Chapitre VI

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PDV LILIA~
Alors que je suis concentrée sur mon équation de maths, on frappe à la porte de la classe. C'est Mme Gardner, la secrétaire du lycée. Elle porte un blazer bleu marine qui ne la met pas du tout en valeur. Il est bien trop long et trop droit pour elle, avec d'énormes boutons dorés. On dirait qu'elle l'a piqué dans l'armoire de son mari, en 1980. À mon avis, les femmes de petite taille ne devraient jamais porter de blazer. Sauf s'ils sont bien courts et hyper ajustés, avec des manches trois-quarts, par exemple.
Bref.
Je retourne à mes exercices. On doit résoudre des fonctions dérivées. Rien de compliqué. L'année dernière, tout le monde affirmait que ce type de calcul est le plus difficile qui soit. Sérieux ?

Mais soudain, Mme Gardner dépose une feuille de papier jaune sur mon bureau. La première ligne indique « Lillia Cho », la suivante « Convocation chez le conseiller pédagogique ». Il y a une autre ligne pour l'heure du rendez-vous, qui dit « Maintenant ».

Je sens tout mon corps se contracter. Je dégage mes cheveux derrière mon épaule et ramasse mes affaires. Alex me regarde passer alors que je me dirige vers la porte. Je souris et hausse les épaules en prenant un air insouciant, comme pour dire (Bizarre, qu'est-ce que ça peut bien être ? )Je ne traîne pas dans le couloir. Si j'avais des ennuis, si quelqu'un avait découvert ce que j'ai fait à Reeve lors du bal, je serais convoquée chez le principal, pas chez le conseiller.

M. Randolph est mon conseiller depuis ma première année. Il n'est pas vieux. La date sur son diplôme de fin d'études indique qu'il l'a obtenu il y a dix ans. J'ai vérifié, une fois. Il devait être canon à l'époque, mais maintenant, il perd ses cheveux. Quel dommage. Ses parents sont propriétaires du centre équestre où je laisse mon cheval Phantom en pension. Il y a des plaques et des médailles partout, du temps où il faisait de la compétition.

Je patiente une seconde devant sa porte. Il est au téléphone, mais me fait signe d'entrer.
Je m'assois et répète dans ma tête ce que je vais lui dire, au cas où il m'interrogerait. Je vais prendre une mine déconfite et lui sortir un truc du genre «
Excusez-moi, monsieur Randolph, mais pourquoi est-ce que je ferais une chose pareille ? Reeve est l'un de mes meilleurs amis. Tout ceci est plus que ridicule. Je ne sais même pas quoi dire.
Ensuite, je vais croiser les bras et arrêter de parler jusqu'à l'arrivée de mon avocat.
M. Randolph a l'air contrarié et frotte son crâne dégarni. Je me demande si c'est pour cette raison qu'il perd prématurément ses cheveux, parce qu'il est si stressé qu'il se gratte la tête toute la journée.

— Oui, d'accord. Oui, merci à vous.
Il raccroche et pousse un long soupir.
— Pourquoi es-tu si nerveuse, Lillia ?
Je me force à sourire.
— Bonjour, monsieur Randolph.
— Je ne t'ai pas vue au centre équestre depuis un bon moment. Tu n'envisages pas de vendre ton cheval, j'espère ?
— Non ! Jamais je ne vendrai Phantom !
— Randolph se met à rire.
— Je sais, je sais. Mais si tu changes d'avis un jour, tu sais qui appeler en premier, O.K. ?
J'acquiesce, même si ça ne risque pas d'arriver. Je ne passerai jamais ce coup de fil et je ne vendrai jamais Phantom.

— O.K.
— Bon... J'étais en train d'étudier tes bulletins de notes. Ils sont très bons, Lillia, vraiment très bons. Tu pourrais même être major de ta promotion et avoir l'honneur de prononcer le discours d'introduction lors de la remise des diplômes.
D'un seul coup, je me sens soulagée.
— Oh, génial ! Mon père va être content.
M. Randolph ouvre un dossier portant mon nom. Je me demande s'il va me donner mon classement, mais il m'annonce :
— Par contre, j'ai remarqué que tu n'as toujours pas passé ton brevet de natation.
— Oh.

Depuis que Jar Island dispose d'une piscine couverte, tous les étudiants doivent obtenir leur brevet de natation. C'est obligatoire pour être diplômé.
— À moins qu'il ne s'agisse d'une erreur administrative ?
Je me trémousse sur mon siège.
— Non, je ne l'ai pas passé.
Il secoue la tête.
— Tu sais que ce brevet est obligatoire pour obtenir ton diplôme.
— Sauf si je suis dispensée par un médecin, c'est bien ça ?
Il a l'air surpris. Surpris et déçu.
— Exact. Sauf en cas de dispense médicale. (Il referme mon dossier.) Tu n'as pas envie d'apprendre à nager, Lillia ?

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