Une apaisante pénombre m'entoure, et au-delà de ma fenêtre, la lumière irisée d'une froide pleine lune s'amuse à dessiner d'étranges motifs sur les murs.
Malgré mon boxer en soie et un petit haut léger, je transpire sous le poids de cette absence, brûlante et récurrente, qui me dévore jour et nuit. Tout en repoussant la couette pour trouver un peu de fraîcheur, j'écoute le silence. J'inspire et expire avec lenteur, comme je l'ai appris en cours de yoga pendant mon séjour à la clinique.
C'est là-bas que j'ai vécu ma première expérience de voyage astral. J'ai tout d'abord pensé que les médicaments en étaient la cause. Mais après l'arrêt de tout traitement – et aujourd'hui encore –, j'ai conservé cette étonnante faculté. Mon esprit a acquis depuis l'accident – à cause de lui ? –, cette extraordinaire capacité de se dissocier de mon corps physique et peut ainsi vivre une expérience autonome en explorant, libre comme l'air, l'espace environnant... tout en restant invisible et inaudible aux communs des mortels.
Les premiers temps, je m'étais à peine aventurée à l'extérieur de ma chambre, dans les couloirs ; et quelques nuits plus tard, sur les lieux de l'accident ; puis chez moi, et parfois chez Ever – mais j'y restais peu de temps par crainte de croiser sa famille.
M'échapper de mon enveloppe charnelle est le seul soulagement que je m'autorise depuis la nuit tragique : celui qui permet à mon corps de trouver le sommeil, et à mon âme torturée, l'oubli.
***
Sebastian :
— Alors, demande ma sœur, comment va-t-il aujourd'hui ? Il y a du nouveau ?
Ma mère prend la fuite et court se réfugier dans sa chambre. Ça commence à devenir une habitude, une sale habitude... J'entends ses sanglots à travers la porte, comme chaque nuit après que mon père se soit finalement endormi en la serrant dans ses bras. Combien de temps pourra-t-elle supporter de me voir dans cet état ?
— Il va bien, répond mon père d'une voix lasse, en entraînant Kelly dans le salon. Il est stable et comme le disent les médecins : il est jeune et en excellente santé...
— Oui, mais quand ? Quand, Papa ?
Elle le fixe avec intensité en triturant ses doigts, le visage aussi blanc que celui des vampires qui remplissent les pages de ses lectures de prédilection. Il hésite et finit par lâcher dans un murmure :
— On ne sait pas. Personne ne peut prévoir cela... mais il va s'en sortir ! Sebastian est un battant !
— Merci Papa, dis-je en posant ma main sur son épaule. Ça fait plaisir que tu penses cela. Mais ça va pour moi, tu sais ! Le problème, c'est que personne ne s'en rend compte. Personne !
Je hurle les derniers mots, mais comme d'habitude, il n'y a que le néant pour me répondre. Est-ce que c'est ça, être un fantôme ? Un esprit ? Ne plus communiquer, ne plus toucher, ne rien ressentir, ne rien voir, ne rien entendre ? Être seul au milieu des autres, de sa famille, de ses amis ? Parce que si c'est ça ma vie, maintenant... je ne trouve même pas de mot pour décrire l'état dans lequel cette idée me met.
Je ne peux pas rester ainsi ! C'est impossible un truc pareil... ! Et puis, ça ne peut pas m'arriver à moi ! Pas maintenant, j'ai encore trop de choses à faire, à découvrir, à goûter...
Je vais me réveiller, c'est certain, c'est obligé ! Mais dans combien de temps... et dans quel état ?
***
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Voyage Interdit
ParanormalStella est une lycéenne fraîchement débarquée de Miami après l'accident de voiture qui a coûté la vie à sa meilleure amie, Ever. Après un séjour en hôpital psychiatrique, elle tente de passer inaperçue en intégrant l'Exel Academy de Boston. Elle n'a...