- Tu pouvais pas faire attention, sombre crétin ? hurle une voix féminine enragée en m'arrachant son téléphone des mains. Tu as de la chance qu'il n'ait rien !
Je suis obligé de baisser la tête pour savoir de qui il s'agit. J'ai envie de la rembarrer mais je n'y arrive pas. C'est une fille et je sens mes joues chauffer à peine. Ne jamais être violent avec une fille, c'est le mot d'ordre. Quand elle relève ses yeux de lionne sur moi, je recule d'un pas. Je baisse vite la tête alors que mes yeux s'écarquillent. Ma main se retrouve en un instant sur ma nuque et je me dépêche de m'excuser avant de tracer mon chemin vers le self. Je viens de me frotter à Violette, la populaire la plus réputée pour ses excès de colère et son insolence. Putain, la merde. L'idée de paraitre invisible cette année vient de se faner. Je me mords la lèvre en me rappelant son regard sombre. Ce marron qui engloutit son iris comme si ses yeux devenaient noirs. Je ne l'avais jamais vu d'aussi près et je suis d'accord avec ce que les autres ados racontent : ses yeux sont incroyablement magnifiques quand elle est énervée.
Je souffle un coup pour me détendre et je remets ma musique en route en entrant dans la cafétéria. Je récupère mon plateau et mon repas avant de prendre place au fond de la salle remplie de jeunes. Je commence à manger quand les populaires entrent comme un troupeau de moutons. Ils posent leur affaire à une table puis ils partent chercher leur repas. Vic et Paul se suivent depuis ce début de matinée mais ils ne se sont pas parlés une seule fois. Greg sourit à Sylvie alors que Violette, Melina et Rose rigolent à gorge déployée. Je regarde les courbes de la seconde distraitement. Cette fille est la plus sympa d'entre eux, ouverte et sociable avec toutes les personnes qui l'entourent.
Soudain, un silence total s'installe dans le self, même les populaires ne font plus un seul bruit. Une pomme volent alors à travers la cafétéria et j'écarquille les yeux quand elle tombe pile dans l'assiette de Kellin. Il s'écarte en faisant grincer les pieds de sa chaise sur le sol car la nourriture éclabousse ses habits. Il se tourne vers l'origine du projectile. Et c'est Paul, un sourire mauvais au visage, qui est au bout de la ligne de mire. Kellin souffle et se lève en écartant les bras.
- Tu veux vraiment que je t'éclate comme ton copain ? il ricane en lui lançant un regard empli de défi.
- Fils de pute, soupire Paul, toujours le sourire aux lèvres.
- Paul, claque sèchement Vic en posant sa main sur son épaule.
- Ferme la, lui intime son ami et il s'approche de Kellin. Je te le dis une seule et unique fois bâtard, alors ouvre tes oreilles. Pose à nouveau une fois ta main sur mon pote et je t'explose la gueule tellement bien que même ta salope de mère ne te reconnaîtra pas, siffle-t-il tellement froidement que des frissons parcourent mon échine.Kellin doit aussi commencer à s'inquiéter mais il ne le montre pas. Son sourire insolent ne le quitte pas et il hoche simplement la tête. Paul se détourne et Kellin se rassoit. Tous les élèves se remettent à parler et j'entends plusieurs d'entre eux râler car les deux élèves ne sont pas frapper. Et à vrai dire, j'aurai bien aimé, moi aussi, voir Paul remettre à sa place Kellin. Je soupire et détourne le regard de la scène. Mes yeux s'accrochent alors sur Violette. Ses pupilles chocolatés sont puissantes, même de lui. Elle me dévisage ainsi que les places libres à ma table. Je détourne à nouveau les yeux et je mange les carottes. Mon pied tape le sol au tempo de la chanson qui passe dans mes oreilles. Je ne me concentre que sur elle, jusqu'à ce que mon téléphone vibre. Je jette un coup d'œil à l'écran et fronce les sourcils en lisant le nom de mon frère.
"J'ai quelqu'un à te présenter, tu rentres directement à la maison ce soir ?"
Je déglutis devant son message. Quelqu'un. Il a trouvé quelqu'un ?! Je passe une main dans mes cheveux et attrape mon téléphone pour lui répondre.
"Je serai là à 15h 15"
Il ne répond pas et je sais très bien pourquoi. La dernière petite-amie qu'il a eu était une salope innée et j'ai failli l'emplâtrer dans un mur. Une chaudasse blonde en plus d'être une planche à pain. Et depuis, Gale a du mal à me présenter des personnes de son entourage, car en plus d'être insociable, je critique tous les cons qui s'approchent de trop près de mon frère. Car je sais à quel point il est douloureux d'avoir des amis et des petites-amies. Je marmonne des insultes en mangeant alors que la musique résonne encore et toujours.
Puis, deux mains se posent à plat devant moi et je lève rapidement la tête. Paul est penché vers moi, un demi sourire sur les lèvres. Je m'enfonce au fond de ma chaise discrètement. Il retire mes écouteurs brusquement et je réalise que peu d'élèves font attention à nous. Mais les populaires ont un œil sur moi et Paul, qui me dévisage toujours.
- Alors, on est muet ? il ricane discrètement.
- Je ne parle pas aux gens que je ne veux pas côtoyer, je marmonne en sentant mes joues brûler.
- Tu as du cran, il sourit un peu plus. Mais fais attention. Violette nous a dit que tu l'avais bousculé. Comme c'est la première fois, je te préviens juste de ne pas recommencer. Mais si tu le refais, tu finis la tête dans les chiottes, je suis clair ?
- Très.Il hoche la tête et repart vers sa table. Sa main frôle l'épaule de Violette et elle lui sourit. Mais de loin, je réalise à quel point son sourire est forcé. Je me mords la langue, m'empêchant de les insulter à haute voix. Je hais les populaires, et maintenant encore plus. Mais son sourire... Pourquoi se force-t-elle à sourire ? C'est elle qui en a parlé ! Elle devrait être plus qu'heureuse que ses gardes du corps la venge ! Je grogne et j'attrape mon sac que j'enfile sur mes deux épaules. Je remets mes écouteurs, je range mon téléphone et je me lève, plateau dans les mains. Ils m'ont coupé l'appétit ces abrutis. Je marche rapidement vers la sortie. Je n'échappe tout de même pas à leurs regards qui brûlent mon dos. Bordel, je les hais tellement. Je pose mon plateau et je sors presque en courant. Quand j'arrive enfin dehors, j'inspire une grande bouffée d'air et je me pose contre le grillage. Je monte le son de la musique et je regarde le ciel deux secondes. Juste le temps de me calmer. Je passe une main dans mes cheveux et me redresse. Je regarde les environs, rien, pas un chat. Je baisse la tête et me dirige vers ma salle de cours. Le prof est déjà à l'intérieur et il me sourit.
- Alors Léo ? Tu as déjà réfléchi à ce que tu vas faire pour ton projet ? me demande mon prof quand je retire mes écouteurs.
- Non, je n'arrive pas à trouver d'idées.Je dépose mon sac au sol et sors ma pochette A4 de dessins. M. Holt me rejoint et il commence à m'indiquer deux trois éléments de base qui définissent la liberté. Comme la colombe, la fraternité, l'homosexualité,... J'écris toutes ces images, ces idées sur une feuille et c'est à ce moment que ça sonne. La classe se remplit puis le prof fait un récapitulatif. Et on travaille. Vic se trouve derrière moi et aujourd'hui, je sens son regard couler dans mon dos. Il a vu la scène avec Paul, Violette lui a parlé de ma bousculade-pas-faire-exprès et maintenant, je ne vais plus paraître transparent. Je baisse un peu plus la tête vers ma feuille et je lève mes épaules pour me cacher un peu plus, stupide réflexe. Mais son pied tape dans l'assise de ma chaise et je me relève brusquement. Je tourne à peine mon visage mais j'arrive à voir sa main droite, crayon en main, qui tapote la table avec sa mine.
- Tu oublies Violette ok ? sa voix rêche et froide me fait vibrer de rage.
- Je m'en tape de ta Violette, je siffle et je retourne à mon dessins.Vic pouffe dans mon dos et il finit même par m'oublier. Je tente de dessiner une colombe mais ce n'est pas super. J'essaye deux mains avec la couleur du drapeau de la maison LGBT mais le résultat ne me plait pas. Je pose mes coudes sur ma table et je mâchouille le bout de mon crayon à papier.
Au final, à la fin de l'heure, je n'ai pas avancé. Je continue de réfléchir en rangeant mes affaires. Puis je me dirige vers le gymnase, comme à mon habitude.
À quinze heures, je termine de mettre ma veste et je passe mon sac sur mes épaules avant de prendre la direction de la sortie. Je remets mes écouteurs et cette fois, je mets une chanson douce : Oblivion de Bastille. J'expire en sortant du lycée, une journée en moins à faire. Je prends le chemin de chez moi. Les populaires me regardent en se marrant et je commence à perdre patience. J'accélère le pas quand on attrape mon épaule pour me tourner. Je me débarrasse de la poigne en jetant un regard noir à la personne.
Personne qui n'est autre que Violette.
VOUS LISEZ
Changement de rôle
Ficção AdolescenteD'un côté, il y a Violette, populaire, aimée et enviée de toutes. Elle veut se faire parfaite et elle aime faire croire que tout va bien bien dans vie. De l'autre, il y a Léo, renfermé, exclu et affreusement seul dans le lieu qu'est le lycée. Il se...