Voyage Interdit

Chapitre 1

Sebastian :

L'entraîneur demande un Time-Out. Changement de stratégie. OK ! Je passe la ligne bleue. Je dois marquer ce point. Il le faut. YES ! J'ai réussi un Hat-Trick. C'est dément ! Ils hurlent tous comme des malades...

Hey, mais que m'est-il arrivé ? Où suis-je ? Dans la cage ? C'est le noir total, impossible de me souvenir. Je sais que j'ai passé la ligne bleue... j'ai marqué le point ! Ah, ah ! J'adore quand mon équipe gagne. Les Bruins sont vraiment les meilleurs. On est les meilleurs !

Pourquoi je ne me souviens de rien... La présence de mes parents me rassure. Mon petit bouchon aussi est avec moi. Je les entends parler doucement...

Je tiens toujours ma crosse dans la main, je me demande bien pourquoi ? J'ai mal à la tête. Elle va exploser...

***    

Il y a certains moments dans la vie où l'on sent que la décision que l'on s'apprête à prendre sera lourde de conséquences. Et la seconde suivante, il est déjà trop tard. Je ne le sais que trop bien. 125 jours auparavant, j'ai pris la mauvaise. Et Ever est morte.

Ce matin-là, un peu perdue, j'observe la foule de lycéens qui s'interpellent çà et là, en m'ignorant superbement. Ici, personne ne me connaît. Personne pour me juger, personne pour m'insulter... Je ne suis entourée que d'étrangers. J'ai les mains moites, la gorge sèche. Mon estomac se tord à la vue de la monumentale porte noire, bardée de ferronneries, indiquant une entrée que je n'ai nulle envie de franchir.

— Bienvenue chez la famille Addams, lance gaiement une souriante petite brune, chaudement emmitouflée dans une doudoune duveteuse, en désignant mon nouveau bahut d'un geste théâtral. Je t'assure qu'il y a au moins une bonne raison de franchir ce seuil.

— Laquelle ?

— Les radiateurs. Si tu restes là, tu vas geler sur place, répond-elle en laissant échapper un rire cristallin avant de disparaître.

J'inspire un grand coup et sans plus d'hésitation, je passe la porte. Sur ma droite, j'avise un panneau indiquant la bibliothèque. Je prends donc à gauche et longe une galerie décorée de tableaux et de trophées sportifs qui me semble interminable. Enfin, je localise le bureau de la scolarité, où j'attends quelques minutes avant qu'une petite bonne femme me confie mon emploi du temps et un croquis sibyllin du bâtiment. N'ayant écouté aucune de ses explications monotones, je déambule un long moment dans le dédale des couloirs avant de trouver ma salle, au sixième étage.

— Bonjour, murmuré-je en présentant ma carte. Je suis Stella Forest.

— Et vous avez dix minutes de retard ! aboie un homme court sur pattes et aux sourcils broussailleux.

Il me remet sans ménagement une liste de livres et de fournitures, écorche mon patronyme, et avec un geste impatient – comme on chasse une mouche –, me prie sèchement de m'installer.

Bienvenue à l'Exel Academy de Boston !

Mon radar interne détecte la meilleure place, et je m'y dirige d'un pas que j'espère assuré, quand on me stoppe net.

— Pose tes fesses ailleurs. Ici, c'est la place de Sebastian.

À coup sûr, la bimbo blonde qui me détaille des pieds à la tête, un sourire dédaigneux au coin des lèvres, est la Miss Popularité du lycée. Je la remercie pour son accueil chaleureux et m'installe un peu plus loin. Je sors mes affaires sous le poids des regards curieux que je sens sur moi depuis mon arrivée dans la salle. Je feins de les ignorer mais préférerais qu'ils s'intéressent à nouveau à leur cours... La voix du prof de bio filtre à peine à travers le nuage cotonneux dans lequel j'évolue depuis des mois.