Chapitre 1

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Un léger ruisseau d'eau s'écoule le long d'une gouttière. Les gouttes laissées tomber par la pluie s'écrasent sur les parapluies en faisant de petits bruits. « Plic ploc plic ploc... »

Le temps, brumeux et pluvieux, est idéal pour un premier jour de cours : il s'accorde parfaitement avec mon humeur elle-même provoquée par la rentrée des classes.

Je m'adosse contre un mur et contemple le ciel sombre. Mes yeux osent enfin se poser sur les petits groupes formés par les élèves. Deux filles se jettent l'une sur l'autre en criant. Deux mecs se tapent dans la main en riant. Un couple s'enlace. Un groupe de fumeurs discute tranquillement. Tout le monde semble se connaître. Je soupire en haussant les épaules.

Quand je pense à tout ce que ces gens se racontent... Ils sont sûrement en train de parler de leurs vacances, de programmer une fête de rentrée ou une sortie cinéma, de parler de mode, de foot, des cours,... Peut-être se demandent-ils déjà qui est cette pauvre fille sans parapluie qui poireaute seule sous la pluie, devant les portes du lycée ? Peut-être tirent-ils déjà des conclusions sur moi ? Une nouvelle ? Une marginale ?

Les portes du lycée ouvrent enfin et une nuée d'élèves s'engouffre à l'intérieur. La suite se passe si vite que je n'ai plus vraiment le temps de réfléchir. Je suis le mouvement, on nous assigne nos classes que nous rejoignons. Notre professeur principal nous y attend. Il se présente, nous distribue des papiers, nous explique le déroulement de l'année,... Toujours ces mêmes discours barbant qu'ils nous servent à chaque rentrée. J'en ai la migraine.

Nous profitons enfin d'une courte récréation durant laquelle je vais me réfugier dans un coin de la cour et j'observe les gens de loin. Je commence à identifier les élèves de ma classe. Contrairement à tous ces clichés sur les lycées privés que j'ai pu voir dans les séries américaines, je ne remarque pas de groupe « populaire », « intello », « sportif », et cætera. Les gens semblent à peu près tous pareils. Ils s'entendent bien les uns avec les autres malgré que les groupes d'amis soient déjà formés et qu'ils semblent avoir du mal à se mélanger. Je remarque trois filles qui se dirigent vers moi. Une grande blonde aux yeux émeraudes m'aborde avec un sourire chaleureux.

-Salut. T'es toute seule ?

Je sens ma peau s'échauffer. Je baisse les yeux sur mes chaussures en réfléchissant à ce que je pourrais répondre. Le voilà mon plus gros handicap : je suis timide. Terriblement timide. Timide à tel point que la simple présence d'une personne inconnue me met mal à l'aise.

-Tu es nouvelle, non ? me demande une autre fille, brune.

-Oui... je dis doucement.

Ma voix n'est qu'un souffle à peine audible. J'ignore si elles m'ont réellement entendue. Cependant, la troisième, aux cheveux châtains clairs avec un balayage blond, ajoute :

-T'as l'air un peu timide... En tout cas, tu peux rester avec nous, si tu veux.

Je ne réponds rien. Les mots ne me viennent pas naturellement comme avec Mathys. Cependant, les trois filles ne me demandent rien de plus, sentant probablement ma gêne. Elles restent toutes les trois à côté de moi et elles discutent. Je sais que je ne parle pas, que je ne souris pas, que j'ai l'air absente. Mais j'aimerais tellement dire à ces filles combien j'apprécie leur geste, celui d'être venues m'adresser la parole. Elles ne se rendent pas compte à quel point il est dur pour moi d'aller vers les autres. J'aimerais les remercier de rester ici, ne me laissant ainsi pas seule. J'aimerais les remercier pour cette main qu'elles m'ont tendue. Cette main que j'aimerais tellement oser saisir...

Je les écoute distraitement. J'ignore jusqu'à leur nom. Je sais seulement qu'elles ne sont pas de ma classe, bien qu'elles soient également en Première.

Ne me juge pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant