Chapitre 7. Le Complot

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Hortense rentra dans la classe, suivie de près par Clémentin. Le professeur lança, un petit sourire sur les lèvres :

- Mais que faisiez-vous, tous les deux ensemble dans le couloir ?

Hortense marmonna quelque chose comme "netaitpasensemble", avant de retourner à sa place tête baissée et joues rougissantes. Clémentin ne put s'empêcher de sourire, voyant l'effet que faisait la remarque du professeur sur son Hortense.

Il retourna s'asseoir et passa le reste du cours à ruminer sur le comportement qu'il avait eu quand Hortense avait voulu lui parler.

"Il ne faut pas que je sois un lâche ! Il va bien falloir un jour que je lui révèle mes sentiments..."

Clémentin passa le reste du cours à observer sa chère et tendre alors qu'elle l'ignorait fièrement. Il avait du mal à se concentrer sur autre chose, si bien que ses réponses aux questions de sa nouvelles voisine se faisaient vagues. Il avait l'impression d'être envahi par les bavardages incessants d'Astrid, Guillhem, Marie... Tous ceux-là qui gravitaient autour de lui et de son amour pour Hortense.

À la récréation, Guillhem s'approcha de Clémentin. Se croyant loin des oreilles indiscrètes, Guillhem se lança, mal à l'aise :

- J'ai remarqué... avec Hortense... Si tu veux me confier quelque chose, n'hésite pas, je comprendrai.

Clémentin le regarda étrangement puis, décidant qu'il pouvait faire confiance au jeune homme, avoua :

- Oui, c'est vrai. Je l'aime comme jamais je n'ai aimé quelqu'un d'autre, fit-il d'un air passionné, mais, j'ai peur que si jamais je lui avoue, elle s'en moque ou qu'elle ait pitié de moi. Ou pire, qu'elle ne veuille plus me parler !

- Tu sais, dit Guillhem philosophe, au pire tu seras fixé, et au mieux, elle te révélera une passion secrète! Tu devrais l'informer, peu importe ce qui arrivera.

- Oui, tu as sûrement raison, il faut que j'arrête de faire le lâche. Je vais lui expliquer ce soir ! se résolu finalement Clémentin.

Ils se séparèrent, ne se doutant pas une seule seconde qu'Hugues avait tout entendu.

***

Hortense marchait d'un pas énergique. Son visage trahissait son énervement, on pouvait aussi déceler une pointe de détresse sur ses traits tendus. La journée de cours venait de se terminer et Hortense rentrait chez elle, toujours outrée par le comportement de Clémentin.

Alors qu'elle traversait un couloir vide de présence, elle fut interrompue dans sa marche par Hugues, qui la saisit pour l'emmener dans une salle de classe vide, mystérieusement ouverte. L'endroit était sombre, les rideaux fermés faisant obstacles à la lumière, les chaises n'étaient pas toutes rangées contre leur table, comme si la salle avait été désertée subitement sans que ses derniers occupants ne prennent la peine de la remettre en état. Le tableau noir n'avait pas été effacé, et un reste de leçon de ce qu'on pouvait affirmer comme étant du grec ancien exposait, comme orgueilleusement, son savoir. Un cahier avait été oublié sur une table et un sac miteux attendait en vain son propriétaire dans le fond de la classe. Dans un murmure, Hugues exposa, avec son tact habituel :

- Juste pour te dire, Clémentin ne t'aime pas. Il en a marre que tu le colles tout le temps.

Et cet inexplicable personnage s'en alla, inconscient de l'effondrement intérieur qu'il avait provoqué chez son interlocutrice.

Hortense s'adossa au mur, détruite. En premier lieu, un sentiment de colère s'empara d'elle.

"Alors comme ça je le colle ? Il va voir ce qu'il va voir ! Je ne vais plus le coller, ah ça non !" se dit-elle.

Puis son état passa de la fureur à la tristesse.

"Mais il était l'amour de ma vie... Je l'aimais, que dis-je ? Je l'aime ! Gentil, calme, drôle, pas trop con, honnête, il a tout pour lui, et moi, je ne peux pas l'avoir!..." se lamentait-elle.

Hortense glissa le long du mur et se retrouva assise, la tête enfouie dans les genoux, et pour la première fois de sa vie peut-être, elle pleura d'amour.

***

Clémentin se dépêchait. Sa résolution était prise, il allait la chercher, la trouver et lui annoncer, ce soir. Mais Clémentin était à la recherche d'Hortense depuis bien longtemps, et elle était introuvable. Alors qu'il dépassait un coin de couloir désert, il entendit comme une plainte. Clémentin s'avança dans le passage et ouvrit la porte d'une classe déserte. Accroupie là dans un coin sombre Hortense, son Hortense, sanglotait. Il s'approcha silencieusement et s'assit à côté d'elle. Relevant la tête, la jeune fille l'aperçu et se réfugia à nouveau derrière ses cheveux, pleurant de plus belle. Pendant les quelques instants où il avait pu entrevoir son visage, Clémentin avait vu des yeux rouges, bouffis par les larmes, mais toujours aussi brillants derrières les iris brunes. Il avait vu un nez délicat, et une bouche qu'il... Clémentin s'empêcha de penser à la bouche d'Hortense mais à la place, il fit un geste dicté par son instinct, il osa passer un bras par-dessus l'épaule de la jeune fille. La réaction de celle-ci ne se fit pas attendre, elle lui cria à travers ses larmes :

- De toute façon tu t'en fous de moi !

Chronique D'une OrticultriceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant