Chapitre 16

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PDV MARY
Je n'ai jamais compris l'intérêt d'un déguisement d'Halloween avant ce soir. Probablement parce que je n'en ai jamais porté de très beau.
Lorsque j'étais gamine, ma mère faisait elle-même mes costumes. Les autres enfants achetaient les leurs au drugstore ; c'était ceux avec un masque et une combinaison en plastique à enfiler sur ses vêtements. Ces mômes couraient dans tous les sens en brisant des bâtons comme s'ils étaient Superman ou faisaient semblant que des toiles d'araignée jaillissaient de leurs poignets comme Spiderman.
Maman était contre. Elle disait que tout ça manquait de créativité.
En fait, elle voulait les confectionner elle-même parce que ma grand-mère avait fait la même chose pour elle et tante Bette quand elles étaient petites. Ma grand-mère était une couturière hors pair. Nous avons encore quelques-uns de ses dessus-de-lit en patchwork au grenier, dans une malle en cèdre. C'est dingue d'imaginer que des choses aussi parfaites ont été réalisées à la main. Maman aimait cette tradition. Au bord des larmes, elle m'affirmait : « Lorsque tu seras grande et que tu auras un petit garçon ou une petite fille, tu feras la même chose pour eux. »
Difficile de lutter contre ça.
Alors, au début de chaque mois d'octobre, j'expliquais à Maman ce que je voulais être pour Halloween cette année-là : une princesse, une gitane, une chauve-souris. On dessinait les patrons ensemble avec des crayons de couleur, puis on allait chez le marchand de tissus pour acheter les fournitures.

Le seul problème, c'était que Maman n'était pas très douée pour la couture. D'ailleurs, Halloween était l'unique période de l'année où elle sortait sa machine à coudre. Elle avait suivi des cours au lycée, mais c'est tout. Et même si au début elle s'amusait, une semaine avant Halloween, elle se retrouvait en haut dans le grenier à travailler toute la nuit. En général, elle devait retourner à la boutique à plusieurs reprises parce qu'elle avait mal coupé le tissu ou qu'il ne lui en restait plus à force de toujours recommencer.
Le résultat final n'était jamais conforme à l'idée que je m'en étais faite. Les coutures se défaisaient toujours. À certains endroits, le tissu était trop serré ; à d'autres, il était trop lâche. Bien souvent, on avait du mal à deviner ce que j'étais supposée être. Notamment pour mon déguisement de dragon. Les gens pensaient que j'étais une sorte de haricot magique, comme dans le conte pour enfants. Je n'avais jamais eu l'impression de me transformer en quelqu'un d'autre.
Jusqu'à ce soir.

J'étais super contente que Kat m'ait invitée à sortir avec elle. Je faisais déjà des cauchemars à l'idée de devoir rester enfermée toute la nuit dans l'obscurité sans répondre à la porte, parce que tante Bette n'avait pas acheté de bonbons pour les enfants qui faisaient le tour du quartier.
Je suis dans la salle de bain et je mets la dernière touche à mon costume, qui consiste à ajouter autant d'épingles à nourrice que possible avant que Kat s'arrête devant chez moi et klaxonne pour s'annoncer.
J'ai fouillé dans une vieille malle du grenier remplie d'affaires appartenant à tante Bette. À l'intérieur, j'ai trouvé un pantalon en cuir moulant. L'étiquette indiquait qu'il provenait d'une boutique italienne ; elle l'avait probablement acheté quand elle habitait à Milan, l'année de ses vingt et un ans. J'ai également découvert une superbe paire de talons aiguilles noirs, et un haut noir en dentelle. Tout m'allait comme un gant. Une fois habillée, j'avais l'air d'une motarde hyper sexy.

Je me suis crêpé les cheveux pour me donner un côté sauvage, et j'ai utilisé un fer à friser déniché sous le lavabo de la salle de bain de la chambre d'amis pour ajouter quelques ondulations. J'ai également tressé quelques mèches et clipsé quelques postiches roses.
Il ne me reste plus qu'à appliquer le maquillage que j'ai trouvé dans le vanity de tante Bette. Eyeliner noir, ombre à paupières pailletée, et des couches et des couches de mascara. Je vais sans doute devoir emprunter de la térébenthine à tante Bette pour enlever tout ça.
Je me tiens devant le miroir. Je ne ressemble pas à Mary ce soir. Je n'ai même pas l'impression d'être elle, si ça veut dire quoi que ce soit.

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