.

La bande du 55 m'a fait quelques remarques sur mon état mais a eu la délicatesse de ne pas trop insister, du moins, jusqu'à aujourd'hui.

Un putain de devoir a été l'élément déclencheur de mon brasier émotionnel.

Notre prof de stratégie a eu la merveilleuse idée de nous donner un travail de groupe. Jusque là, tout va bien. Sur tous les marchés existants au monde, il a fallu qu'il choisisse celui qui causerait ma défaillance : « Etude marché et stratégie de commercialisation d'un système de marquage pour animaux dans les pays émergeants. »

Sérieusement, où a-t-il pu aller chercher un sujet pareil! A croire que Celui qui est là-haut, s'il existe, se fait un malin plaisir à vouloir me faire tomber plus bas que terre.

Trois mots ont suffit à me faire vivre une crise d'angoisse sans précédent : marquage pour animaux. Mon corps a réagi avant même que mon esprit assimile complètement le sujet. Chute phénoménale de ma tension, sueurs froides, tremblements.

La plupart des gens évacuent leurs sentiments négatifs par des pleurs. Sauf que mon corps de merde n'a jamais fait marcher mon canal lacrymal. En connaît-il ne serait ce que l'existence ? Après 20 ans, j'ai de sérieux doutes. Oui, ce serait trop simple, parce que moi je dégueule. A chaque fois que je ne gère pas mes émotions, j'ai des spasmes d'estomac qui mènent inévitablement à des vomissements tellement importants que même rester à genoux au dessus des chiottes m'est difficile. Et quand je n'ai plus rien dans le ventre, je produis un râle rauque de bête blessée.

La mécanique des coeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant