Chapitre 12

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Sophie avait entendu parler d'un petit trafiquant qui faisait, parait-il, ses trafics dans une ruelle près de Main Street View. Elle n'avait jamais osé aller voir une autre personne qu'Alexy, habituellement c'était lui qui lui donnait sa dose, qui lui permettait de fumer un ou deux joints dans la soirée, et qui laissait à disposition de sacrés sachets de drogues.

Elle avait dû passer près de petits magasins qu'elle détestait au plus profond d'elle. Toutes les personnes aisées s'y retrouvaient et faisaient des achats sans penser à compter ce qu'elles allaient devoir payer. Plus on avait, moins on comptait, c'était ça la vie. Sophie pressa le pas et se trouva peu de temps après devant le jeune homme dans Main Street View. Tout était si sombre autour d'eux. Il y avait bien une trentaine de mètres d'obscurité autour d'eux. Elle ne pouvait distinguer grand chose du jeune homme. Il avait la capuche rabaissée sur sa tête, le dos plaqué contre un mur de pierres et parlait peu. Seule sa respiration trahissait le silence pesant qui les entourait. Personne ne pouvait se douter que dans ce type de ruelle se trouvait un garçon, sans doute âgé entre dix-huit et vingt-six ans, selon Sophie qui avait eu la chance de l'entendre proférer quelques paroles lorsqu'il avait demandé ce qu'elle souhaitait avoir, et à deux reprises elle n'avait pas su que répondre. Elle n'en avait absolument aucune idée. Le jeune homme ne voulait pas rester plus longtemps avec ses clients, alors elle termina par décrire ce qu'elle prenait habituellement et le jeune homme, ouvrant délicatement sa veste, sortit d'une poche interne un sachet qu'il lui tendit après avoir été payé.

Quatorze euros. Elle avait payé quatorze euros alors qu'Alexy habituellement ne montait pas à plus de dix. Elle s'était faite arnaquée, elle en était certaine, mais elle ne connaissait aucun trafiquant hormis celui-là. En plus de cela, il lui semblait que le sachet faisait deux fois moins la taille que ceux d'Alexy. C'était sans doute pour ça que ce trafiquant restait sans cesse dans cette petite ruelle sombre sur Main Street View, personne ne pouvait voir précisément ce qu'il vendait, aucun lampadaire n'éclairait cet endroit. Elle en avait eu des frissons. La main plongée dans sa poche pour maintenir son sachet en sécurité, elle traversa les rues à toute allure.

Enfermée dans sa chambre, elle se jeta sur son lit, sortit furieusement son sac de sa poche et le déchira en vidant la poudre sur un des livres qui lui trainaient sous la main. Son nez aspira un maximum de poudre et il fallu peu de temps avant que la jeune fille ne se laisse tomber sur son lit, les yeux révulsés, la bouche entrouverte, le bras droit glissant du lit et pendant dans le vide. Jamais elle n'avait dosé elle-même, elle ne savait pas faire ça, on ne lui avait jamais appris.

Et voilà que peu de temps après, elle commençait à halluciner. Son plafond ne descendait-il pas sur elle ? N'allait-elle pas être étouffée par la couette qui bougeait ? Et son lit, ne se déplaçait-il pas dans la chambre ? Il lui en fallait plus ! Mais où était donc passé son livre ? Son livre où était déposée la poudre ! Elle se redressa de son lit, les murs tournant tout autour d'elle et se jeta sur le sol de sa chambre en remarquant le livre retourné sur le faux parquet. Les yeux grands ouverts, elle retourna le livre et colla son nez sur ce qu'il restait de poudre, sniffant un maximum pour enlever le mal-être qui lui pourrissait la vie. Des frissons lui parcoururent la peau, suivi de douleurs abdominales qui la firent se plier en boule sur le sol. Prise soudainement de vertige, elle s'écroula sur le sol, les jambes pliés, les mains s'agrippant au sol en remarquant le plafond s'écrouler sur elle. Sa crise prit une telle ampleur que ses paupières se refermèrent sans qu'elle ne pu y faire grand chose et sa respiration se coupa.

Ses parents, bras dessus bras dessous, observaient leur fille se diriger vers eux, les pas encore hésitants. Sophie s'approchait, sonnée de pouvoir les voir, en chair et en os. Cela faisait tant de temps qu'elle ne les avait pas vu. Se rapprochant un peu plus, il lui semblait que ça n'était pas un rêve et que ses parents étaient bien là. Elle accéléra son allure et couru vers eux par peur de les voir disparaître une seconde fois. Elle sauta dans les bras de sa mère, s'agrippant de toutes ses forces à la belle chemise en soie qu'elle s'était achetée il y a deux ans de cela. C'était sa préférée. Les larmes dévalaient les joues de Sophie. Elle respirait enfin le parfum de sa mère, elle sentait enfin son corps contre le sien. Sa mère passait sa main dans les longs cheveux de sa fille, pleurant elle aussi, mais silencieusement. N'oubliant pas son père, elle recula des bras de sa mère et s'enfonça dans le torse de son paternel. Ses bras musclés la serrèrent contre son torse et il plaqua son visage contre les cheveux de sa fille. La dernière fois qu'il avait eu un tel câlin de la part de sa fille, elle devait avoir dix ans. Elle avait tellement grandit ! Le sentiment de sécurité qu'avait perdu Sophie était de retour. Elle aurait voulu ne jamais les quitter, elle aurait dû être dans cette voiture ce soir là, elle n'avait pas le droit de vivre tandis que ses parents ne le pouvaient plus.

Sophie recula, observant ses deux parents en face d'elle. Ils la regardaient, l'admiraient. Il était vrai qu'avec le travail qui avait pris une place considérable dans leur vie, ils n'avaient jamais remarqué à quel point leur fille avait grandit, à quel point elle était devenu une jeune femme, et, ce qu'elle était belle ! Son père passa son bras autour de la hanche de sa femme et essuya la larme de sa main qui venait de se détacher de sa paupière.

-Pourquoi fais-tu ça Sophie ?

-De quoi tu parles papa ? Demanda t-elle de sa voix la plus douce.

Il parlait avec une voix grave, presque tremblante.

-Pourquoi mets-tu ta vie en danger comme tu le fais ?

-Pourquoi ne suis-tu plus tes rêves comme tu le faisais si bien auparavant ma chérie ? Reprit sa mère d'un air sérieux. Tu ne peux pas te laisser vivre comme ça.

-Je n'arrive plus maman. Je n'arrive plus... Répondit la jeune fille, le regard baissé au sol. Je me sens... Je me sens si seule. Vous étiez mes deux seuls repères, maintenant je n'en ai plus aucun...

-Ma chérie, reprit-elle en s'approchant de sa fille. Elle plaça sa main sous le menton de la jeune fille et releva son visage afin de voir ses yeux. Ta tante est aussi un repère pour toi.

-Mais c'est pas pareil ! Rétorqua Sophie en reculant. C'est de vous dont j'ai besoin ! Ça n'est pas de Marta ! Elle fait ce qu'elle peut m-mais, bégaya-t-elle, ça n'est pas assez...

Les larmes dévalaient ses joues. Ses parents la regardaient, immobiles.

-Tout est de ma faute papa, si tu savais comme je m'en veux ! Reprit-elle en courant dans ses bras afin de serrer sa veste noire entre ses doigts. Je suis tellement désolée, continua t-elle la voix tremblante. Je suis tellement désolée !

Il posa ses deux mains sur chacune des épaules de sa fille et la plaça face à lui, le regard sérieux. Il s'agenouilla à sa hauteur.

-Ne dis pas ça ! Répondit-il d'une voix grave. Rien n'est de ta faute ma chérie, absolument rien ! Écoute moi, reprit-il en observant le regard de sa fille éviter le sien. Regarde-moi. Sophie releva lentement ses yeux vers ceux de son père. Tu dois comprendre que ça n'est pas nous qui contrôlons la vie. Parfois on vit jusqu'à cent ans, parfois on s'éteint plus jeune, mais ça n'est jamais la faute de personne. Nous n'avons aucun contrôle sur notre destin, si des choses doivent se passer, elles se passent, un jour ou l'autre. Ma fille, reprit-il d'une voix plus calme. Tu es si intelligente, si jolie. Tu ne dois pas te laisser vivre comme ça à dix-sept ans, tu es si jeune bon sang ! Pourquoi te drogues-tu pour oublier tes soucis alors que tu pourrais te faire des amies, aller à l'école, avoir un diplôme et faire ce qui te plaît, pourquoi tout gâcher à cause d'un stupide accident ! Écoute-moi bien ma chérie, tu ne dois jamais baisser les bras et te plonger dans tout ça lorsque tu fais face à un obstacle. Tu en croiseras des obstacles, et certains seront si hauts que tu penseras que tu ne pourras rien faire pour les surpasser, et pourtant si, car il y a toujours une solution, tu m'entends ? Il y a toujours une solution ! Dans la vie, on a tendance à prendre les choix les plus faciles, on a peur de la difficulté, on a peur d'échouer, mais c'est pourtant en échouant qu'on apprend à ne plus faire les mêmes erreurs. Sophie, ma chérie, tu dois te battre. Tu dois surpasser tes peurs, tu dois faire ce que tu aimes et ne laisser personne te prouver que tu as tord et que tu vas échouer. La personne qui échoue c'est celle qui ne tente rien, qui laisse les jours passer sans ne rien oser. Bon sang, les gaffes que l'on fait aujourd'hui on en rira plus tard ! Si tu ne tentes rien, tu n'auras rien à raconter sur ton passé, alors que si tu accumules les tentatives, tu auras tant d'anecdotes à raconter ! Mon ange, même si nous ne sommes plus physiquement là, tu ne dois pas oublier qu'on est là, continua-t-il en posant sa main sur le cœur de sa fille, on est là et on n'en sortira jamais. Nous sommes toujours avec toi. Mais en faisant ce que tu fais, tu nous éloignes de toi, et un jour, nous aurons disparu, tout comme toi. Ta vie aura une fin, comme la mienne ou comme celle de ta mère. Mais aujourd'hui, tu as la chance d'être encore vivante, tu as la chance de pouvoir sentir ton cœur battre sous ta poitrine et de sentir la pluie s'échouer sur ton visage. Tu as de la chance de pouvoir être en désaccord avec ceux que tu croises et tu as de la chance de pouvoir encore faire bouger les choses dans ce monde ! Alors mon ange, s'il te plaît, franchis les obstacles, détruits-les, réduis-les en miettes, mais s'il te plaît, ne reste jamais derrière ce mur que tu penses infranchissable. Car parfois, le mur cache un élément qui sera essentiel dans ta vie de demain. Parfois il suffit juste de prendre du recul un instant, de réfléchir et d'ouvrir les yeux, la solution ne se trouve jamais bien loin...

Junkie [ZM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant