Théia et Gaïa

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Pour ces personnes autour de moi qui,
malgré mes efforts,
ne comprennent pas le sens de l'interdépendance.

Théia courait parmi ses amis de matière solide, gazeuse, liquide. Elle courait, et se sentait libre, vivante, dans cet entourage empli de vie rocheuse.
Les frottements des ondes stellaires caressaient son pelage si natif, si ancestral, résineux au visible du Soleil.
Théia errait parmi la vie, saluait les astéroïdes qui se précipitaient tous à tourner autour d'un centre de gravité; "L'attraction de l'amour", lui avait conté un jour un des leurs. Théia ne comprenait pas leur démarche et continuait son chemin, toujours en saluant ce beau monde et en admirant les planètes. Celles ci étaient admirées de toute la vie interstellaire. C'est les plus puissantes, les plus chargées d'énergie, les plus belles. D'où l'attroupement de corps émerveillés autour d'elles.
Théia se baladait parmi Vénus, Saturne, et remarqua que Saturne devait beaucoup plaire aux corps : une auréole divine l'encerclait. Peu de planètes arrivaient à contrôler leurs fans sans qu'ils se tapent dessus et fasses des explosions énormes, blessant les gros amas rocheux. Des satellites tournaient tranquillement.
Théia était fière d'elle. Elle était un astéroïde de la taille des planètes naines : elle imposait le respect. Sa trajectoire n'était pas complètement elliptique autour d'Hélios, donc elle était la masse privilégiée, pouvant visiter le système solaire.
Et là, elle la vit.
Ils l'appelaient "Terre". Ou, "Gaïa".
Elle était jeune. Très jeune. Native, presque, comme Théia. Et magnifique. Théia ne décrochait pas ses ondes d'elle.
À partir du moment où Théia vit la Terre, elle se laissa complètement aller. Elle encourageait de toutes ses forces sa gravité à être attirée par le nuage dur mais poussiéreux.
Quand elle fut suffisamment près, elle tenta de parler à son âme soeur.
Je comprends pourquoi tout le monde céleste cherche les planètes, maintenant. Tu es magnifique. Mais pourquoi tu n'as personne autour de toi ? Pourquoi es tu seule ?
La Terre entendit. Elle entendit ce cri lointain faite vibrer chaque liaison de son corps, chaque atome, chaque minéral, chaque roche. Et elle ressentit, pour la première fois, un léger picotement.
Pourquoi me parles tu ? Qui es-tu ? Qui suis-je ?
Théia fut prise d'une vague de compassion qui fit trembler ses minéraux.
Quelqu'un t'a déjà parlé, Gaïa ?
Celle ci réalisa que elle peut communiquer instinctivement, et réfléchir, et ressentir. Elle décrypta l'identité de la masse mouvante vers elle en envoyant des ondes.
Théia.. Enchantée, Théia. Tu m'as donnée la vie.
La Terre observait avec attention sa première et nouvelle amie.
Je ne te l'ai pas donnée, je t'ai juste réveillée.
Par ton amour, par ta personne. En me regardant tu m'as fait vivre.
Peut être bien...
Viens. Viens, s'il te plaît. J'ai besoin de toi, reste avec moi, ne pars pas. Si tu me fais vivre, tu m'apprendras à ressentir. Je sens déjà de nouvelles choses perturber ma structure, je ne sais pas ce que c'est.
Des sentiments, Gaïa. Moi aussi j'ai besoin de toi. Ma gravité t'a choisie, la tienne m'a choisie. Nous sommes liées, maintenant, pour toujours.
Théia se rapprocha donc, Gaïa étant trop attachée à Hélios, elle ne pouvait se mouver avec la même agilité que son amie. Elle parlaient, toujours. Théia transmettait son savoir à Gaïa, tandis que celle ci écoutait, admirative, brûlante.

Puis le jour arriva.
Enfin, elles purent se toucher. Se sentir.
Gaïa eut mal, extrêmement mal, mais elle supportait, elle devait survivre pour ne former qu'un avec sa nouvelle amie, avec son amie, car l'amitié c'est accepter en soi.
Le choc passé, la jeune planète reprit ses esprits.
Théia ?
Aucune réponse.
Il n'y aura plus jamais de réponse.
Théia était trop petite. Gaïa trop grande. Le choc était trop puissant. Une constellation de débris flottait autour de la Terre. Les restes de Théia. Pour toujours.

Plonger dans l'oubli les pensées pessimistesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant