C'est qu'hier, tout le monde riait. Et aujourd'hui on essaie juste de se persuader que rien n'a changé, que rien ne change, chaque jour. Et j'ai arrêté de m'en faire. J'ai arrêté de me dire que ça ira mieux, qu'avec le temps on retrouvera notre sourire et tout redeviendra comme avant, la belle époque.
Ce n'est qu'une vieille photo, une image décolorée, poussiéreuse, abîmée, qui nous paraîtra lointaine quand on la regardera plus tard. Ce n'est que le passé. Et j'ai arrêté d'y penser. J'ai arrêté de regretter ce que j'ai fait par erreur ou maladresse, ce que j'aurais dû faire, ce que j'aurai pu avoir, j'ai arrêté de regarder en arrière, j'ai tiré un trait, une croix, tout rayé. Le présent nous a tous rattrapé. Il nous a pris un par un et nous a giflé des dizaines de fois. J'en vois certains toujours aveuglés par la réalité, refusant de voir la vérité sous leurs yeux, le bonheur est bien parti. Il vient et vous fait revivre, puis vous laisse un beau jour, anéantis, mais tout continue quand même, rien ne s'arrête à part le sentiment d'être heureux.
Les visages sur cette photos sont chaleureux, bras dessus, bras dessous, une vraie famille. Mais c'est que le temps défile, les heures changent et les gens aussi. C'est qu'hier on semblait vivre. Les rires sont puissants, ils sortent de nos poumons et s'envolent dans l'air humide de Paris. Nos joues sont pourpres, la larme à l'œil, comme un feu d'artifice, on riait aux éclats. Je m'en rappelle, on se rendait pas vraiment compte de la chance qu'on avait de s'amuser, de suivre la routine la joie au cœur. Et aujourd'hui on est tous là, à traîner nos galères du bout des bras. Des fois on rit encore, pour réchauffer nos corps froids, et puis pour se dire que ça va un peu.
C'est qu'hier, on était bien, sereins, on était heureux bordel. Et aujourd'hui on est simplement vides, sans vie. Mais on sourit quelques fois.
