Le voyage

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Je ne répond pas aux interrogations des journalistes. Ils sont tellement nombreux que les Communs qui m'escortent s'ont obligés de fendre la foule pour nous créer un passage. J'essaye d'aborder le même sourire énigmatique que sur la photo. Même  si je ne me donne la peine de répondre j'écoute attentivement les questions qu'on me pose.

"Mademoiselle savez vous si vous êtes la seule sélectionnée de cette province?
Mademoiselle quelle changement! Me souffle un journaliste."

Je le regarde attentivement. Il vient sans aucun doute de la province Commune. Tout c'est lui respire l'exubérance. Ses vêtements obligatoires sont stylisés d'une manière très originale. Il a découpé sa chemise en lambeau pour qu'au travers des trous l'on aperçoive son torse musclé. Cela aurait pu me plaire si nous n'étions dans une province pauvre où nos habits sont véritablement troués.
Je me souviens alors d'un trou sur mon épaule droite. Je rajuste rapidement mes cheveux pour le dissimuler au mieux.

Nous avons enfin traversé la nuée de caméras. Les Communs se placent de chacun de mes côtés pour me sécuriser. J'entends un grognement désapprobateur des journalistes. Je croise quelques gens sur le chemin de la place Commune. Tous essayent d'apercevoir la jeune fille qui va représenter leur province. J'espère leur plaire et rester fidèle à l'idée qu'ils ont de moi. Puis je le rappelle que mon unique but est de gagner et que dorénavant je n'ai que faire des ressentis des autres.

Au moment où nous arrivons sur la place Commune des tonnerre d'applaudissement nous accueille. Je ne peux résister à la tentation d'un bain de foule. Je me faufile entre les Communs et fait saluer la foule. On se précipite pour me voir, pour me dire des encouragements et même pour me toucher. Je pourrai les trouver touchants si je ne me rappelais pas qu'il n'y a que quelques heures la plupart d'entre eux me considéraient principalement comme une moins que rien, une vermine de la pire espèce, volant pour subvenir aux besoins de ma famille.

Je décide alors de ne remercier que les personnes qui m'ont aider. Je trouve le boucher de ce matin. Je l'enlace et prend la pose à côté de lui. C'est un régal pour les journalistes. Même le boucher qui d'habitude est un homme morne semble resplendir et vivant face aux caméras.
Je le quitte et me met à la recherche de Laureen.

Je l'aperçoit très vite. Je décide de régaler encore plus les journalistes. La Communauté veut du divertissement et bien elle en aura. Je cours à sa rencontre et lui saute littéralement dans les bras. Je l'embrasse sur les deux joues. Elle semble surprise et a même un mouvement de recul. Je lui glisse à l'oreille de jouer le jeu. Elle hoche la tête de manière  imperceptible pour les autres.
Nous nous amusons pendant quelques instants. Laureen se fait même interviewer. Je suis heureuse pour elle. Même si ma vie ne m'appartient plus j'espère que pour elle se sera l'inverse, qu'elle aura une vie bien meilleure qu'avant.

J'essaye de m'éclipser de manière discrète mais c'est peine perdue. On dirait que la foule est galvanisée devant toute cette importance portée à notre miséreuse province. Les Communs m'encadrent de nouveau.

"Où allons nous, interroge-je un Commun.
- A la gare d'Aérotrain Mademoiselle."

Un véritable sourire s'affiche sur mes lèvre. L'Aérotrain. Je n'en n'ai jamais vu en marche. Quand nous étions adolescents nous allions jouer dans les carcasses de vieux trains laissés à l'abandon. Une bouffée de nostalgie me serre le cœur. Je ne dois plus penser à mon enfance. C'est du passé tout ça maintenant.

Le trajet dure plusieurs minutes. On nous suit encore. J'entends les gens hurler mon nom eux qui avant me hurler dessus. Je devrais me réjouir de toute cette attention mais je ne peux pas. Toute ceci n'est qu'hypocrisie.

Nous arrivons enfin à la gare. Les Communs me laissent subitement seule. Ils essayent d'intercepter la foule. Ceux ci grognent sur l'effort fourni pour les retenir. Eux qui d'habitude savent faire régner l'ordre, sont complètement dépassés devant l'hystérie de la foule. Un petit rire moqueur s'échappe de ma bouche.

The REWARDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant