VII - Camille

3.4K 341 67
                                    

Revenir à la réalité après un parenthèse à la fois enivrante et étrange, ne se fait pas sans se poser d'innombrables questions.

J'ai le cerveau qui fonctionne à plein régime depuis ce matin. J'ai essayé d'aller courir pour me vider la tête, puis rouler au-dessus des limites sur ma moto, mais rien n'a réussit. En réalité, je suis encore là-bas, en train de chanter pour eux, nue face à leur jugement. Maintenant que j'ai gouté à cette sensation, je n'ai pas envie de la lâcher.

Avant aujourd'hui, je ne connaissais pas leur musique. Sarah m'avait passé des morceaux dans sa voiture, mais, à aucun moment, je n'aurais pu leur réattribuer leurs titres. Pourtant je dois bien me l'avouer, le peu que j'ai entendu aujourd'hui, m'a transportée. Je n'écoute du rock que depuis récemment, mais leurs accords ont fait vibrer mes muscles jusqu'à me donner envie de me déhancher. J'ai toutefois réussi à me retenir, hors de question de passer pour une toute jeune groupie ! Chanter des chansons, que je n'avais pratiquement jamais entendues, n'a pas été chose facile. J'ai dû faire plusieurs écoutes, lire et relire des paroles – que j'ai trouvées pleines de justesses et de rythme – m'approprier leur univers, puis m'enfermer dans une bulle afin de faire ressortir les sentiments qu'il m'inspirait. Tout ça sous le regard de gens inconnus encore quelques jours auparavant. Tout ça sous SON regard.

Je ne sais pas ce qui me trouble le plus : le fait qu'il ne semble pas ravi de me voir débarquer et qu'il en joue ou que je veuille y retourner pour le confronter. Et s'il n'était pas si beau, cela serait beaucoup plus simple.

Jules, le chanteur, m'a quasiment promis que l'on se reverrait. Il a été si gentil, si accueillant et tellement encourageant. Dois-je en déduire que son choix était déjà fait ? Je n'ose pas y croire. Pas encore. Pas tant qu'ils ne me l'auront pas assuré. Et s'ils arrêtent leurs choix sur moi, suis-je prête à me retrouver dans un univers totalement inconnu ? A exposer ma vie ? Mon passé ? J'ai surtout peur qu'une certaine époque soit disséquée contre mon gré.

Toutes ces questions auxquelles je n'ai pour le moment aucune réponse, me perturbent. Elles ne sont pas les seules.

Accepter de les suivre, de vivre à leurs côtés, de chanter avec eux, c'est accepter d'être auprès de LUI. Il est le premier homme depuis mon départ qui me fait cet effet et je redoute vraiment d'apprendre à le connaître davantage. Je ne sais rien de lui. Tout ce que j'ai vu est une façade. Une très belle façade certes, mais ce qu'il y a derrière est-il aussi irrésistiblement attirant ? Je ne l'espère pas.

Pour le moment, cela me rassure de me dire qu'il n'a pas l'air franchement ravi de me voir débarquer. Je préfère qu'il soit hostile, ça réfrénera mon envie de me retrouver dans ses bras.

La vision de son corps dans son T-shirt presque moulant, vient à moi comme une suite logique à mes pensées. C'est tout un frisson que je n'ai plus l'habitude de connaître qui traverse mon bas ventre. Si je m'écoutais, je me perdrais dans des images plus osées où j'attraperai sa lèvre inférieure entre mes dents avant de plonger contre sa bouche, ma langue contre la sienne puis de m'attaquer à la boucle de sa ceinture...

Je me relève de mon canapé d'un mouvement brusque, pour aller me servir un verre d'eau glacée. Je me le serais volontiers renverser sur la tête pour réfréner les battements de mon cœur, mais il est dix-huit heures et je dois bientôt prendre mon service. Je me suis déjà préparée donc je ne me vois pas repartir vers la case maquillage.

Le boulot – le vrai – m'attend et toutes mes suppositions sur l'avenir n'ont pour l'instant aucun poids face à cette réalité : Je ne peux pas y échapper.

A mon retour, Sarah m'avait hébergée en m'assurant que je pouvais rester chez elle aussi longtemps que nécessaire. J'avais tout de même écumé les petites annonces, fais le tour des quartiers à proximité pour trouver un emploi qui me permettrait de rester la fille indépendante que j'étais devenue ces deux dernières années. J'adorais ma meilleure amie, et le fait de vivre avec elle, mais notre rythme de vie n'allait plus être le même. Elle avait un boulot prenant le jour et je préférais chercher du côté de la nuit.

Restart with Song [Publié chez Hugo Poche]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant