Changement de rôle

XIX/ Violette

Je sors de mon cours de danse, suivi de Rose. Elle me parle de la soirée qui se prépare vendredi soir mais je n'en écoute pas un seul mot. Je me repasse la réaction de mon proviseur quand deux parents sont entrés en trombe dans le bureau alors qu'il me passait un savon digne de ce nom. Il était gêné et mal à l'aise mais il est d'une certaine manière confiant. Ça se voyait qu'il les connaissait. Il m'a dit qu'il me convoquerait à nouveau avant de m'envoyer en étude et je suis sortie alors qu'il s'excusait auprès des parents.

- Violette, écoute moi un peu, siffle Rose et je lève les yeux au ciel.
- Détend-toi, lancé-je en lui donnant un coup d'épaule. Cette fête sera comme les autres alors arrête d'en faire tout un plat !

Elle grogne simplement et je souris en la voyant tenter de rouler sa cigarette elle même. Sauf que c'est un vrai carnage, une vraie femme enceinte qu'elle nous fait. Je soupire et finis même par la lui rouler. Elle me remercie, claque un baiser sonore sur ma joue et rejoint ses amies alors que je me dirige vers les populaires. Melina et Sylvie discute avec une jeune fille et je me dirige vers Greg et Paul. Ce dernier me sourit et je hausse un sourcil, interrogatif.

- Où est passé Vic ? je demande et Greg tape dans ses mains.
- Il est parti avec Malvin ! Ils devraient revenir d'une seconde à l'autre.
- Parti où ? je me met à paniquer en espérant qu'ils ne sont pas allés faire d'histoire.
- Infirmerie, lance sèchement Robin qui vient de nous rejoindre avec sa copine. Je les ai croisé. D'ailleurs, je suis tombé sur ton Léo aussi, son sourire carnassier me fait froid dans le dos. Il n'était pas bien, j'espère qu'il est mal, très mal.
- Merde, il a quoi ? pouffe Paul en souriant. Oh non, je sais ! Il a bobo pour respirer à cause d'hier ! il éclate de rire avec Robin et Greg et je croise mes bras sur mon torse. La tapette bordel !
- Une grosse tâche sans déconner, rajoute Greg en secouant la tête, riant toujours. Je comprend même pas pourquoi il cherche encore la merde, on va le bouffer sans rire !
- Stop les mecs, lâche une voix froide derrière moi et je me retourne, découvrant ainsi Malvin et Vic. On a dit qu'on attendait qu'il fasse un pas de travers alors ne commencez pas à vous monter la tête.
- Oh Vic, pourquoi tu casses toujours l'ambiance ? se plaint Robin.

Ils se mettent à déblatérer sur le fait qu'ils doivent faire attention à ne pas se faire virer et tout le tralala qui va avec. Je n'en écoute plus un mot aussi. Je n'arrive pas à m'intéresser à eux, à ce qu'ils racontent. Je suis perturbée par ma soirée d'hier en réalité.

Mon père m'a balancé des choses horribles, nous ne nous sommes jamais autant hurlés dessus. Je comprend qu'il soit énervé à cause du boulot de ma mère mais qu'il s'en prenne à moi et mon frère, je ne tolère pas. Il nous a tellement rabâché que ce n'était pas grave, que maman nous aimait même s'il elle n'était pas là avec nous le soir pour manger que le fait qu'il s'énerve autant qu'hier m'a bouleversé. Et pas qu'un peu.

Je frotte mes mains contre mes bras et un bras s'enroule autour de mes épaules. En relevant la tête, ce sont les yeux de Malvin que je croise. Je force un sourire et on part manger. J'essaye de m'intéresser à la conversation de mes amis autour de la grande table dans le réfectoire mais je n'y arrive pas. J'ai la tête ailleurs et j'ai envie de tout foutre en l'air. Melina fait alors claquer des doigts sous mon nez et je sursaute.

- Quoi ? l'agressé-je.
- Je... Qu'est ce qu'il t'arrive ? elle fronce ses sourcils en me dévisageant.
- Rien bordel ! je me lève alors que ma chaise bascule en arrière et tout le réfectoire se tait. Foutez moi la paix putain !

Je sors rapidement et je sais qu'aucun d'eux ne m'a suivi. Ils essayent de m'aider, d'être là pour moi mais je ne suis pas une petite chose, je n'ai pas à me faire assister. J'ai horreur que les gens croient que je suis sens défense, que je n'arrive pas à gérer mes problèmes et que j'ai besoin de me confier pour être aider. Je souffle et me presse d'arriver au portail du lycée. Depuis hier, tout part en vrille. Je me fais insulter devant des lycéens, mon père me rabaisse, ma mère ne rentre pas et mes amis font les gardes du corps sans limites.

J'inspire en m'adossant au grillage. Mon téléphone vibre et je le sors pour lire un message de Paul. Il me demande simplement où je vais. Je ne prend même pas la peine de répondre, je n'ai pas envie qu'ils le sachent. Je range mon téléphone et je regarde le lycée, réfléchissant à toute vitesse. Soit je sèche et je me fais engueuler par mes parents, soit je reste et je m'engueule avec mes amis. Trop tard, mes pieds me dirigent vers le centre ville. Je sèche.

J'arrive devant une vitrine de tatoueur et je regarde les œuvres collés contre celle-ci. Ce sont souvent des tribales, des dragons ou des poissons chinois, quelque chose dans ce style. Je remet mon sac en place sur mon épaule et je continue mon chemin. Aucun magasin ne m'intéresse, je ne trouve rien d'assez intéressant pour m'aventurer à l'intérieur. Je rebrousse alors chemin jusqu'au café du coin. J'y viens rarement. Alors que je commande un milkshake banane-fraise, mon téléphone se met à sonner. Je pâlis en voyant le beau "Maman". Je souffle et laisse sonner, je me ferai sermonner à la maison, c'est mieux.

Ma boisson m'est apporté et je paye le jeune homme qui me fait face. Il me fait un petit sourire et repars vers d'autres clients. Je bois lentement, pas pressée de rentrer. Les clients partent peu à peu et je regarde l'heure sur ma montre. Un peu plus de treize heures. Les gens reprennent le boulot et d'autres vont arriver pour manger un truc rapide avant de repartir en courant.

Cinq minutes plus tard, le café est bondé et ça me fait doucement rire. Les trois serveurs sont en train de courir et je les regarde faire avec un petit sourire. Ma boisson n'en est qu'à la moitié mais elle est délicieuse.

Vingt minutes plus tard, c'est de nouveau calme. Il reste encore quelques clients mais c'est gérable et plus agréable. Le même serveur vient vers moi et il s'accoude au bar.

- Tu as bien rigolé ? me demande-t-il avec un sourcil haussé.
- Très, c'était plutôt sympa. Comme si vous appreniez à danser en volant, je ricane en tournant la paille dans mon verre. Tu peux pas me le refaire en privé ?
- Certainement pas. Tu as quoi ? 16 ans ? il pouffe en attrapant une bouteille d'eau qu'il ouvre.
- Bientôt 18, je marmonne alors qu'il boit. Dans 4 mois, en janvier. On peut se fixer une date si tu veux ?
- Tu n'es encore qu'une gamine, il range sa bouteille avec un sourire. J'en ai 22 et je n'ai pas envie de me faire passé pour un pédophile.
- Idiot ! je grince en lui lançant un regard noir.
- Allez, dis moi ton jolie nom et si tu veux prendre autre chose, il pointe les petites douceurs dans la vitrine.
- Violette, et un cookie géant s'il te plait, je papillonne des yeux alors qu'il secoue la tête. Et toi ?
- Ben. Tu as un beau prénom, je ne m'étais pas trompé, il me donne le cookie et je paye. Bon, je vais aider mes collègues, à tout à l'heure, Violette. Sauf si tu retournes en cours ?
- Non, je suis libre toute l'après midi, je souris un peu plus en croquant dans le biscuit.
- À tout à l'heure alors.

Son clin d'œil me fait rougir et je baisse la tête vers mon verre. Lui, je le mettrai volontiers dans mon lit. Il ne faut plus qu'il accepte. Je touille ma boisson en le surveillant du regard. Il est putain de bien foutu.

Les heures passent tranquillement, il vient me parler de temps à autre et je prend un second milkshake. J'apprends qu'il a un grand frère, qu'il aime le sport et qu'il rêve de se barrer de son boulot. Je lui parle vaguement de mes parents et idem à lui, je lui parle énormément de mon petit frère.

Sauf que je ne savais pas qui il était. Je ne savais pas qu'ils se connaissaient aussi bien.