Jaspe était normale, pourtant. Elle vivait, elle survivait, elle poursuivait le long cycle de la vie qui semblait interminable. Elle aimait, aussi.
Chose étrange pour la plupart de son entourage : elle était homosexuelle. Elle ne comprenait pas pourquoi les personnes l'entourant remuaient ciel et terre afin d'essayer de la convaincre de son, soi-disant, hétérosexualité. Héréditaire ou non, acquéri ou non, inné ou non, elle se l'est déjà demandé lors de la réalisation de son orientation. L'acceptation de qui on est en défiant ouvertement la société est un pas qu'elle avait franchi. Celle-ci paraissait ouverte et compréhensive par rapport à l'homosexualité : les mariages sont acceptés, les gays peuvent dorénavant donner leur sang, adopter. La loi semble avoir dépassé la mentalité humaine dite « moderne ».
Les paroles des proches semblent inconscientes, anodines, et pourtant frappantes.
« J'aimerais bien quand même avoir des petits enfants. »
« Tu ne sais pas si t'es homosexuelle, tu n'as jamais goûté. »
« Ah, oui, c'est vrai, tu ne sais pas ce que c'est. »
« Tu dis ça parce que tu n'y a jamais goûté. »
Jaspe glissa le long de son mur, les yeux débordants de larmes, vissés dans le vide semblant l'envelopper de ses bras apaisants. Les paroles que Phélia lui a dites retentirent dans son encéphale embrumée de tristesse pesante. Elle alluma une cigarette silencieuse qui se laissait doucement consumer par l'air et laissait des sillons blancs de sa mort sur son passage. Elle savait qui elle était. C'était ancré, codé, dessiné, sculpté, mais son entourage tente de démouler les faits, de les remodeler afin de donner de la beauté et de la cohérence à sa personne, en vain. Leur frustration se retranscrivait sur Jaspe, qui, soumise aux vents torrides et meurtriers des jugements s'asphyxiait par manque d'idées pures, par manque d'ouverture d'esprit. Etait-elle ouverte d'esprit ? Pourquoi attendait-elle de ses proches de l'accepter telle qu'elle est ? N'essayons nous pas, tous, de changer inconsciemment les personnes en face de nous ? Ne pouvons-nous pas maîtriser nos paroles une bonne fois pour toutes et valoir le mot, avec la majuscule qu'on met, Homme ? Une quinte de toux arrêta ses pensées fleurissantes, laissant les fleurs faner doucement au rythme de la fumée laiteuse s'échappant de sa gorge irritée et serrée par les pleurs incessants.
I'm sick I think I'm sick
Sometimes I think I get like this
I bite my tongue and clench my fists
Resist at first and then reverse
Allez, respire. Respire, souffle, reprends toi, putain, regarde, bordel, regarde la vie, regarde ces gens, ils savent rien, ils sont rien, comme toi, vous êtes rien, accepte le. Trahie, rejetée, seule, partout, t'es seule, t'es toute seule dans ta merde, tu t'enfonces, encore, encore, tu n'arrives plus, tu suffoques, tu tousses, tu reprends ton souffle, en vain, tu meurs, tu meurs plus les secondes passent, plus tu es humaine, plus tu dois vivre dans ça. Regarde toi, ma pauvre, t'es pathétique, lunatique, bipolaire, parano, brute, inutile, parasite. T'es un putain de parasite, et tu te laisses démolir par des préjugés sociaux que l'Homme, mettons lui une majuscule, à celui là, que l'HHHHomme, a lui même créé afin de montrer sa supériorité, son pouvoir, oh, son grand pouvoir, afin de se liguer contre les plus faible. Mais tu n'es pas plus faible. Tu es aussi faible qu'eux. Que tout ce passé, que tout ce présent, que tout ce futur. Alors que la Terre est déjà foutue, alors que le passé est tâché d'encre noire, alors que le futur n'a pas assez de pages afin de s'écrire, et que le présent est juste là, à ta portée de mains, tu pleures pour des préjugés sociaux qui n'en valent pas la peine ? Bravo, jeune fille, bravo à toi, bravo à ta force, à ton courage, à ta détermination, à ta bravoure. Continue de périr dans ton coin alors que oui, la destruction psychologique est la plus forte et la plus meurtrière, mais c'est ça qu'ils veulent, tu comprends ? C'est ça que chaque homme, y compris toi, le veut, le souhaite, se bat pour ça, pour ce sentiment de supériorité. Alors maintenant que tu meurs, que tu t'apprêtes à ne plus exister, s'il te plaît, vis un instant, vis, putain de merde, vis tant que tu le peux, sans les autres, t'es seule à présent, tu l'as toujours été, vis et meurs seule, dans le froid, mais s'il te plaît, vis.
Q U I S U I S J E ?
Jaspe attrapa ses cheveux et, dans une vague d'émotions, hurla sa peine déchirant le silence.
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Plonger dans l'oubli les pensées pessimistes
EspiritualJe ne classe pas les écrits dans l'ordre chronologique, mais en fonction de leur type. En effet, dans un premier temps se situent les nouvelles, bien élaborées, puis il y a les écris divers, expériences littéraires que je fais. Tout déferle d'un cou...