12. Silence

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Je ne savais plus quoi penser. Lauren ne me parlait plus vraiment. On se voyait rarement et pendant plusieurs semaines d'affilée, elle ne venait me voir et cela durait moins d'une heure. Généralement, elle passait cette heure à m'embrasser et à essayer d'enterrer la rancoeur que j'avais envers elle et son comportement. J'étais un jouet, une machine à enlacements, dépourvue de sentiments. Clairement, elle ne disait presque pas un mot. Elle ne me racontait pas ses journées, ne me faisait plus part de ses émotions. C'était dur de lui en vouloir et de l'aimer en même temps mais elle m'imposait ses sauts d'humeur et je les subissait sans rien dire. J'étais incapable de refuser quoi que ce soit qui venait d'elle, même son silence. La seule chose concrète qu'on avait mise en place était mon séjour chez elle pendant quelques temps car j'arrêtais de travailler chez Mrs Price momentanément. Je lui avais lâché ça en plein milieu d'une de nos innombrables séances de baisers.
-"J'ai besoin que tu m'héberges un peu, Lauren. Mrs Price revient pour un moment et j'ai toujours pas d'appart."
Elle n'avait même pas levé le nez de mon cou.
-"Lauren?"
-"Ouais, ok, tout ce que tu voudras."
Elle avait répondu comme si elle s'en fichait royalement. Puis je lui avais envoyé les dates exactes par message, en passant encore pour une fille encombrante. Son attitude m'était incompréhensible. Elle utilisait mon corps mais avait oublié mon esprit. Je ne réagissais pas. Je ne me comprenais pas moi-même, je ne comprenais pas comment je pouvais agir comme ça avec elle. Elle me mettait au plus bas, j'étais seule et incomprise et elle écartait toute cette partie 'communication' de notre relation. Elle demeurait une parfaite poupée de cire qui ne parle pas. Cependant, elle véhiculait sa tendresse à travers ce qu'on faisait ensemble et ça voulait dire que je n'avais pas pour autant changé de place pour elle. Elle était très douce. Des fois, sa passion prenait le dessus mais c'est rare de voir s'enflammer quelque chose de si vide, inerte.

Je redoutais la vie que j'allais vivre avec elle. Je ne voulais pas que nos entrevues se reproduisent dans un cadre où tout était chaleureux d'habitude, où il n'y avait jamais eu ce genre de problème. J'imaginais que ce n'était qu'une mauvaise période pour elle et qu'il fallait attendre. J'avais l'impression que je ne faisais que ça: l'attendre. Mais je ne voulais pas rentrer dans l'engrenage et être le grain de sable en plus. Je sentais que Lauren allait exploser un jour où l'autre, pour je ne sais quelle raison. Et c'était vrai, son silence n'était dû qu'à elle même. Je n'avais rien fait de mal, du moins, c'est ce que je pensais. Lauren était très franche mais son honnêteté s'était largement estompée avec les événements antérieurs à cette crise de vide. Notre relation était la parfaite image d'un écho. Je hurlais, et ça raisonnait, jusqu'à que cela disparaisse, et je ne recevais jamais de réponse et même si concrètement, c'était comme si ma voix résonnait et m'en apportait une. Cela voulait dire que je n'allais rien recevoir. Je me posais énormément de question et elle me manquait. La Lauren des appels téléphoniques interminables me manquait. La Lauren des conversations pleines de sens me manquait. La Lauren des matins, des après-midis et des soirs me manquait. La Lauren des virées en voiture et des nuits sur la terrasse me manquait. Tout me manquait. Elle ne riait presque plus, ne souriait que quand elle posait ses lèvres sur les miennes et quand elle me disait bonjour ou au revoir. Et quand on ne se voyait pas, elle ne prenait pas de mes nouvelles et faisait la morte.

Le jour où Charlotte m'accompagna gentiment chez Lauren, j'étais dans tous mes états. Crainte, hâte, excitation. La balance sur laquelle je me trouvais de faisait que tanguer. Quand Lauren ouvrit la porte, il y eût un doute dans son regard, comme si elle avait oublié puis elle réalisa et m'aida à m'installer. Comme toujours, elle ne dit pas un mot et la journée s'écoula lentement, j'en profitais pour écrire et elle pour peindre. Le coucher se fit froidement et pendant la nuit j'avais remarqué qu'elle était partie du lit. J'étais quelque peu surprise mais je m'attendais à un tel comportement. Je devais juste savoir pourquoi. Je m'étais rendormie pour oublier à quel point j'étais ridicule de ne pas remédier à la situation.
Parfois, j'eus le droit à ce qu'on avait l'habitude de faire sans un mot mais la plupart du temps elle se tenait occupée. Frantz venait souvent, d'ailleurs, et il était mal à l'aise face à cette tension. Lauren n'était pas méchante, non, elle était froide, avec tout le monde. Elle était d'habitude si joviale et pétillante, j'avais presque oublié comment c'était de vivre avec cette Lauren-là.

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