I - Camille

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Mais qu'est-ce que je suis en train de faire bon sang ?

Je tape du pied de nervosité depuis presque dix minutes maintenant. Les écouteurs sur les oreilles, appuyée sur le mur derrière moi, j'ai baissé la tête pour ne pas avoir à cogiter. Mais maintenant cette situation commence sérieusement à me gonfler.

C'est la première fois depuis dix-huit mois où je doute réellement de ce que je fais. Je ne me suis pas posée de question quand je suis partie à l'autre bout du monde, quand j'ai tout quittée pour me retrouver en terre inconnue, seule. Je n'ai pas fait machine arrière en donnant ma démission, ni quand je suis revenue après tout ce temps. A ce moment là, je n'ai hésité à laisser ma vie passée derrière moi.

Or là c'est une toute autre paire de manches.

Cela fait une heure déjà que je poireaute parmi cette foule de filles inconnues. La file derrière laquelle j'attends s'est rétrécie, mais bien trop peu pour ne pas me laisser le temps de réfléchir.

En traversant la dernière rue, je les avais aperçues ; les unes derrière les autres. Personne n'aurait pu les louper d'ailleurs et je suis sure que si j'avais pu compter j'aurais eu peur. Leurs regards s'étaient arrêtés longuement sur moi lorsque j'avais pris place en dernière position. Beaucoup avaient haussé les sourcils, et j'en avais entendu d'autres rire entre elles puis s'échanger des messes basses. Bien évidemment, elles étaient toutes venues en bande.

Avec mon casque sous le bras, habillée de ma combinaison de moto noire, je me rends bien compte que je dénote dans la file. Elles ont toutes le même look, si différent du mien : Boots, jeans moulants ou jupes en cuir courtes, tee-shirt près du corps, cheveux coiffés, yeux maquillés. En gros, toutes sexy et adorables ! De vraies groupies et moi un véritable ovni.

A cause de ma course folle à moto, j'ai bien conscience que ma tignasse brune d'habitude volumineuse, est aplatie et ébouriffée. J'ai fermé la visière de mon casque aussi mon léger maquillage n'a pas coulé, par contre, je n'ai rien de voyant ou d'extravagant comme toutes celles qui m'entourent.

Devant ce constat, je me demande si ce monde serait vraiment fait pour moi.

Je secoue la tête pour chasser mes doutes. Après tout, je n'ai qu'une infime chance d'être sélectionnée, je ne vois pas pourquoi ce serait moi plutôt qu'une autre.

Je décide d'ignorer mes sombres remarques sur moi-même et prends mon téléphone afin de faire passer le temps. A mon grand étonnement, les minutes qui suivent, s'écoulent plus vite, et la file d'attente rétrécit à vue d'œil. Je ne suis plus qu'à quelques mètres derrière un groupe de six filles lorsque mon téléphone sonne.

- Cam ? Alors ca y est t'es passée ?

Mon sourire revient à la seconde où j'entends le ton trépidant de ma meilleure amie.

- Sarah, tu as au moins une heure d'avance ! dis-je en levant les yeux aux ciels. Il t'arrive d'être patiente parfois ?

- Jamais, tu le sais mieux que personne, glousse-t-elle toute heureuse. Tu n'es pas encore passée ? Ca fait combien de temps que t'es partie ? Deux heures ?

- Non je ne suis pas passée, miss je veux tout savoir tout de suite. Pour tout te dire, je commençais à me demander si je n'allais pas faire marche arrière.

- Ha non, tu ne me fais pas ça Cam ! C'est moi qui t'ai inscrite. Tu dois le faire...au moins pour moi.

- Ouais, et tu m'as bien sûr demandé si je voulais !

- Ca te change des fuites en avant à des milliers de kilomètres des gens que tu aimes, non ? Pour une fois que tu peux faire quelque chose qui te plaise en étant près de moi.

Restart with Song [Publié chez Hugo Poche]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant