Chapitre 21

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Sophie était restée une bonne poignée d'heures à errer dans les rues du centre-ville le lendemain. Zayn n'avait pas répondu à ses messages ni à son appel, Marta ne lui avait pas adressé la parole depuis la fameuse gifle la veille, et le jeune homme était encore introuvable. Non pas qu'elle tentait de le retrouver dans les rues, non pas que son errance était reliée à Zayn, mais Sophie aurait souhaité au plus profond d'elle le croiser afin de lui expliquer la situation. En temps normal, elle n'aurait pas tenté de s'expliquer, si on ne cherchait pas à la comprendre ni à l'écouter, elle considérait que la personne n'était pas apte à la côtoyer, pourtant cette fois-ci, c'était différent. Oui, c'était tellement différent avec Zayn. Depuis qu'elle le connaissait, il n'avait cessé de jouer avec les nerfs de la jeune fille, et même si elle avait souhaité le claquer plus d'une fois, elle s'était un minimum attaché à lui. En effet, c'était un des seuls qui avait tenté de l'aider, hormis Marta.

Après la mort de ses parents, Sophie s'était totalement repliée sur elle, au point d'ignorer les quelques amies qu'elle avait auprès d'elle auparavant. Elle avait ignoré leurs appels, leurs messages et n'avait plus donné aucun signe de vie, hormis lorsqu'on l'obligeait à aller en cours. Évidemment, elle aurait aimé agir comme n'importe qui et s'en remettre, mais au lieu de cela, Sophie s'était enfoncée, était tombée dans la drogue ainsi que dans l'alcool, même si ce second avait été moins utilisé par la jeune fille, elle s'était totalement laissée tomber. En réalité, toute autre personne aurait souhaité s'en remettre, mais il s'avérait que ça n'avait pas été le cas pour Sophie. Le décès de ses parents avait été une sorte de prétexte pour montrer son mal-être à son entourage, jamais elle ne s'était sentie épanouie comme ses amies ni même ses parents, jamais elle n'avait vu la vie comme une chance. Bien sûr, elle avait vécu de belles choses et quelques beaux souvenirs lui trottaient en tête, mais elle s'était demandée à plusieurs reprises pourquoi elle vivait, pourquoi les autres se devaient de suivre la mode, de s'acheter le tout nouvel ordinateur, pourquoi tout le monde se jugeait. En fait, elle avait été cette jeune fille à se questionner sur le monde, sur ce qui l'entourait, et cela en permanence. Et lorsque le décès de ses parents était arrivé, tel une bombe que l'on ne voit pas arriver, elle avait tout laisser tomber et avait compris à quel point vivre faisait du mal, à quel point on pouvait se sentir seul et désespéré. D'ailleurs, si l'enfant pleurait en arrivant au monde, n'était-ce pas parce qu'il ne voulait pas mettre sa tête dehors ? N'était-ce pas parce qu'il était bien mieux au chaud ? N'était-ce pas parce qu'il savait que la vie allait lui jouer de sacrés mauvais tours ? C'était les déductions que s'était faites Sophie un soir, alors qu'elle s'était retrouvée seule à errer dans les rues, comme à ce moment précis.


Sophie traversa la route. Sa montre affichait quatre heures du matin. A cette heure-ci, sa tante l'avait surement appelé une bonne vingtaine de fois pour savoir où elle était, mais elle avait eu la bonne idée de laisser son téléphone dans sa chambre pour ne pas qu'on puisse la joindre. Quand allait-elle rentrer ? Elle n'en avait aucune idée. Le seul point positif était qu'elle avait prévu de rentrer, tôt ou tard, dans une ou bien trois heures, mais elle l'avait prévu. Les rues étaient presque désertes. A part le groupe d'ivrognes qu'elle croisa, Sophie remarqua qu'elle n'allait pas croiser plus de monde que cela. Alors qu'elle marchait dorénavant le long d'un très luxueux magasin, surement le plus luxueux de la ville d'ailleurs, elle entendit une voiture, ou même une sorte de van vu le bruit du moteur, se replier vers le trottoir où marchait la jeune fille. Elle n'y fit pas plus attention au premier abord. Ce n'est que lorsqu'elle entendit une porte coulisser et qu'elle remarqua que le van se trouvait très près d'elle qu'elle prit le temps de tourner la tête. Elle vit alors un homme cagoulé sur jeter sur elle, et sans qu'elle n'ait le temps de crier quoi que ce soit, il l'embarqua avec lui en claquant la portière, en même temps que le van accélérait.


Quand Sophie se réveilla, plusieurs heures étaient déjà passées. Sa montre affichait onze heures, même si le cadran était dorénavant fêlé, surement à cause d'un choc. Que s'était-il passé depuis qu'on l'avait amené dans ce van blanc ? Elle n'en savait rien, elle n'avait aucun souvenir. Sophie aurait aimé appeler sa tante, mais elle avait eu la bonne idée de ne pas apporter son téléphone avec elle, ce qui était donc infaisable. Bon sang, que lui voulait-on ? Qu'avait-elle fait ? Allait-on la tuer ? Lui faire du mal et la relâcher encore plus brisée qu'elle ne l'était déjà ? Elle se redressa de la couverture posée sur le sol et observa la pièce, assise. A part le plateau repas posé près d'elle composé d'une pomme, d'un verre d'eau, d'une tranche de pain et d'un plat de pâtes froid, il n'y avait rien, absolument rien. Aucun bruit ne se faisait entendre, que cela soit de l'intérieur ou bien de l'extérieur de la pièce, pourtant, quelque chose lui disait que derrière cette porte en bois à quelques mètres d'elle se trouvait une autre pièce, où se tenaient surement les personnes l'ayant amené ici.

Même si son ventre criait famine, elle s'était interdit de toucher à cette nourriture. Peut-être l'avait-on ingurgité de poison. Et ce n'était pas qu'elle ne voulait pas mourir, ça elle n'en avait que faire, elle l'attendait même, la mort, mais elle ne voulait pas pointer le bout de son nez. Mais avant de mourir, elle se devrait d'écrire un mot à sa tante, de lui expliquer son souhait de mourir, pourquoi elle s'en serait allée, elle irait même jusqu'à la remercier de l'avoir aidé jusque là. Car même si Sophie faisait la sourde oreille et envoyait balader à tout bout de champ Marta, elle savait qu'elle avait toujours été là pour elle, et qu'elle l'avait aidé, ne serait-ce qu'un minimum, depuis le décès de ses parents.

-Suis-moi.

Sophie releva brusquement les yeux, ne s'étant même pas aperçue que quelqu'un avait passé cette fameuse porte, et se releva.

-On va où ?

L'homme cagoulé lui agrippa violemment le bras et la mena dans la salle d'à côté qui contenait un lavabo et un w-c.

-T'as dix minutes.

Avant que Sophie ne puisse prononcer le moindre mot, la porte se referma derrière elle à double tours, et ses yeux se posèrent sur le savon posé sur le rebord du lavabo. C'était donc cela qui allait lui servir de douche. Après avoir vérifié qu'aucune caméra ne se trouvait dans la salle, ni même une paire de yeux, la jeune fille fila au w-c avant de se dénuder. Il ne lui restait surement que huit minutes, elle allait devoir faire vite si elle ne souhaitait pas se retrouver nue face à cet homme cagoulé.


Son corps couvert de frissons se mettait désormais à trembloter. Le sol était sale, les murs marrons délavés et l'odeur infecte provenant de cette salle lui donnait envie de vomir. Lorsqu'elle termina de reboutonner sa chemise, la porte s'ouvrit et Sophie se retourna pour faire face à cet homme, encore et toujours cagoulé. Il avait les épaules carrés, devait bien faire un mètre quatre-vingt et sa tenue noire lui collait terriblement à la peau. Comme auparavant, il lui agrippa le bras et la redirigea dans la salle où elle avait repris connaissance.

-Qu'est-ce que vous attendez de moi ? Qui êtes-vous ?

L'homme la fixa un instant de ses yeux marrons foncés et haussa les épaules avant de lui tourner le dos. Il était sur le point d'atteindre le seuil de la porte lorsque Sophie reprit la parole.

-Je vous en prie, dites-moi ce que je dois faire pour sortir d'ici !

L'homme, impassible, passa la porte et la referma derrière lui, à double tours.

-Mais bon sang, dites-moi quelque chose !

Énervée et dépassée par la situation, Sophie se jeta sur la porte et la tambourina de coups de poings. Il se devait de revenir et de lui expliquer, elle ne pouvait pas rester ici des années, c'était impossible ! Autant mourir ! Ses poings s'écrasaient sur la porte, faisant un raffut tout à fait infernal. Elle était persuadée que les personnes l'ayant amené ici l'entendaient, et elle était encore plus persuadée qu'elles ne tiendraient pas longtemps avant de revenir la voir pour la faire taire, pourtant, ce n'était qu'illusion. Personne ne revint la voir. Ses mains lui faisaient un mal de chien, Sophie dû se résigner avant de reprendre place sur la couverture. Ses mains étaient rouges et un mal de tête prenait le dessus sur la douleur. En plus de cela, son ventre grondait de faim. La jeune fille ramena ses jambes auprès de sa poitrine et ne quitta pas la porte du regard. Elle allait donc rester ici, seule, et mourir ici, seule.

Junkie [ZM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant