Chapitre 17. Tout Est Bien Qui Finit Bien

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Albin regardait Hortense avec fureur : apparemment, il n'avait pas digéré l'incident de la veille. Il avait surtout retenu le "il n'a jamais compté pour moi" qu'Hortense avait dit le plus naturellement du monde. Celle-ci passa à côté de lui sans lui adresser un seul regard. Elle se dirigea vers sa place et s'y assit, sans avoir parlé à quiconque. Elle trônait là, telle une princesse inaccessible.

Tout à coup, Albin brisa la magie en la prenant par les épaules brusquement et en la tournant face à lui. Il était assit sur la chaise à côté d'elle et la regardait d'un air furieux.

- Alors comme ça je n'ai jamais compté pour toi ? interrogea-t-il d'une voix forte.

Hortense l'observa de haut en bas sans sourcilier, comme étonnée qu'on la dérange dans son royal repos. Elle prononça finalement avec lenteur :

- Oui, il est vrai que j'ai considéré notre couple comme une amourette sans trop d'importance. J'admets que ce n'était rien comparé à ce que j'ai vécu avec Clémentin.

Hortense adressa à ce dernier une oeillade aguicheuse, n'ayant pas oublié son plan de le reconquérir.

L'intéressé tourna alors la tête et commença à écouter la conversation. Albin rétorqua :

- Ce n'est pas ce que tu m'as dit, quand on s'est séparés à la fin des vacances. Tu pleurais toutes les larmes de ton corps !

- Quoi ? Qu'est-ce que tu viens de dire, Albin ? intervint Guillhem. Tu es sorti avec Hortense ?

Toute la classe se tourna, comme un seul homme, en direction d'Albin et Hortense. Cette dernière avait gardé son air impassible et inaccessible tandis qu'Albin rougissait fortement en réalisant qu'il avait peut-être parlé un peu trop fort.

- Je... en quelques sortes, oui... grogna-t-il timidement, ayant perdu toute son assurance.

- Oui, en effet, fit Hortense d'une voix claire. C'était l'été après la 4eme, on s'est retrouvés par hasard dans le même club de vacances. Et il s'est passé ce qu'il s'est passé...

Des "Quoi ?", "Trop drôle !" et "J'aurais jamais pensé qu'ils...!" retentirent en même temps dans la classe alors que les élèves commentaient la nouvelle.

- Oui, nous aussi ça nous a fait un choc quand on l'a apprit ! déclara Valentine.

- Vous le saviez ? s'étonnèrent certaines personnes.

- Oui, on l'a apprit hier quand on a surpris Albin qui essayait d'embrasser Hortense ! expliqua Marie.

- Il a essayé de l'EMBRASSER ? s'enquérit Astrid, choquée.

- Oui, et heureusement que j'étais là pour l'en empêcher, dit Clémentin d'un ton glacial.

Tout le monde se tu, et Clémentin s'avança vers Albin, tel un fauve se dirigeant vers sa proie.

Il s'arrêta devant lui et se tourna finalement vers Hortense :

- Qu'est-ce que tu as fait ce matin ? l'interrogea-t-il d'un ton sec.

- Oh ce matin, fit Hortense du ton enjoué qu'elle adoptait toujours avec Clémentin. J'ai mangé mes flocons d'avoine, comme d'habitude, puis j'ai fait ma toilette, ensuite j'ai attrapé ce petit haut qui était accroché sur un cintre, dans mon armoire...

- Je veux dire, la coupa Clémentin, pourquoi tu n'étais pas à l'école ?

- Je... fit-elle en le regardant tristement.

Hortense avait perdu toute sa superbe, elle semblait à nouveau anéantie comme le matin même, quand elle pleurait leur séparation. Clémentin sembla le comprendre et ne lui posa pas plus de questions. Il adressa enfin la parole à Albin :

- Je disais donc... Mais arrête de te dandiner comme une loutre dans un étang trop froid ! Je sais bien que tu as peur que je te casse la gueule parce que je suis quatre fois plus musclé que toi, mais...

Des  "ouuuuh!" à l'adresse d'Albin retentirent. Clémentin poursuivit :

- ... Mais je ne vais pas utiliser mes muscles cette fois-ci, car ce que j'ai à dire ne peut être exprimé par la force. Donc calme toi et reste immobile. Ce que j'ai à dire, le voici.

Clémentin monta sur l'estrade et commença son discours. Il se tenait droit et son port de tête était fier. Il émanait énormément d'assurance de sa posture. Quand il ouvrit la bouche, tous les yeux étaient rivés sur lui.

- Albin, je voudrais te remercier. Oui, je sais que je devrais t'enterrer vivant après t'avoir roué de coups et t'avoir forcé à manger 10 kilos de choux de Bruxelles car tu as essayé d'embrasser ma copine, mais aujourd'hui, je choisis de te dire merci. Albin, par ton immense bêtise qui a conduit à ma rupture avec Hortense, tu m'a fait réaliser que mon seul but, ma seule raison de vivre, c'est elle. Personne ne peut ne serait-ce qu'imaginer l'immense douleur qui me secoue depuis ce moment fatidique où je lui ai dit "c'est fini". Cette douleur, bien qu'insupportable, je l'accueille comme un cadeau céleste, car elle m'a ouvert les yeux. Je sais désormais que je ne peux vivre sans elle et qu'elle est pour moi la créature la plus précieuse sur cette Terre.

Clémentin tourna des yeux brillants vers sa belle et conclu :

- Hortense, acceptes-tu que l'on se remette ensemble ?

Celle-ci n'avait pu contenir son émotion et quelques larmes avaient tracé un chemin partant de ses yeux pour arriver au bas de ses joues. Hortense dévoilait, en cette instant, une facette de sa personnalité qui ne se montrait que rarement : c'était sa sensibilité. Elle gardait ses yeux résolument tournés vers Clémentin et semblait vouloir ne regarder que lui et lui seul jusqu'à sa mort. Après quelques instants, elle lâcha :

- Oui je l'accepte.

Le silence qui régnait dans la pièce fut tout à coup rompu par une explosion de joie. Même le professeur de mathématiques, qui était arrivé entre temps, applaudissait d'un air ému. Guillhem pleurait dans les bras d'Hugues et Astrid avait trouvé refuge dans ceux d'Albin pour cacher ses sanglots.

Hortense se réfugia auprès de son ex-ex-petit-ami et sécha ses larmes avec son pull. Clémentin l'entoura de ses bras puissants et enfouit son visage dans ses cheveux.

- Quand on habitera ensemble, je te ferais ton plat préféré tous les jours, souffla Hortense à l'oreille de Clémentin.

- Du rôti de lièvre farci aux champignons de paris et au vin blanc tous les jours ? formula celui-ci avec un petit sourire. J'ai hâte que ce ce moment arrive !

Chronique D'une OrticultriceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant