Quand ils eurent terminé de boire leur verre de Meursault, Stéphane retourna à la cave chercher une bouteille de rouge et rejoignit Tolie qui était montée à l'étage.
A sa grande surprise, elle avait complètement redécoré l'intérieur de l'appartement en affichant au mur nombre de tableaux bizarres qui, tels des éléments polychromes, changeaient de teintes selon l'angle sous lequel on les regardait.
Il y avait aussi des tapis comportant des motifs inconnus ainsi que certains objets décoratifs d'aspect singulier.
Stéphane était étonné qu'elle ait pu apporter toutes ces choses dans le peu de bagages qu'ils avaient déchargé de la voiture.
- Je prépare à manger quelque chose de conventionnel, dit-elle : du filet mignon accompagné de champignons. Cela vous convient-il ?
- Bien sûr, sauf si ce sont des champignons empoisonnés, dit Stéphane en riant.
- Non, n'ayez crainte, ceux-là ne vous feront pas mourir, dit-elle avec un air sérieux qui le surprit.
Il ouvrit la bouteille de rouge et goûta une petite gorgée dans le fond d'un verre : un Corton de 20 ans, extraordinaire.
Tolie s'affairait devant le plan de travail en fredonnant toujours le même air, marmonnant des paroles en anglais qu'il ne comprenait pas.
Il lui resservit du Meursault qu'elle accepta. Assurément elle avait décidé de profiter de l'absence d'Eston et d'Etrella pour déroger à quelques principes...
- Quel est cet air que vous chantez ? lui demanda Stéphane. Cela me dit vaguement quelque chose, sans doute parce que les premiers accords commencent un peu comme une chanson connue de Jacques Brel, mais je n'ai jamais entendu ces paroles, on dirait de l'anglais ?
- C'est une chanson que j'ai dans la tête et qui ne veut pas partir, dit-elle. Je l'ai entendue la semaine dernière à Londres, tout le monde la chantait et depuis, l'air ne me quitte plus.
- Vous étiez à Londres la semaine dernière ?
- Oui. Mais laissons cela, venez, passons à table.
Un mystère de plus : Stéphane était sûr d'avoir entendu cette mélodie mais il y avait si longtemps...
Ils dînèrent tranquillement, dans une ambiance détendue.
Tolie appréciait le Corton et à la fin du repas, il était clair qu'elle avait un peu trop bu.
Après le dessert, ils s'assirent dans le canapé et Tolie mit sa tête en arrière, le regard dans le vide. Elle semblait ailleurs, abandonnée.
Elle se mit de nouveau à fredonner la chanson mais cette fois Stéphane entendit distinctement les paroles :
Alas, my love, ye do me wrong
To cast me oft discurteously,
And I have loved you so long,
Delighting in your companie.
Greensleeves was all my joy,
Greensleeves was my delight,
Greensleeves was my heart of gold.
And who but Ladie Greensleeves.
Stéphane lisait beaucoup et avait une grande culture. Il parlait anglais et se rendit compte que les premiers mots étaient du vieil anglais.
VOUS LISEZ
Les passagers de l'automne
Short StoryStéphane voit, de façon inexplicable, ses chambres d'hôtes prises d'assaut alors que l'automne est déjà bien avancé, synonyme de morte saison. Les locataires qu'il accueille lui paraissent étranges. D'où viennent-ils ? Que sont-ils venus faire ici à...