Chapitre 9

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PDV LILLIA~
Le lundi, Rennie m'ignore totalement pendant l'entraînement des cheerleaders. Elle ne me regarde pas, ne m'adresse pas la parole. Même lorsque je me retrouve avec elle et Ashlin à discuter des encouragements que nous devrions travailler ensuite. Rennie garde les yeux fixés sur Ashlin et ne parle qu'avec elle.
C'est comme si j'étais invisible.
J'essaye d'en faire abstraction. Rennie adore punir par le silence. C'est typique de sa façon d'agir. Ce qui me rend dingue, c'est que je n'ai rien fait pour mériter ça.
Rien dont elle a connaissance, en tout cas.
Alors même si elle se conduit en garce avec moi, je continue de lui parler. Enfin, plus ou moins. Par exemple, je lui dis :
— Je pense que Melanie est un peu en retard sur sa deuxième rondade.
Évidemment, Rennie ne me répond pas. En revanche, elle va trouver Melanie et lui conseille de travailler son tempo.
Dans le vestiaire, alors que nous nous changeons, Rennie invite Ashlin à venir dîner chez elle, juste sous mon nez. Ashlin répond qu'elle est partante, puis, lorsqu'elle se souvient que je suis là, elle fronce les sourcils et me demande :

— Et toi, Lil ? Tu viens ?
Rennie me tourne immédiatement le dos et fait face à son casier pour me faire comprendre que je ne suis pas la bienvenue.
— Je peux pas, faut que j'aille au centre équestre.
Ce n'est pas tout à fait vrai, mais j'ai prévu d'y aller depuis des semaines. Nadia monte Phantom bien plus que moi ces derniers temps. Je ne veux pas qu'il m'oublie. En plus, je ne veux pas donner l'impression que ça me touche. Le lundi, c'est pizza chez Rennie, et je n'aime pas le vendeur chez qui elle commande. Il met bien trop de sauce à mon goût.
Rennie pouffe de rire en entendant mon excuse. Elle n'a jamais aimé Phantom. Une fois, elle a essayé de le monter, mais dès qu'elle s'est retrouvée en selle, il a commencé à trotter sur le côté, parce qu'elle lui avait donné du pied en tirant la bride vers la gauche. Je lui ai dit de lever les rênes, mais au lieu de m'écouter, elle a paniqué et sauté sur la droite alors qu'il était en mouvement.
Elle a filé vers le parking où elle est restée à bouder tandis que je ramenais Phantom à son box pour le desseller.
Je dépose Nadia chez nous. En chemin, à chaque stop, j'attends de voir si elle va dire quelque chose à propos du comportement de Rennie, si elle a remarqué qu'elle me faisait la tête, mais Nadia passe tout le trajet à envoyer des SMS à ses amis.
Alors que je file vers le centre équestre, je ne peux pas m'empêcher de penser que Kat et Mary ne me feraient jamais un truc pareil. M'exclure du groupe sans raison. Je décide d'appeler Mary et d'envoyer un SMS à Kat, pour leur demander si elles veulent qu'on se retrouve au centre pour y traîner un peu. Je parie que Mary va adorer Phantom. Je vais même lui montrer comment le brosser.
Kat me répond aussitôt.
J'adore le crottin de cheval, j'arrive !
Je ris à gorge déployée et me sens déjà mieux.
J'appelle chez Mary, et c'est sa tante qui décroche. Elle a l'air groggy, comme si elle était en train de dormir.
— Allô ?
— Bonjour, est-ce que Mary est à la maison ?
Silence à l'autre bout du fil. Je poursuis :
— C'est Lillia, je suis une amie de Mary. J'appelle pour l'inviter à venir faire du cheval au centre équestre avec moi cet après-midi. (Silence radio.) Alors euh... si vous pouviez lui transmettre le message, ce serait génial.
J'entends une respiration lourde, puis un clic et la tonalité.
Elle m'a raccroché au nez ! Mary a bien dit que sa tante était un peu spéciale, mais quand même ! C'était trop bizarre. Je jure que je vais lui offrir un portable à Noël.
J'arrive au centre équestre trop tard pour monter, alors je me dirige vers le box de Phantom pour le panser. Il reste parfaitement calme pendant que je le brosse. Je lui murmure à l'oreille en lui lustrant le poil, qui brille comme du velours noir. Lorsque j'atteins son encolure, il n'arrête pas d'essayer de tourner la tête et de se blottir contre moi.
Quand Nadia vient monter Phantom, elle demande toujours aux lads de le bouchonner et de lui curer les pieds pour elle. Moi, c'est ce que je préfère. Il faut établir un lien avec son cheval. Et je fais totalement confiance à mon Phantom. Je sais qu'il ne me ferait jamais de mal. Même si je ne suis pas passée le voir depuis des semaines, il me salue comme s'il m'avait vue la veille. Avant, j'étais tellement amoureuse de Phantom que j'aurais pu dormir dans son box si Maman m'y avait autorisée. Quand est-ce que ce sentiment s'est dissipé ? Quand j'ai rejoint les cheerleaders ? Je me demande si Phantom a remarqué quelque chose, si ça l'a rendu triste que je ne vienne plus aussi souvent. Rien que d'y penser, j'ai envie de pleurer.
Un des lads frappe à la porte.
— Tu as de la visite, Lillia.
— Super !
Je jette un coup d'œil hors du box, dans l'allée. J'aperçois Kat, qui se pince le nez. Je lui fais signe.
— Ici, Kat !
Kat s'avance directement jusqu'au centre de l'écurie en veillant à ne pas trop s'approcher des box.

— Dis, on pourrait aller ailleurs ? Ça pue là-dedans ! Je prends une profonde inspiration.
— Tu rigoles ? J'adore l'odeur du fumier.
Sceptique, Kat arrête de se pincer le nez et respire un bon coup, ce qui lui donne un haut-le-cœur.
— À ta place, j'éviterais de le dire.
— D'accord. Il y a un joli sentier qui mène jusqu'à la côte. Personne ne monte en ce moment. On peut aller marcher là-bas.
— O.K., tant que je sors de là, rétorque Kat en cher chant à reprendre son souffle.
Elle se retourne et court jusqu'à l'entrée de l'écurie.
Je range la brosse douce de Phantom et l'embrasse avant de partir. Dehors, il fait presque nuit, et un peu froid, mais Kat et moi décidons tout de même de nous promener.
— J'ai appelé Mary, dis-je à Kat, mais je ne suis pas sûre qu'elle ait...

— Eh, les filles ! Attendez-moi ! (Nous nous retournons et voyons Mary qui court vers nous.) Désolée, j'ai manqué ton appel, Lillia. Je m'étais endormie. Je fais toujours une sieste après les cours.
— Oh, répond Kat.
Subtilement, je lui demande :
— Tout va bien chez toi ? Ta tante était un peu bizarre au téléphone. Je pensais qu'elle ne te transmettrait pas le message.
Mary soupire.
— Tante Bette est dans sa phase New Age en ce moment. Elle s'intéresse plus aux bouquins et aux cristaux qu'aux personnes. (Elle secoue la tête.) Alors, quoi de neuf ?
Jusqu'ici, nous n'avons traîné ensemble que pour planifier notre vengeance, ou lorsque nous avions des détails urgents à régler. Sauf que tout ça, c'est du passé maintenant.

Je prends la parole :
— Pas grand-chose. Vous m'avez manqué, les filles. Kat me dévisage.
— Comment ça va avec Ren ?
Je me contente de lui avouer :
— C'est pas le top.
Je veux dire, j'ai envie de vider mon sac, de leur confier à quel point ça craint maintenant, mais je ne peux pas. Kat a vécu exactement la même chose. En pire. Dans ce cas, de quel droit je pourrais me plaindre ?
Mais Kat se montre étonnamment compatissante. Elle me tapote le dos et me rassure :
— T'inquiète. Quelqu'un d'autre va la mettre en rogne et elle oubliera tout ça. Hé, ça pourrait même être moi !
— Et puis, tu nous auras toujours, nous, ajoute Mary.
Je leur souris.
— Merci, les filles.
Après ça, nous nous taisons plus ou moins. Ce n'est pas vraiment un silence gêné. On n'a juste pas grand-chose de plus à se dire pour le moment. Mais c'est tout de même agréable d'être avec elles.

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