Restart with Song [Publié chez Hugo Poche]

V - Camille

               

Je crois encore que je ne réalise pas ce qui m'arrive. Ma moto est à l'arrêt depuis dix minutes, mes pieds touchent le sol, malgré ça je n'arrive pas à détacher mes mains du guidon, ni à basculer debout sur mes jambes.

Les trois jours qui me séparent de ma première audition semblent être passés à toute vitesse. Après une après-midi où Sarah m'a trainée de boutique en boutique, nous nous sommes, finalement, arrêtées sur un ensemble près du corps avec un jean slim qui remonte mes fesses, un débardeur blanc aux fines bretelles et au décolleté arrondi s'ouvrant sur trois boutons que j'ai décidé de ne pas ouvrir. Et parce que je n'étais pas très à l'aise, j'ai rajouté un gilet cintré recouvrant partiellement ma cambrure. J'ai plutôt un look passe-partout et même si ma meilleure amie a toutes les bonnes intentions du monde, je ne peux pas décider du jour au lendemain d'être sexy et provocante. Ce n'est pas moi.

Le soir même, après ma soirée au bar – je suis serveuse depuis peu – Sarah est venue me rejoindre pour me trainer sur une piste enflammée d'une boite de nuit select. Si elle travaille en semaine et profite de ses week-ends, ce n'est pas mon cas. J'ai choisi le monde de la nuit et préfère passer toutes mes soirées à servir des inconnus jusqu'à des heures avancées, me déhanchant sur des musiques rock. Inutile de dire que lorsqu'elle vient me chercher le samedi pour me faire sortir un peu plus, je ne suis pas toujours des plus volontaires. Mais pour décompresser de cette semaine riche en surprise, je n'ai pas bronché.

Les premières semaines de mon retour, elle avait hésité avant de me réinviter, préférant me voir au bar pour tâter le terrain, savoir si notre amitié était toujours intacte malgré la distance que j'avais imposée. Son tempérament avait vite repris le dessus en voyant que mes sourires étaient toujours sincères.

Depuis notre rencontre au collège, nous adorions danser. Si ce n'était pas dans nos chambres, c'était lors de nos cours – nous étions membres de la même association sportive -, parfois même en récré avec une enceinte que nous transportions discrètement. Les boites de nuits n'étaient devenues, plus tard, qu'un autre terrain de jeu pour des adultes en devenir telles que nous. Toutes les musiques y étaient bonnes, du moment où nous pouvions tout oublier pendant de longues heures. Elle m'avait avoué, une fois, ne jamais avoir eu une autre amie si accro à cette activité que moi. J'ai donc du terriblement lui manquer pendant mon périple.

Nous n'avons ramené aucun mec. Nous étions dégoulinantes de sueur, mortes de rire en imaginant les rockeurs que j'allais revoir dans des fantasmes abracadabrantesques, et simplement heureuses d'avoir passé une journée toutes les deux. Les dernières fois, nous nous étions pas restreintes mais pas ce coup-ci. Sarah avait compris que j'avais besoin de me  sortir de mes doutes sur l'avenir, sans m'embarrasser d'un coup d'un soir. Et puis, s'il était facile pour elle de profiter d'un homme aussi facilement, c'était toujours dur pour moi, je devais faire un travail sur moi pour ne pas réfléchir, et cela, elle le comprenait bien.

Cette sortie avait été la seule du week-end. Sarah m'avait simplement appelé le dimanche avant mon service, mais nous n'avions plus fait de folies. Lundi s'est déroulé de la même façon me laissant largement le temps de tourner dans mon lit en me questionnant sur ce que pourrait devenir ma vie.

J'ai passé deux heures ce matin aux aurores, en rentrant du boulot, a essayé d'enregistrer le plus d'informations disponibles sur la biographie du groupe. Je n'avais pas pensé à m'en servir pour parvenir à les amadouer, plutôt pouvoir mieux les cerner dans leur façon de travailler et ainsi venir à cette deuxième audition, plus sereine ; Je m'étais bercée d'illusion. Les palpitations de mon cœur sont toujours bien présentes et une sueur froide me coule dans le dos. Toute fille normalement constituée aurait sauté de joie de se trouver à quelques mètres de ces dieux du rock, malheureusement ce n'est pas mon cas. Je réfléchis beaucoup trop et les conséquences de ce qui pourrait arriver ensuite me tétanisent.