Chapitre 4. Adieu l'Homme Viril

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Lorsqu'elle comprit que Clémentin n'avait pas l'intention de réagir à ses répliques, elle l'ignora carrément et se tourna vers son voisin de derrière, Guillhem, afin d'engager une conversation. Musclor, lui, restait immobile à sa place, les yeux rivés sur sa feuille. Il se força à ignorer les éclats de rire de sa voisine. Pour la première fois de sa vie, Clémentin comprit quelque chose au cours. Cela lui faisait presque oublier sa mauvaise humeur ! Il continua sur sa lancée quand soudain...

- Hortense ! Question 8 ! tonna une voix claire.

Madame Lacélib fronçait les sourcils en regardant la principale intéressée. Celle-ci se retourna en un éclair et lança un regard inquiet à sa feuille blanche. Elle bredouilla quelques mots, relu la question deux trois fois, et jeta enfin un regard implorant à son voisin. Clémentin rougit un peu et fit la moue avec sa bouche. Intérieurement, le débat faisait rage.

"Aller Clémentin ! Reste fort ! Ce n'est qu'une femme ! Rien ne t'oblige à l'aider. Elle n'avait qu'à faire ses devoirs et puis merde hein." lui disait une petite voix dans sa tête.

"Bon sang Clémentin ! C'est la femme de ta vie quoi ! Fait un effort, tu l'as faite cette question non ? Aller, donne lui la réponse !" ajoutait une autre voix intérieure, sa conscience.

Clémentin céda et pointa du doigt sur son cahier les quelques lignes rédigées. Hortense lui sourit et se mit à lire la réponse.

- Hmm... C'est incomplet. Oui, Ariane ? fit la prof en tournant la tête avec dédain.

Clémentin se racla la gorge et baissa les yeux, honteux. Il osa tout de même jeter un regard à sa voisine, qui fixait sa propre feuille, un mystérieux sourire toujours plaqué aux lèvres.

***

Quelques semaines étaient déjà passées, et les choses étaient toujours les mêmes entre nos deux protagonistes. Cependant, Hortense semblait avoir comprit la raison de l'agacement de Clémentin, et en cours de sciences elle se forçait toujours à lui parler un peu. Elle commençait à bien apprécier ce cher voisin.

Si, au premier abord, Hortense voulait l'utiliser pour son plan diabolique, elle avait aujourd'hui oublié cette idée et semblait sincère. En effet, dans le but de se rapprocher de son professeur chéri, cette chère Ortie avait tout tenté. TOUT. Et son dernier plan en date consistait à rendre celui-ci jaloux en s' intéressant à un autre homme.

Mais elle avait lamentablement échoué.

Comment rendre jaloux quelqu'un qui ne l'aime pas ? La jalousie nécessite d'avoir déjà des sentiments pour l'autre, et l'homme viril n'en n'avait pas envers Hortense. Il était marié à une autre, avec des enfants. La jeune fille le savait plus ou moins, mais comme on dit "l'espoir fait vivre".

Hortense se résolut donc à manquer quelques cours de sciences physiques. Chose que jamais, au grand jamais, elle n'aurait fait auparavant. Mais elle voulait par là calmer ses sentiments, en prenant un peu de recul. Et pour cela il lui fallait du temps. Heureuse, elle se la coula douce pendant une semaine entière. Mais une chose manquait à son bohneur : Clémentin.

"Demain, se dit-elle, demain je reviens en cours."

Et c'est ce qu'elle fit. Elle revint en classe déterminée à mettre la main sur ce sentiment étrange envers son voisin de classe. Elle passa la journée entière à côté de Musclor, bavardant gaiement comme si de rien n'était. La jeune fille semblait de nouveau pleinement épanouie, même si elle se sentait également troublée.

***

Le lundi suivant, il y avait cours de sciences physiques. Hortense se sentait un peu mal, et tentait vainement de se calmer en pensant à Guillhem sous la douche. Clémentin remarqua sa gêne et s'essaya également à la calmer. Il lui raconta des blagues stupides, et tenta même d'engager un débat sur le féminisme, sujet tabou chez elle.

Rien n'y fit.

Quand la silhouette aigrie du professeur entra dans la pièce, Ortie retint son souffle. Lorsqu'il balaya la salle du regard et que ses yeux s'arrêtèrent sur elle, son coeur se mit à battre plus fort. Il lança un :

- Tient Hortense, tu es revenue ? Ça va mieux ?

Et, à son grand étonnement, Hortense réussit à articuler d'une voix calme :

- Oui.

Il hocha la tête et se détourna définitivement d'elle. La jeune lycéenne lâcha un soupir de soulagement et croisa le regard de son voisin. Ils se sourirent en même temps, et Hortense sentit son coeur se remettre à battre très vite.

Ainsi s'écoula paisiblement le second trimestre, jusqu'aux vacances.

Chronique D'une OrticultriceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant