QUATRIÈME PARTIE

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Je rentre vite dans mon petit studio, je pars faire mes ablutions, je rattrape mes prières et m'écroule sur mon lit. Je remet mes écouteurs et je met du Coran en repensant à ma vie. Je repense à ma mère que je ne vois presque plus. Je passe la voir certains weekend, mais rarement. Notre relation se dégrade depuis que je suis reconvertie. Encore pire depuis que je porte le voile. Je n'ai plus vraiment de famille. Mon père m'a interdit de remettre les pieds chez lui car il ne supporte pas non plus ce choix. Il n'y a que mes cousins qui ne m'ont pas rejetée. Mais ils ne prennent pas spécialement de mes nouvelles. Il ne me reste que Hakim...

Je me sens mal à cet instant. Je devrais pourtant être heureuse. J'ai un studio pour moi, de quoi manger, une bonne santé. Ce qui n'est pas le cas de tout le monde. Mais non, quelque chose me bloque. D'un coup, je me met à penser à lui. Ça fait des mois que je m'interdis d'y penser parce que je sais qu'après il me faut des semaines pour le chasser de ma tête au moins partiellement. Lui, c'est Housni. On est restés un an et demi ensemble, c'était avant que je me reconvertisse. Jusqu'à ce que je décide de partir, parce que ma vie avec lui était proche de l'enfer. Il m'interdisait tout contact avec d'autres personnes que lui, il a supprimé tout mes comptes de réseaux sociaux. Il était tellement possessif qu'il ne supportait pas que je parle aux gens, même à des filles. On passait notre temps à se hurler dessus. Souvent, on s'insultait et quelque fois, il a été jusqu'à me pousser violemment. Il était toujours violent quand il s'énervait, j'en avais presque peur au fond de moi. J'étais vulnérable avec lui car quand il voulait quelque chose de moi, il finissait toujours pas l'obtenir. Notre relation était devenue une vraie catastrophe et le pire dans tout ça, c'est que je l'aimais malgré tout. Que je l'aime toujours. Je me sens pathétique d'être aussi attachée à un homme.

Je sens les larmes me monter en repensant à son odeur, à sa voix caressante et à ses douces mains qui caressaient mon visage ou mes cheveux. J'ai la gorge nouée, j'aimerai crier qu'il me manque. Mais je ne dois pas, je dois l'oublier. Parce que c'est mieux pour moi. Il devrait m'oublier, peut - être même qu'il l'a déjà fait, mais personnellement, je n'y arrive pas. J'aimerai savoir ce qu'il fait. Avec qui il est. Est-ce qu'il a refait sa vie ? J'ai tout à coup une idée. Et si il n'avait pas changé son mot de passe ?

Je m'empare de mon téléphone. J'ignore les messages que j'ai reçue et vais directement sur Facebook. Je connais son nom d'utilisateur et son mot de passe. Je le tape et ... ça marche ! C'est encore le bon mot de passe.

Je m'empresse de cliquer sur la barre de messages et les lis. Il y en a des récents de trois filles différentes. Je sens mon cœur s'accélérer, j'ai les mains qui tremblent. Je ne sais pas pourquoi je le fais, ni ce que ça va m'apporter. Je pense qu'au moins je serais fixée sur le fait qu'il ait une nouvelle copine ou non. Cette idée me paralyse...

En lisant la première conversation, je m'aperçois que c'est sa cousine, avec qui il s'embrouillait vraisemblablement. Ouf! Le deuxième, c'est sa sœur, je ne savais pas qu'elle avait changé de nom Facebook. Bon allez, la troisième discussion maintenant. Je clique.

Je remonte jusqu'au début de la conversation, et là le sang commence à monter en moi. Elle lui écrit qu'elle sort de la douche et lui fait des avances. Housni lui propose de venir avec elle sous la douche. De l'aider à sécher ses cheveux. Elle termine même par : "Bisous chauds, j'espère te parler bientôt". "Bisous chauds" ? Mais pour qui elle se prend elle, pour allumer mon gars comme ça ? Je sens mes mains trembler de manière incontrôlable. Les larmes coulent maintenant abondamment. Comment il peut me faire ça ? Comment au bout de six mois il peut m'avoir oubliée si vite ? Je me sens si faible, comme trahie. Je commence à me dire que finalement, il n'était peut-être pas si amoureux. Je perd le contrôle. De rage, j'envoie mon poing se frapper contre le mur avant d'enfouir ma tête dans mon oreiller et de pleurer à gros sanglots. La douleur me noue le ventre, mes yeux me brûlent. Ça fait maintenant vingts minutes que je pleure sans interruption. J'ai envie d'exploser de l'intérieur. D'un coup, j'entend frapper à ma porte.
Je panique, il ne faut pas qu'on me voit aussi affaiblie ! J'essaie de calmer ma respiration. On frappe à nouveau, avec impatience cette fois alors j'essaie silencieusement d'éclaircir ma voix et de parler avec une voix qui ne trahirait pas ma peine.

Moi : C'est qui ?

Ma voix est tremblante, beaucoup moins forte que je ne le voulais.

Hakim : C'est moi, vas - y ouvre !

Moi : Euh .. J'arrive !

C'est déjà ouvert, mais je profite de ce petit temps de répit pour sécher rapidement mes larmes. Je m'impose de respirer plus calmement, et fais de mon mieux pour paraître joyeuse. J'espère que mes joues ne sont pas rougies par mes larmes. Je fais semblant de tourner la clé dans la serrure et j'ouvre un sourire forcé aux lèvres.

Moi : Salâm alaykûm

Hakim : Alaykûm salâm. Wesh ! Pourquoi ça fait 10 ans tu réponds à aucun message.

Moi : Vas - y t'énerve pas aussi toi !

Hakim : Commence pas à parler mal toi ! Tu caches quoi ? C'est quoi le délire là ?

Moi : Hey tu te zehef juste parce que je répond pas à tes messages là ou c'est comment ?

Hakim : T'es sah là ? Attends , il est 21 heures, tu m'avais dit en sortant des cours, c'est à dire 17h30 que tu m'envoies un message. Je t'ai envoyé v'là les messages t'as même pas calculé. J'arrive chez toi, c'est fermé à clé d'habitude c'est jamais fermé et là t'es toute bizarre je te sens pas. Vas - y Manon, je te connais te la joue pas avec moi s'il te plaît parce que je vais me zehef vite fait pour rien, wAllah.

Je sais que quand il m'appelle Manon, c'est jamais bon signe ... Il faut que je lui dise un truc, mais rien. J'ai pas envie de lui mentir, pourtant il faudrait que je trouve une excuse, quelque chose à dire, n'importe quoi. Au lieu de ça, je le regarde les yeux brillants sans rien dire. Hakim me regarde avec insistance, il a le regard mauvais. Je supporte pas le voir mal, alors voir que c'est à cause de moi, c'est la goutte de trop. Je ravale mes larmes, et comme à chaque fois que je veux cacher ma peine, je la remplace par la haine et commence à mal lui parler.

Moi : Vas - y casses toi là ! T'es venu pour te vénère contre moi, alors dégage. Je t'ai jamais demandée de venir me prendre la tête ou rien, alors vas - y casses ...

Son visage se déforme par la rage, il me coupe.

Hakim : OUAH ! VAS - Y TU FERMES TA BOUCHE A L'INSTANT S'TU VEUX PAS J'TE MONTE EN L'AIR ! Tu t'es prise pour qui même ? T'as cru t'étais une grande ça y est tu te sens fraîche !

Moi : T'es sérieux tu parles comme ça ?!!

Il m'agrippe par le bras, je sens ses doigts s'enfoncer dans ma peau. Ça fait si mal de voir cette rage qu'il a dans les yeux envers moi que je me met presque à pleurer. Les larmes montent et ma lèvre tremble. Je baisse la tête pour pas qu'il me voit pleurer comme une enfant de 5 ans.

Chronique, Le Combat D'une Convertie À L'islamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant