Chapitre 8

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Je quitte à regret la douce chaleur de mon lit. Par la fenêtre, j'aperçois le spectacle de la neige virevoltante qui s'accumule sur les trottoirs. Un épais rideau cotonneux masque le monde au-delà de notre allée. Tout est feutré, doux... Le soleil éclatant d'hier est remplacé par une douce lueur bleutée. Un silence apaisant règne sur la ville, et s'étend sur mon âme ce matin.

Je ne suis plus seule.

Tu te fais des films, Stella... Allez ! Secoue-toi, ma vieille !

En deux temps trois mouvements, je suis prête : une douche, puis ma tenue habituelle depuis des mois : jean, sweat et baskets. Sans un regard pour mon reflet dans le miroir, j'attache mes cheveux en queue-de-cheval et dévale les escaliers.

Une bonne odeur de toasts grillés, de bacon et de chocolat chaud parfume la cuisine. Tout en me servant un verre de jus d'orange, je jette un coup d'œil au journal du matin qui traîne sur la table, encore grand ouvert. Mon père doit déjà être en route pour le boulot.

Je grignote une tartine en vitesse, puis sors de la maison sans avoir croisé ma mère – mais en ayant trébuché une fois de plus sur les Moon Boots qu'elle s'acharne à vouloir me faire porter depuis notre arrivée, et qu'elle avait – somme toute involontairement – déposés devant la porte d'entrée.

Je remonte la rue en songeant à mon délire hallucinatoire de la nuit précédente. Ces quelques minutes de marche jusqu'à l'arrêt de bus suffisent à me convaincre de la nécessité de rompre mon isolement. Le moment est venu pour moi de faire plus ample connaissance avec mes congénères.

***

Sebastian :

Bon, c'est quoi tout ça, hein ? Un jeu ?! Un putain de jeu dont j'ignore les règles !? OK... alors ils sont où, les arbitres ? Parce que si c'est un jeu, il y a forcément un règlement !

Et j'aimerais bien le connaître votre PUTAIN de règlement, moi !

Si tu respectes pas les règles, fiston, c'est une pénalité, dirait le coach, et n'oublie pas, t'as le droit d'entrer en contact avec l'adversaire pour le déstabiliser, mais fais toujours gaffe au hors-jeu !

Alors c'est ça ? J'y suis allé trop fort avec Stella... Je suis hors-jeu ?

Oui, c'est sûrement ça... comme d'hab, j'y suis allé trop fort. Je suis vraiment trop con !

Bordel ! Je savais pourtant que la meilleure stratégie, c'était de surtout pas la toucher...

***

Mon choix tactique d'approche se porte tout naturellement sur Jenny. J'ai pu apprécier à maintes reprises sa gentillesse et sa délicatesse, et – bien entendu – le fait qu'elle soit proche de Sebastian n'entre nullement en ligne de compte...

...ou si peu ?!

Aujourd'hui encore, je constate combien la notion du temps est extrêmement aléatoire et versatile. Jusqu'ici, chaque journée me paraissait d'une longueur affligeante, alors que ce matin, les heures de cours défilent sans que j'y prenne garde. Le manteau de brouillard qui m'enveloppait depuis mon arrivée s'effiloche, et les voix qui m'entourent résonnent plus clairement à mes oreilles, beaucoup plus limpides.

Illusion ou réalité ?

Voyage InterditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant