Jaimie et Maya (terminé)

Le retour

Devant son miroir, Maya se demandait ce qu'il fallait qu'elle porte. Il faisait chaud et elle savait à peu près le programme. Ne s'entendant pas très bien avec la meilleure amie de sa sœur, elle n'avait pas pu participer aux préparatifs. Elle envoya un texto à Claire lui demandant comment on lui avait dit de s'habiller. « T-shirt et jogging » avait-elle répondu. Bon ! Et bien voilà qui réglait tout. Elle enfila un jogging gris ample et un débardeur noir moulant. Elle jeta sur son épaule la veste assortit au pantalon en sachant que, vue la chaleur qu'il faisait, elle ne s'en servirait probablement pas, mis dans un sac une petite robe noir et des tennis, attacha ses cheveux en un chignon haut et sortit. Elle n'avait pas envie d'y aller. Elle n'avait plus eu envie de sortir de chez elle depuis Février. Elle avait l'impression que si elle sortait, elle tomberait sur Jaimie, et ça, son cœur ne s'en serait pas remis. Elle avait fini par accepter l'évidence : Elle était tombée amoureuse de Jaimie. Peut être pas au premier regard mais presque. Il était tout ce qu'elle désirait. Un homme drôle, intelligent, rassurant, fort, doux, tendre, gentil, altruiste. Ah ça, il était altruiste ! C'était pour cette raison qu'elle se désespérait de lui sans pouvoir le voir. Il avait fait passer son frère avant lui-même. Qui était-elle pour lui en vouloir ? Elle avait fait de même avec sa sœur. Mais il lui arrivait parfois, quand des coups inattendus raisonnaient à la porte, de croire que c'était Jaimie qui venait lui dire que tant pis pour les autres, il ne voulait qu'elle, et que s'il le fallait ils partiraient loin, ils iraient où ils voudraient, tant qu'ils étaient ensemble ! Qu'il se fichait de tout sauf d'elle, qu'il voulait passer sa vie à ses côtés, qu'il ne supportait plus de ne plus la voir. Mais non. Un facteur, un promeneur égaré, sa sœur ou Dominique, à peu près le monde entier était venu, sauf Jaimie. Elle secoua la tête, manquant de percuter un trottoir. Ce soir, elle devait encore une fois jouer à la perfection son rôle de femme qui va très bien. Pour sa sœur.

Un fois son débardeur noir mis, Jaimie regarda sa panoplie de joggings et opta pour un gris plutôt large. Il n'avait pas envie de sortir, il n'avait pas envie d'entendre du bruit. Il voulait le silence et la solitude. Il jeta un œil à ses prothèses, Luc voulait qu'il les portes mais il n'en avait pas envie. Il appréhendait la réaction des gens. S'il se montrait sur ses prothèses, les gens le charrieraient pour qu'il ne prenne plus jamais son fauteuil. Hors, porter les ces trucs lui faisait encore un peu mal et le fatiguait beaucoup. Il avait promis pour le mariage. Que penserai Maya de lui ? Comment réagirait-il une fois devant elle, sur ses jambes, la surplombant ? Penser à Maya, comme chaque jour, lui faisait à la fois du mal et du bien. Il avait mal parce qu'il n'avait pas le droit de l'avoir, et dieu savait à quel point il la voulait près de lui. Mais ça lui faisait du bien de savoir que sur cette terre, une femme l'avait vu comme un homme normal, elle l'avait désiré, embrassé, elle avait ri avec lui, lui avait donné un nouveau souffle. Elle avait été son rayon de soleil et même si plus jamais il ne pourrait s'émerveiller de sa lumière, il chérissait les souvenirs qu'elle lui avait laissés. Chaque jour, il sortait un petit sac plastique de son placard il l'ouvrait avec précaution et humait le parfum qu'il contenait, pour le refermer aussitôt. Depuis quelques temps déjà le parfum s'était estompé, mais il en avait un souvenir tellement vivant qu'il voyait presque la fragrance danser autour de lui. Il avait dû annuler le voyage en Norvège auprès de Dominique, et elle l'avait informé que Maya non plus ne viendrai pas. Non il ne savait pas pourquoi, non il n'avait pas de nouvelles, non ils ne s'étaient pas revu depuis la soirée au bar tous les trois, il était désolé il ne savait rien. Il avait raccroché en voulant partir la voir tout de suite et lui dire d'y aller ! Elle en rêvait ! Mais, la voir n'aurait fait que raviver la douleur. Il s'était résigné à ne pas pouvoir contrôler ses pensées qui se tournaient sans arrêt vers elle. Mais il avait appris à contrôler ce à quoi il pensait, toujours les moments heureux. Mais parfois, dans son lit, au cours d'un cauchemar, il revoyait ses yeux verts emplis de tristesse et de déception et le réveil, seul, n'en était que plus dur. Il secoua la tête, manquant de tomber de sa « chaise volante » comme l'appelait Maya, aujourd'hui, il fallait encore porter le masque de celui qui va bien. C'était l'enterrement de vie de garçon de son frère, le second certes, mais justement, cela lui rappelait qu'il ne fallait pas qu'il en ait un troisième à cause de lui.

Maya avait le débardeur trempé, elle avait bien fait d'opter pour du noir. Une bataille d'eau sur la place de la fontaine avait éclaté entre des enfants, et le groupe de jeunes femmes y avait participé avec joie. Morte de rire, tenant sa sœur qui avait un peu trop bu par le bras, elle suivait les pieds qui étaient devant elle. Mais elle reconnu presque instantanément le sol du pub. Elle leva prestement la tête et chercha Jaimie dans le bar, mais il n'était pas là. Elle fût soulagée et déçue. Elle avait évité le pub depuis février, peut être que lui aussi. Vérifiant toute fois derrière le contoir, elle fini par se détendre en n'apercevant pas le fauteuil. Le groupe de filles s'assis sur les banquettes et commanda à boire, pendant ce temps, Maya regardait le pub qui lui avait tant manqué. Que de souvenir ici... Claire lui parlait quand tout à coup, la petite porte du sas privé s'ouvrit et Jaimie apparut. Avec un débardeur noir et un jogging gris, les cheveux en bataille, plus long qu'auparavant, quand il la vit, ses yeux s'animèrent et un sourire timide naquit sur ses lèvres. Elle mourrait d'envie de courir dans ses bras, de se blottir contre lui, de l'embrasser. Claire pouvait lui raconter ce qu'elle voulait, elle ne voyait que Jaimie, plus beau et plus sombre que jamais, car même si son regard s'était illuminé, elle voyait au fond la tristesse qu'il ressentait. Était-elle aussi intense que la sienne ? Tout à coup elle voulu pleurer, pleurer de voir ce qu'elle avait perdu, pleurer de le voir là sans pouvoir l'atteindre, pleurer de le faire souffrir, pleurer de souffrir, pleurer de ne pas pouvoir être avec l'homme qu'elle aimerait toute sa vie.

A quelques mètres de lui, Maya, un léger sourire aux lèvres, avait les yeux remplis de larmes. Il aurait voulu la prendre dans ses bras, la consoler, respirer son odeur, l'embrasser, lui dire qu'il ne la quitterait plus jamais, mais il était obligé de rester planter là, s'il bougeait d'un pouce il avait peur que sa volonté ne soit plus forte que sa raison alors il ne bougea pas, la buvant du regard. Elle portait un débardeur noir moulant complètement trempé, une veste et un jogging gris, ses cheveux aussi étaient mouillés, elle était si belle. Soudain il bougea, quelqu'un le poussait vers la sortie. Il se tourna pour la voir encore une fois, il aurait voulu crier que le temps s'arrête, il aurait passé son temps à la regarder puisque c'était tout ce qu'il avait le droit de faire, mais déjà il ne la voyait plus. Dans une semaine. Et après ? Après... Il ne voulait pas y penser.

Le lendemain, quand Luc et Claire se retrouvèrent dans un restaurant pour parler des derniers détails du mariage, Claire aborda un sujet délicat.

- Mon cœur, je voudrai faire un changement sur le plan de table.

- Oh non, pas encore ! Pitié c'est un vrai casse tête !

- Ne t'inquiète pas, je voudrai juste intervertir quelques personnes. Si tu veux tu me donne juste ton accord et moi je me débrouille seule, promis.

- Fais ce que tu veux chérie, c'est ton mariage, enfin, le notre, mais pour les femmes c'est beaucoup plus qu'un mariage donc... Fais comme tu le sens.

Ainsi, Claire nota sur sa feuille d'intervertir Sophie avec Jacqueline, Jacqueline avec Audrey, et Audrey avec Maya. Tout sera parfait.