1 ▸ premier bal

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PARTIE UNE

 La grande pièce était silencieuse. Sa seule occupante, Jane, attacha un collier autour de son cou et se tourna de profil pour admirer son reflet dans le miroir. Elle restait dubitative devant sa grande robe, jolie bien qu'encombrante. Ce n'était pas exactement ce qu'elle avait l'habitude de porter, mais la brune était capable de facilement d'adapter. 

- Jane, je ne pensais pas que vous étiez déjà prête. 

La jeune femme se tourna vers sa tante qu'elle n'avait pas entendue entrer. Elle était elle aussi préparée pour le bal et sa posture était droite et digne. Jane essaya discrètement de l'imiter en redressant légèrement la tête et en gardant son dos droit. Malheureusement, elle ne pourrait pas rester tendue tout le long de la soirée : mais au moins pouvait-elle faire bonne impression à son entrée.

Sa tante, Margaret, lâcha échapper un petit soupir en lui reprochant :

- Vous seriez beaucoup plus jolie avec un sourire sur ce doux minois. 

Jane ignora la remarque et retourna la tête en direction du grand miroir. Elle n'appréciait pas que la femme le vouvoie, mais c'était apparemment un signe de bonne manière. La seule raison pour laquelle la brune était ici était sa famille ; elle n'avait passé qu'une semaine dans la grande demeure familiale et déjà, elle ne se sentait pas à sa place. 

Alors qu'elle était perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas que sa tante s'était assise sur l'une des chaises recouvertes de velours pourpre.

- Qu'avez-vous donc ? Vous auriez perdu votre langue ?

- Non, je suis désolée, Margaret. C'est simplement... je suis nerveuse pour le bal. 

Et ce n'était en réalité qu'un demi-mensonge. La femme d'âge mûr esquissa un sourire en semblant se rappeler sa propre jeunesse. Puis elle reprit la parole :

- Le premier bal d'une jeune fille est important. Surtout pour vous. Vous devez vous trouver un mari de bonne famille et c'est ce soir que vous allez rencontrer le plus de monde. Souriez, Jane, et restez timide : les hommes de la Cour n'aiment pas souvent les bavardes et autres audacieuses. Soyez vous même sans trop en montrer et surtout, si vous sentez qu'un garçon vous plaît, montrez le.

- Le montrer ?, releva la brune en haussant un sourcil.

En quelques mots, Margaret lui demandait de jouer un rôle. Elle n'avait pas la tête à trouver un mari, bien que d'après les critères de la Cour, elle aurait dû en trouver un déjà quelques années plus tôt. Mais cela signifiait la fin de sa liberté. Et puis, aussi enfantin que cela puisse paraître, Jane avait toujours rêvé d'épouser quelqu'un qu'elle aimerai vraiment. 

Elle ne croyait pas au comptes de fée et au prince charmant - bien que si un se présentait un jour à elle, elle ne passerait pas l'occasion. Mais elle croyait pourtant au véritable amour : au coup de foudre, comme celui qu'avait eu ses parents. Margaret répondit à la question avec un petit geste de la main :

- Oh, vous savez bien, papillonner des yeux, rire souvent, dire des petites phrases toutes faites. Vraiment, flirter n'est pas si difficile que cela, vous verrez.

L'estomac de Jane se resserra en entendant ces paroles. Elle devait écouter les conseils de sa tante, aussi déplaisant soit-ils. Pour sa famille : elle était leur seule chance et ne comptait pas échouer.

▽▽▽

En dépit des préparations minutieuses de sa tante, l'entrée au bal ne fut pas si difficile que prédit. En réalité, personne ne la regardait : cela ce comprenait aux vues des dizaines de femmes dans la  salle, rivalisant de beauté et de bijoux éclatants. Jane resta un instant immobile sur le pas de l'immense entrée. 

Cette scène, magique, tous ces gens rassemblés en un seul endroit, riant, discutant, mangeant... Tous ces gens et toutes ces couleurs, la musique et les lumières, tout tourbillonnait dans la tête de la jeune brune. Elle aurait tellement aimé pouvoir peindre la vue qui s'offrait à elle : elle était sûre que cela aurait été sa plus belle oeuvre. Elle fut ramenée à la réalité par Margaret qui, ayant vue les yeux de Jane scintiller, était ravie que ça nièce commence enfin à apprécier l'univers des mondains. 

- Jane, viens par là. Monsieur et madame de Castille ! Ravie de vous revoir. Belle soirée qui s'annonce, n'est ce pas ? 

- Assurément. Le roi et la reine paraissent en bonne forme ce soir, et la musique est certainement mieux choisie que la dernière fois. Comment allez vous, chère Margaret ?, répondit la femme, un sourire éclatant aux lèvres.

- Bien, je vous remercie. Je voudrais vous présenter ma nièce : Jane, Jane Clarell. Elle vient de loin et c'est sa première soirée à la Cour. 

- Enchantée de vous rencontrer, déclara la jeune brune sans pour autant esquisser le reflet d'une sourire. 

Elle restait polie, mais ne réussissait pas à cacher sa nervosité - et surtout son envie d'être ailleurs. Elle et Margaret avaient convenu de raconter aux gens qu'elle arrivait d'une autre ville et non pas de la campagne. Jane n'aimait pas mentir, et encore moins à propos de ses origines. 

La première demi-heure de la soirée se passa exactement de la même façon : sa tante la présentait officiellement à toutes ses connaissances. Malheureusement il restait encore énormément de personnes dans la grande salle de bal et Jane espérait que Margaret ne connaissait pas tout le monde. 

Elle profita d'un court moment de répit pour prendre sa tante à part, et lui déclara doucement :

- Je croyais devoir chercher un potentiel mari, ce soir. Ne devriez-vous pas me présenter au reste de vos amis au prochain bal ? 

- Vous avez raison. Allez, jeune fille, allez voler le cœur des jolis garçons de la Cour, acquiesça la femme en lui destinant un clin d'œil appuyé. 

Soulagée, Jane tourna les talons pour aller de son coté. Mais au dernier moment, sa tante posa la main sur son épaules pour murmurer un dernier conseil - ou reproche :

- Jane, bon sang, souriez un peu. 



Moonstone ▷ ReignOù les histoires vivent. Découvrez maintenant