1. Callie

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Jeudi 25.09.2014

J'appuie frénétiquement sur tous les boutons de mon auto-radio. Ce vieil appareil fonctionne à merveille, sauf que plus je roule et moins je capte de radios potables. Les paysages de plus en plus verdoyants défilent sur le son d'un classique de Mozart ou Vivaldi. Alors que moi, je veux simplement hurler What do you mean? sur la voix de Justin. Oh la vache, même Jacky, oui c'est ainsi que j'ai surnommé mon auto-radio, se fout de ma gueule. Je n'ai plus de petit ami depuis 7 jours. Je suis fauchée. Je retourne vivre chez mes parents à l'aube de mes 25 ans. Génial.

Je passe devant le panneau de mon village défraîchi. La maison de mes parents se trouve au cœur de Doncaster. Juste à côté de leur deuxième enfant : le Pub The Gabriel. Ils n'ont jamais voulu me l'avouer mais je suis sûre que si j'avais eu un petit frère, il l'aurait appelé ainsi. Je remarque que mon père n'avait pas tari d'éloge sur le ravalement de la façade. En effet, la peinture noire, les grandes fenêtres et les nombreuses plantes vertes sur le trottoir donnent un aspect moderne et accueillant. Le vieux logo a simplement été remplacé par le nom du pub dans un style baroque. Repeint en doré, il est très classe.

Lorsque je claque la portière de ma voiture, l'air frais me pique le nez. Ce n'est pas encore l'automne, mais ici, au nord du pays, il fait toujours plus froid que dans le reste du monde. Je grogne déjà à l'idée de troquer ma veste en jean's contre un manteau bien trop épais.
J'ai à peine passé la lourde porte du pub que j'entends la voix stridente de ma mère.

- Ma chérie ! Je suis tellement contente que tu sois là !

- Bonjour maman !

Elle me prend dans ses bras. Je retrouve cette odeur familière de lessive parfumée. Elle s'écarte de moi et m'inspecte de son œil maternel. Ma mère est une petite femme blonde, joviale et pimpante, malgré ses ballerines d'une autre génération.

- Tu as encore grandie ? Ou tu as maigrie, non ?

Je lève les yeux au ciel.

- Maman ! Je n'ai pas maigri et je ne grandis plus depuis des années, tu le sais bien.

Elle hausse les épaules d'une manière peu convaincue et retourne derrière le comptoir. Je m'assieds face à elle, sur une chaise haute, pendant qu'elle reprend l'éternel essuyage des verres. Il est 14h. Le pub est vide alors je suis ravie de profiter de ces retrouvailles avec ma mère.

- Il est où, Papa ?

- Il est parti quelques jours, rendre visite à ta grand mère.

Oh. Quelque chose ne tourne pas rond. Je le vois à sa façon de retrousser ses narines. Elle fait toujours cela inconsciemment lorsqu'elle ment. Certes, cette visite à ma grand mère vieille et malade pourrait ne pas être surprenante. Sauf quand la fille chérie de son papa rentre à la maison. Et pas quand il y a du retroussage de narines dans l'air.

- Il rentre quand ?

- Ce week-end, dit-elle en me tournant le dos.

- Très bien. Je le verrais après-demain alors, dis-je intriguée devant ma mère silencieuse.

- Dis-moi Callie, ça te dirait de m'aider au service ce soir ?

Oh non. J'ai toujours détesté aider mes parents au bar. Pas que je ne veux pas leur rendre service. Mais je suis bien trop maladroite pour le service. Et trop peu aimable pour fidéliser leurs clients.

- Bien sûr, je te paierais comme une employée. Tu auras peut-être même une prime si tu es sympa avec les clients.

Ces yeux doux me prouvent qu'elle a autant besoin de moi que moi, j'ai besoin d'argent. Elle sait bien que je n'ai pas d'excuses pour refuser alors j'abdique.

- Ok Maman. Mais est-ce que j'ai le temps de défaire mes valises ?

Un sourire se plaque sur son visage fatigué. Ça ne m'enchante pas du tout de travailler ici mais malgré tout, c'est plaisant de voir ma mère sourire.

- Bien sûr, la cabane est prête. Le matelas est neuf, les draps sont propres et il y a même de nouveaux rideaux.

La cabane est l'endroit où je passais des heures à jouer lorsque j'étais petite. D'où le nom, qui est resté. C'est aujourd'hui, un studio rénové pour les invités de mes parents, dans le fond du jardin.
- Super. Merci, maman.

Je descends de mon haut tabouret puis je fais le tour du comptoir pour à mon tour la prendre dans mes bras. Elle paraît aussi surprise que moi. Je n'ai jamais été tactile et j'ai encore moins l'habitude de montrer mes sentiments. Mais à ce moment précis, je suis reconnaissante d'avoir des parents aussi bienveillants. Ils sont là dans cette mauvaise passe qu'est ma vie.

Le rangement chaotique de mes vêtements contraste avec le reste du studio méticuleusement rangé. Mes parents n'ont pas seulement changé la literie et les rideaux. Ils ont habillé les murs de lames en bois blanches. Disposé des tableaux de bon goût, de jolies lampes un peu partout, et un grand tapis doux à poils longs. La cabane est devenu un chalet de montagne chaleureux.
Après avoir rangé ma valise vide, et remis du blush pour avoir meilleure mine, je brosse mes cheveux et les rassemblent en queue de cheval avant de me diriger vers le pub pour retrouver ma mère.

Quand ma mère m'explique les bases de la Tequila, je n'écoute plus, mon esprit s'égare. Je suis partie de Doncaster avec des rêves pleins la tête. Je me voyais déjà être une auteure populaire. Propriétaire d'une luxueuse maison de Kensington et mariée à Adam, mon petit ami de toujours. Au lieu de ça, je me retrouve célibataire, derrière ce comptoir au bois flotté. Adam, mon premier et dernier petit ami, est devenue le héros d'une saga pour adolescent. Le genre de saga qui rendent les filles hystériques aux quatres coins du pays. La semaine dernière, je l'ai trouvé dans notre lit, nu. Avec une petite pétasse lui gobant ses dents de sagesses. Le lendemain, il bouclait ses valises pour s'installer chez elle.

- Callie, tu as compris ? Tu es prête ?

Ma mère me rappelle subitement à la réalité. Mes yeux s'humidifient mais je cligne rapidement des paupières pour effacer toutes traces de nostalgie.

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