Parce Que Je L'aime

Charlie - Thomas

Avant notre rendez-vous, Alex me confia, en toute discrétion, que Thomas était amoureux de moi. Je n'en avais cure. Je voulais simplement m'amuser pour arrêter de penser, m'enivrer pour empêcher les mauvais souvenirs de me rattraper. Je ne voulais certainement pas m'enliser dans une énième histoire compliquée et vide de sens.

J'avais déjà décidé, en me rendant dans le quartier des Grands Boulevards, de coucher avec lui, plus par distraction que par désir réel. J'avais besoin d'un exutoire à ma tristesse, à ma rage et à ma colère. Aurait-il fait tant d'efforts s'il savait que je lui étais déjà acquise ?

Je voulais aussi tester son désir et connaître ses limites. Jusqu'où était-il prêt à aller pour m'avoir dans son lit ? C'est l'une des raisons pour lesquelles, je dansai avec cet inconnu dans le bar. J'étais complètement saoule, et dans les brumes bienfaisantes de l'alcool, l'idée me parut intelligente.

Le comportement de Thomas, tout au long de la soirée, me déstabilisa. Il y avait tellement d'amour, de désir dans ses yeux quand il me regardait, tellement de gentillesse, de tolérance. J'eus le sentiment, qu'il voyait au-delà de ma carapace, et du rôle qu'à force de jouer, j'étais devenue. Une fille paumée, perdue et triste.

Dès notre première fois, il me fit jouir. Ce fut son premier exploit. Je ne jouissais jamais pendant un rapport sexuel. J'étais émotionnellement trop détachée de mes partenaires pour retirer le moindre plaisir de leurs caresses. Je les laissais à peine me toucher. Pendant l'acte, j'avais souvent l'impression d'avoir usurpé la place de spectateur dans une pièce qui nécessite deux acteurs pour être excellente. Je n'atteignais l'orgasme qu'en me caressant dans l'intimité de ma chambre. Il était fort, puissant, mais il me laissait toujours pleine de honte.

Avec Thomas, l'impossible se produisit dès la première fois. Nus, peau contre peau, nous étions une évidence. Cette première nuit fut à la fois magique et surprenante. Longtemps j'essayai, de m'expliquer cette profonde rupture, mais n'y parvins pas.

Était-ce dû à son regard profond, qui me mettait à nu ? Ou à son amour qui me rendait ma compagnie supportable ? Les possibilités étaient multiples et chacune d'elles était plausible.

Après des mois à y penser, sans mettre le doigt sur ce qui fit la différence, je compris que la vie serait toujours pour moi un mystère, qui, se dévoilerait par bribe au moment où je m'y attendrais le moins.

Après que Thomas se fut endormi, je restai un long moment à le contempler les larmes aux yeux. J'avais conscience d'avoir vécu l'un des moments les plus intenses de ma vie, mais je n'étais pas prête à assumer l'après. Le réveil à deux, les discussions banales et ennuyeuses autour du petit déjeuner, la gêne...Ma vie était déjà bien assez compliquée. Ces sentiments qu'il réveillait en moi, me faisaient peur. Je savais qu'une relation avec lui ne serait pas simple. De plus, je ne me jugeais pas digne d'être aimée. Je pensais ne pas mériter son amour.

En catimini, je quittai son appartement, pris un taxi et rentrai chez moi. Je m'octroyai une douche puis je m'endormis d'un sommeil de plomb pour la première fois depuis des semaines.

À mon réveil, je prétendis que la soirée de la veille n'avait pas existé. Je repris ma vie de débauche, sans un regard en arrière. Il valait mieux que je coupe les ponts avant de lui briser le cœur. Après cette nuit, je ne voulais plus jouer avec ses sentiments. Il était trop vrai, trop sincère, trop honnête, trop en demande.

Il était un ange, j'étais un démon, nous étions, par essence, incompatibles.