Elle était là. Assise, sa cigarette se consumant lentement entre ses deux lèvres entrouvertes par la stupeur. Elle n'y croyait visiblement pas, elle n'avait placé aucune confiance en cette personne; les larmes déferlaient sur ses joues rosies par le froid du matin de printemps. Son ravisseur entre les mains, elle a pu apercevoir deux mots, deux mots qui firent rater à son coeur un battement, deux mots qui furent fuser des éclaboussures de sentiments dans tout l'intérieur de son enveloppe charnelle.
«Je t'aime.»
Elle jeta d'un geste fou son téléphone qui vint rencontrer la violente étreinte du mur blanc avant de tomber en faisant un bruit sourd. La fureur qu'elle ressentait l'emplit d'effroi, l'amour qu'elle ressentait l'emplit d'incertitude, et la peine qu'elle ressentait la remplit de désespoir. Chaque sentiment était la clef d'un portail menant à un autre gouffre balayé par le tsunami des émotions. L'engin tenant les mots d'amour loin d'elle, elle put enfin relâcher ses dents, qui maintenaient la machine à tuer, et inhaler la fumée blanchâtre qui en sortait. Elle n'avait pas le temps de réaliser qu'elle tuait à petit feu son corps fragile, elle ne savait pas que ses heures étaient comptées, elle n'avait pas conscience du danger que le matériel pouvait représenter pour elle. Tout ce qui comptait, était cette substance intouchable qui enveloppait son corps en l'épousant de manière parfaite. Elle sentit ses dents se serrer de douleur à cause d'un spasme secouant à nouveau son frêle corps, le monstre tomba d'entre ses mâchoires, incapable de résister à tant de force. Elle tua la fumée d'un coup de poing, et hurla.
Elle était rien.
Elle était juste un être vivant parmi tant d'autres, victime de sa propre souffrance infinie et incontrôlable. Elle était seule, elle le savait. Une démonstration d'amour est elle vraie ? Elle n'y croyait pas un mot. Les sentiments ne peuvent être démontrés, elle n'avait aucune confiance, en personne.
On est seuls. Nous vivons dans un monde qui prône l'amour et l'entraide. Nous vivons dans une société où l'égalité et la justice sont glorifiées. Nous sommes en proie à des hommes louant la bienséance et la courtoisie, la loyauté et l'amitié. Mais qu'en est il ? Nous restons seuls. Les vibrations de la vie ne se font pas ressentir par les émotions vantées par la raison humaine mais par l'égocentrisme et la lâcheté. Nous disons aimer mais beaucoup haïssent. Ô combien d'êtres humains, si malveillants et si ravageurs aiment ? Combien d'entre eux sont réellement en proie à des pulsations animales qui mènent à l'Amour ? Qui pourra sacrifier sa vie au nom d'un nom et périr avec le bonheur enfin atteint : celui de voir son étincelle en vie.
Eunydès était pourchassée par ses pensées l'empêchant de se fondre dans la société, de vivre et de ressentir sans réfléchir. Le fauve menaçant était en train de lui sauter dessus toutes griffes dehors, mais s'était arrêté dans sa trajectoire, comme suspendu en l'air. Les émotions attendent le moment idéal afin de tuer. Elle était piégée. Les ombres des griffes du félin avaient pris les devants et l'avaient encerclé : elle aimait. Et cet amour l'entrainait vers le néant.
Consciente du danger, elle laissa les deux mots planer dans le numérique et dans sa pensée, encore et encore, sans jamais y répondre.
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Plonger dans l'oubli les pensées pessimistes
EspiritualJe ne classe pas les écrits dans l'ordre chronologique, mais en fonction de leur type. En effet, dans un premier temps se situent les nouvelles, bien élaborées, puis il y a les écris divers, expériences littéraires que je fais. Tout déferle d'un cou...