Chapitre 6. La Fuite

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Hortense regarda les deux compagnons s'éloigner. Clémentin lui lança un dernier regard par-dessus son épaule, avant de disparaître à l'angle du couloir.

***

En arrivant à l'école le lendemain matin, Hortense n'avait qu'une idée en tête : parler à Musclor. Lorsqu'elle le vit entrer d'un pas lent -comme toujours- dans la classe, elle tenta d'aller le voir. Elle s'aperçut bien vite que ça ne serait pas chose facile : Hugues montait la garde. Mais Hortense refusait de baisser les bras et réfléchit à un plan. Du coin de l'oeil, elle vit Guillhem arriver, en pleine conversation avec une fille nommée Astrid. Une idée lui traversa soudain l'esprit et elle se dirigea vers le garçon. Elle lui demanda sans détour de lui rendre un service. À son regard étonné, elle lui exposa son plan, sans pour autant dévoiler son objectif principal. Après avoir longuement réfléchi, Guillhem accepta sans contre partie -en fait, il avait surtout été durement menacé par Hortense. Il se munit d'une banane et d'un marqueur noir et s'en alla au devant d'Hugues.

- Hey mon pote, lui lança-t-il d'un ton faussement joyeux.

- Hey, répondit Hugues de sa voix suave.

Il semblait méfiant. Peut-être était-ce dû au fait qu'il avait vu Guillhem et Hortense discuter ensemble quelques secondes auparavant. Mais le petit Guillhem ne se démonta pas et continua en montrant ses trouvailles :

- Regarde ce que j'ai ! Une banane et un marqueur ! Tu penses comme moi ?

- Ben non, je vois pas trop ce que...

- Atelier dessin-sur-banane ! l'interrompit Guillhem avec un rire forcé.

Avant que l'autre ne puisse répondre, il l'emmena au fond de la classe et l'assit de force, tournant le dos à Cléminou. La voie était libre pour notre héroïne. Triomphante, elle se dirigea d'un pas léger vers son prétendant qui, la voyant arriver, fit une chose inattendue. Alors que la première sonnerie retentissait, celle qui annonce le début des cours, Clémentin s'enfuit en courant dans le couloir. Un peu choquée, ne perdant pas ses moyens pour autant, Hortense se lança à sa poursuite. La scène était grotesque : un colosse d'1m80 a l'air effrayé et rouge de honte était poursuivi par une jeune fille qui beuglait dans tout le bâtiment "Attends-moi mon Minou !". Après plusieurs minutes d'une course poursuite acharnée, Hortense dû se rendre à l'évidence et abandonner. Cléminou était hors de vue, et elle ne savait même pas où elle se trouvait. Sa montre indiquait 8h15, ça faisait donc sept minutes que les cours avaient commencé. Les couloirs sombres étaient devenus silencieux, et le froid du matin frigorifiait la jeune fille qui avait oublié son manteau dans la classe.

"Ce goujat ne doit pas avoir ce problème, il est sûrement rentré en cours après m'avoir semée !" se dit-elle avec amertume.

Elle se sentait comme le Petit Poucet, mais en plus grande et en plus belle. Car oui, qu'elle ait été humiliée ou non, Hortense restait Hortense. Mais malgré ses qualités dont elle se faisait la liste mentalement, sa dignité en avait prit un coup. Plus que ça, elle était troublée et même triste. Ortie, le jeune génie qui comprenait toujours tout vingt minutes avant tout le monde, ne savait expliquer le comportement de Minou à son égard. Un jour il était au bord de lui avouer un amour flagrant, et le suivant il la fuyait comme la peste. Pour la deuxième fois de sa vie, elle se remit en question et décida de se renifler les aisselles, à la recherche d'une quelconque mauvaise odeur ayant pu le repousser.

Clémentin, quant à lui, était encore un peu secoué. Il avait stoppé sa course folle quand, à bout de souffle, il était rentré dans un mur. Il frotta son nez douloureux et continua à marcher lentement. Il n'avait absolument aucune idée d'où il se trouvait, ni comment rentrer en classe. Son esprit vagabonda jusqu'à s'arrêter sur le souvenir du visage d'Hortense. Elle n'avait sûrement pas compris pourquoi il avait fui en la voyant. Lui non plus ne comprenait pas, ça avait été plus comme une sorte de réflexe naturel chez lui, de fuir ce sentiment gênant. Surtout après ce qu'il avait failli lui dire hier. Musclor stoppa net, et se mit à songer. Il songea qu'il lui fallait la retrouver pour tout lui expliquer. Le jeune garçon revint sur ses pas et se stoppa une nouvelle fois en l'aperçevant. Il mit quelques secondes à comprendre ce qu'elle faisait.

"A...Attend... elle... ELLE SE RENIFLE LES AISSELLES OU C'EST MOI ??"

Il hésitait entre rire ou pleurer. Il choisit de garder le silence et de continuer à l'observer, tel un psycopathe matant sa future proie. Hortense avait fini son inspection et poussa un soupir de mécontentement. Son déodorant faisait toujours effet, et ses dessous de bras sentaient la vanille. Alors où était le problème ?

"Mais... Si ça se trouve Minou n'aime pas la vanille ! Mais oui évidemment ! J'aurais dû y penser avant, quelle conne je suis moi alors !"

Elle ne soucia même pas de blesser son ego en songeant qu'elle pouvait être stupide. Elle se redressa d'un coup et décida de rentrer en classe pour parler à son... son...

"Au fait, pourquoi est-ce que Clémentin m'importe autant ?" songea-t-elle troublée et hésitante.

Mais au fond d'elle, Hortense connaissait déjà la réponse. Elle se releva lentement et se mit en marche vers la classe.

Chronique D'une OrticultriceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant