VII. OÙ IL EST QUESTION DE LA RÉPUTATION DE L'ÉTABLISSEMENT LANTHENAS & FILS

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Ce n'était plus un homme qui descendait en ce moment les marches du parvis de l'hôtel de Tournelles, mais simplement son ombre. Cet être dévasté, autrefois joyeux et amoureux de la vie, avide de savoir, transporté par les arts de la musique, de la peinture et du théâtre, cet être, disons-nous, n'aspirait aujourd'hui à aucun de ces plaisirs qu'un homme de son âge, dans toute l'ardeur de sa jeunesse et innocent des choses du coeur, devait faire passer au premier rang de ses passions.

L'Amour avait frappé à la porte de ce coeur inexpérimenté et y causait des ravages insoupçonnés.

━ Joachim !

L'apprenti docteur s'immobilisa avec résignation sous le portail de l'hôtel. Des pas précipités retentissaient sur les graviers du parvis.

━ Joachim, dit Hector en arrivant à hauteur de son ami et en lui posant la main sur l'épaule, cesse tes enfantillages, allons. Si vraiment tu souhaites retrouver ta chimère au mouchoir, tu devras t'armer de la plus belle arme d'un amoureux : la patience. Car rien ne dessert plus un coeur aimant que la précipitation. Sois patient ! Ne te jette pas les deux pieds en avant dans une aventure dont l'issue pourrait nuire à ton bonheur, à ta santé. Car vois-tu, sur la tête de mes aïeuls, je ne pourrais supporter indéfiniment de te voir souffrir et soupirer à longueur de journée, et s'il devait t'arriver malheur, et je prie le Ciel de t'en épargner tout à fait, je serais l'être le plus malheureux de la terre. Reviens-moi, s'il te plaît, Joachim ! Soyons de nouveau ces deux jeunes gens insouciants et profitons de notre jeunesse qui, à ce qu'il se murmure, ne dure pas pour l'éternité !

Joachim sourit aux paroles réfléchies de son ami et lui adressa un regard plein d'affection et de larmes.

━ Tu as sans doute raison, Hector. Mais je ne peux contrôler cette force inconnue qui s'est emparée de mes sens. Je lutte, mais rien n'y fait, mon coeur s'emballe et pleure aussitôt que mes pensées se posent sur son visage masqué. Je la hais de me faire souffrir autant, mais je lui pardonne tout, absolument tout.

━ Tout ce dont tu as besoin mon ami, c'est de distraction.

━ Quelle distraction pourrait me faire rendre la raison pour ne serait-ce une seule minute ?

━ Mmh, voyons voir... Ah, je sais ! Allons dès maintenant au Palais-Royal, je meurs d'envie de perdre mes sous à la roulette !

━ Le jeu, l'argent... Hector, tu ne peux pas être sérieux.

━ Alors les études ! Ta tête est tellement bien faite que les traités de médecine devraient te captiver au plus haut point.

━ M. Lacourt, dit Joachim en fixant un point au loin.

━ Quoi M. Lacourt ?

━ Je vais aller chez M. Lacourt.

━ A cette heure-ci, sans avoir la décence de prévenir ?

━ Après les évènements d'hier, je pense que les portes de la maison Lacourt me seront ouvertes pour bien des semaines. Souhaites-tu m'accompagner ?

━ Ai-je seulement le choix ? demanda Hector en haussant les épaules.

C'était un charmant après-midi de printemps qui s'offraient aux deux amis, aussi décidèrent-ils de se rendre à pied chez M. Lacourt. Joachim, en homme avisé, savait que l'exercice physique était un des meilleurs moyens de s'aérer les idées.

Nous avons déjà visité, au cours des chapitres précédents, ces deux bâtiments magnifiques que sont l'hôtel de Tournelles et la résidence de la famille Sainte-Croix et avons ainsi pu toucher du doigt deux joyaux de l'architecture parisienne. Ce troisième lieu où nous emmenons aujourd'hui le lecteur n'a pas à rougir de ses deux semblables, car s'il y avait bien à Paris, en cette époque, une maison sur laquelle se posaient tous les jours mille regards envieux, c'était celle de la famille Lacourt.

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