11. Parrain

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La moitié de la semaine venait de s'écouler et ça s'était bien passé. Par bien, j'entendais tout à part ce que rejetait Nina. Tout ce qu'elle me faisait subir, la nuit notamment et ma poitrine avait des bleus. J'avais sacrifié deux de mes t-shirts et plusieurs heures de sommeil. Dans l'après-midi du jeudi, Lauren devait passer me prendre avec Nina. Charlotte avait laissé le siège auto dans le sellier, à mon grand soulagement. Lauren sonna et je partis ouvrir, Nina dans les bras, comme toujours. Cela faisait presque une semaine que je n'avais pas vue la jeune femme et j'avais faillit lâcher le bébé en faisant à câlin à Lauren. Cette dernière m'embrassa les lèvres tendrement.
-"Tu m'as manqué." dit-t-elle.
-"Toi aussi."
Elle pinça gentiment la joue de Nina et me suivit jusqu'à l'intérieur de la maison. Elle m'aida à prendre le sac du bébé (qui s'avérait être un kit de secours pour nouveau-né), à l'habiller et à placer le siège auto ainsi que la poussette dans la voiture.

Le parrain de Lauren, Ian, nous avait donné rendez-vous dans un café discret près de Oxford Street. Une fois à l'intérieur, nous l'attendîmes quelques instants. Lauren paraissait un peu anxieuse à l'idée de revoir Ian, car c'était la première fois depuis plus d'un an. Elle appréhendait aussi le fait qu'elle devrait s'exposer tout entière devant moi, et même si elle me faisait confiance, je comprenais à quel point ça pouvait être difficile. Je ne vis pas Ian arriver avant que je voie Lauren se lever et le serrer dans ses bras. Il était métisse, chauve et devait avoir la cinquantaine. Son polo noir cachait son buste musclé. Il souriait très affectueusement à Lauren et je me levai pour lui dire bonjour. Il me serra la main amicalement.
-"Vous devez être Camila. Je suis Ian alias Le Parrain mais ça marche pas trop parce que je suis pas italien. Ravi de vous rencontrer."
-"Je le suis, et de même. Vous inquiétez pas, le surnom vous va bien."
-"Je commence déjà à apprécier ton amie Lauren!"
Lauren secoua sa tête en souriant et s'assit. Ian s'arrêta net en voyant Nina qui était dans sa poussette puis partit l'observer de plus près.
-"C'est votre enfant?" me demanda-t-il.
-"Non, je la garde."
Il sourit et s'assit à son tour.
-"Bon alors Lauren, qu'est-ce qui se passe?"
Lauren regarda ses cuisses et déglutît.
-"J'ai...j'ai pratiquement jamais arrêté d'en prendre, Ian." répondit-t-elle tristement.
Ian n'eut pas de réaction.
Je pris sa main sous la table.
-"Sois plus précise, Lo'. Comme d'habitude, je ne suis pas là pour te juger mais pour t'aider."
-"La dernière fois qu'on s'est vus, j'ai arrêté pour 6 semaines. Même la cigarette. Après j'ai recommencé. Je ne sais pas pourquoi, j'avais juste besoin, je faisais des crises de carence. Ce n'était pas une consommation extrême. À un long moment ça l'a été mais j'en parlerai après. Cigarettes, moins d'un paquet par jour. Molly, LSD en soirée et des fois coke. Ça a duré jusqu'à que je rencontre Camila. Pendant deux semaines il n'y avait que des cigarettes puis un soir, j'ai déconné et pris de la cocaïne." se confia-t-elle, les larmes aux yeux.
Nos mains étaient toujours entrelacées et je la serrai un peu plus fort, pour qu'elle sente que j'étais là. C'était important. Ian acquiesça, grommela des 'd'accord, très bien' et des 'oui je vois'. Puis de là commença une discussion concernant les problèmes de Lauren. Psychologiques. Émotionnels. Ian mis tous les éléments de sa vie en relation pour tout expliquer face à la consommation de Lauren.
-"À quand remonte ta dernière relation amoureuse, Lauren?"
Lauren me regarda et pris une grande aspiration.
-"Quatre mois."
-"Ça a duré combien de temps?"
-"Six mois."
-"Qu'est-ce qu'il s'est passé? Est-ce que ta consommation a augmenté suite à la rupture?"
-"Il était comme, voire pire qu'Emma. J'attire les mauvaises personnes des fois. Et oui, elle avait déjà augmenté pendant notre relation."
-"Comment ça pire qu'Emma ?"
-"Hm..."
Des larmes commençaient à effleurer ses petites cernes et je l'approchai en posant mon autre main sur son épaule.
Que s'était-t-il passé entre cet homme et Lauren?
-"Il avait pour habitude de me frapper. Je n'ai jamais porté plainte. Surtout quand il était vraiment défoncé. Il était anglais mais il me comprenait bien, pas linguistiquement mais littéralement. Ça allait bien au début puis tout s'est amoché, c'était pas beau. Pas beau du tout."
Elle pleurait un peu plus fort.
-"J'ai toujours du mal à admettre qu'il m'a traitée comme sa chienne mais c'est vrai. Il était pas pour moi, mais on avait les mêmes problèmes.
Après la mort d'Emma, je sentais plus rien. Après les Beaux-Arts, j'étais libre. Caedmon me faisait sentir des choses, même si elles étaient nocives. Puis après il est parti du jour au lendemain, avec une autre fille pour déménager à Manhattan. Depuis, plus aucune nouvelle."
Elle essuyait ses yeux avec le revers de sa veste en jean qui se noircissait à cause de son maquillage. Sa tristesse me brisa le cœur.
Ian psalmodia encore et il se tourna vers moi. Il caressa paternellement le bras de Lauren et elle laissa échapper un tout petit sourire. Il se tourna vers moi.
-"Et toi? Tu prends de la drogue?"
-"Non. Cigarettes uniquement."
Il hocha sa tête.
-"Je sais que ça dépasse peut être une limite, mais qu'est-ce vous êtes, vous deux?"
On se regarda avec Lauren. Elle souriait à travers ses larmes mais ne disait rien, elle attendait que je le fasse.
-"On prend notre temps, pour l'instant. Ça fait presque un mois qu'on se fréquente mais je sors tout juste d'une relation et j'ai peur de trop précipiter les choses. Et Lauren pense la même chose."
Lauren caressa mon genou sous la table.
-"Très bien."
Il continua de parler et conseilla à Lauren de quand même aller voir un thérapeute. Il dit qu'il attendait qu'elle stoppe totalement les stupéfiants avant de vraiment s'engager avec moi. Et Lauren accepta, elle lui avait promis qu'elle ferait tout son possible. Moi, je n'avais rien dit. Je voulais le meilleur pour Lauren et précipiter les choses m'avait toujours fait peur. Surtout après ce rendez-vous, j'avais mesuré la cicatrice qu'avait fait Caedmon à Lauren. Elle n'était pas prête non plus. J'étais éclairée sur une partie du passé de Lauren et je voyais à quel point elle était sensible. Elle avait souffert en amour et ça me surprenait qu'elle prenne des petites initiatives pour moi. À sa place, j'aurais été effrayée. Traumatisée. Je ne pouvais pas imaginer Lauren être battue, ça allait à l'encontre de mon imagination. Je l'aimais de presque toutes mes forces et je me promis de ne jamais la blesser et de ne jamais laisser quelqu'un la blesser. Le rendez-vous dura plus longtemps que prévu. J'avais vu des films et des préventions sur la drogue. Tous se résumaient à un discours magistral que les junkies ne voulaient pas entendre. Mais Ian savait s'y prendre avec Lauren. Il la connaissait et savait comment elle fonctionnait. En repartant, Ian me fit la bise et glissa dans mes oreilles 'prends soin d'elle et aimes la.' j'avais fait une croix sur mon cœur en m'éloignant de lui. On resta encore un petit peu, pour faire un point. Lauren pris son carnet de note et nota une liste.
-jeter coke dans les w-c
Elle voulut continuer mais je la stoppai.
-"Tu n'as pas à t'en souvenir. Je le ferai pour toi, et avec toi."
Elle rangea son carnet et m'embrassa la joue.
-"Pourquoi tu m'as jamais parlé de Caedmon?" demandais-je.
Elle soupira et enfonça son crâne dans ses paumes.
-"Imagine-toi deux secondes à ma place, Camila."
Elle avait répondu très sèchement.
-"J'essaie de ne faire que ça."
-"Il me battait, Camila. J'ai jamais riposté. J'étais tellement faible et soumise. C'est cette face de moi-même que je ne montre pas, et surtout pas aux nouvelles personnes qui entrent dans ma vie."
-"J'aurais compris, Lauren. Maintenant c'est venu aujourd'hui, tant pis. Tu sauras maintenant que je suis prête à tout entendre."
-"Moi aussi."
Elle me regardait comme si elle attendait quelque chose.
-"Tu sous-entends quelque chose?"
-"Parle-moi d'Alex."
-"Qu'est-ce que tu veux savoir?"
-"Ce que tu veux."
-"Bah...On s'est rencontrés au lycée. Au début on était juste potes et après on est sortis ensemble. Ça a duré cinq ans pratiquement. Il était respectueux, sage, studieux, gentil, drôle. Ça a été mon premier petit copain et après avoir eu ma licence c'était dur de pas s'éloigner de lui car il était toujours à la fac donc je présume que je me suis détachée de lui, et après je t'ai rencontrée."
-"C'est tout?"
-"Les histoires d'amour sont pas TOUJOURS vouées à un tournant sombre, Lauren. Oui c'est tout. Mais ça m'a suffit, largement. Surtout qu'il est jaloux maintenant, alors qu'il ne sait rien de ce qu'il se passe ici."
-"Hm. Donc t'as jamais eu de relations avec des femmes?"
-"Nope. T'es la première."
Elle ne dit rien et me proposa d'aller chez elle pour faire ce qu'on avait à faire. Si on m'avait dit l'année d'avant mon départ pour Londres que j'allais finir jeune fille au pair au Royaume-Uni, séparée de son mec, en relation non-officielle avec une peintre qui l'a rencontrée dans les toilettes d'un aéroport et qui va l'aider à se débarrasser de ses stupéfiants, j'aurais quitté la pièce. Ce genre de basculement nous fait réfléchir à quel point chaque petit choix a une conséquence sur chacune des voies que l'on emprunte. On joue tout simplement au Colin Maillard de la vie. Les yeux bandés, on essaye d'attraper nos buts et on peut réussir mais des fois on se fait mal. On trébuche, on marche droit. Pour nous, la partie peut s'avérer gagnante ou perdante. Et des fois on met tout en suspens parce qu'on a peur de tenter, de tâter, de toucher, d'attraper, de saisir. En rencontrant Lauren, j'avais envie d'enlever mon bandeau. Mais je ne voulais jamais me confronter aux faits. Lauren demeurait l'être le plus fascinant et elle était mieux placée derrière le rideau, pour l'instant. Qui était prêt à lui rentrer dedans? Qui était prêt à la décortiquer? Et si quelqu'un était déjà passé? M'était-t-elle désignée? Lui étais-je destinée?

Chez elle, Lauren chercha sa drogue. Elle avait tout rassemblé sur la table basse du salon et je commençai à l'aider à s'en débarrasser. Pendant tout le long, Lauren resta silencieuse, solennelle, voire froide. J'essayais de comprendre, je me disais que c'était loin d'être facile. Mais ça me faisait quand même mal, qu'elle agisse comme ça. Je ne savais pas où me placer, j'avais l'impression que Lauren était hostile.

On avait mis même pas une demi-heure, grâce à la cheminée et aux toilettes. Nina était contrariée de ne pas être chez elle et commençait à avoir faim, donc Lauren proposa de me raccompagner. Je refusai poliment car je voyais très bien qu'elle était exténuée. J'appelai un taxi et essayai tant bien que mal de calmer le bébé. Quand le taxi fut en bas, je pris le siège auto et mis Nina dans sa poussette. Lauren m'embrassa rapidement sur la bouche et m'ouvrît la porte. Sans me retourner, je montai dans l'ascenseur. Une fois dans le taxi, je reçus un message.
Lauren: Désolée. Merci, je t'aime.
moi: t'en fais pas. je t'aime aussi et pas de problème.

// note de l'auteur: voilà le chapitre 11 :) je pense faire quelque chose de plus particulier pour le douzième, ça m'ennuie un peu de toujours tourner autour des mêmes sujets. passez une bonne fin semaine ❤️
-@laurensdeluxe \\

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