CHAPITRE 10.1 Elle

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- Heure du décès, 16h48, annonce froidement le chirurgien.

Ça fait près de deux heures que nous étions sur le cas de ce petit garçon blond comme les blé. Un chauffard ivre a percuté de plein fouet la voiture que son père conduisait il y a encore deux heures pour emmener son fils à l'école.

Et maintenant il est... Il est...

Les yeux me brûlent instantanément. Un poids s'écrase sur ma poitrine. Tout le monde dans ce bloc fait comme si le titulaire ne venait pas d'annoncer la mort d'un enfant. Je ne peux pas faire comme si de rien était, je reste sous le choc.

- C'est le premier ? me demande doucement l'anesthésiste.

Je perçois a peine le son de sa voix. Mes sens sont comme dans du coton. Je ne capte plus rien. Je ne peux qu'opiner.

- Vas-y, sort d'ici. Je vais terminer avec le chirurgien.

Je ne me fait pas prier. Je sors de la salle presque en courant, j'enlève ce masque qui m'empêche de respirer. Mais cela ne m'aide pas. Mes poumons me font atrocement mal, mon coeur se serre à mesure qu'il bat.

Il faut que je m'éloigne de la cohue du bloc. Personne ne dois me voir dans cet état, et surtout pas McSee, je me ferais certainement engueuler d'être si émotive. Mais comment ne pas l'être quand un enfant meurt sur la table ?

Je pars dans un coin reculé de l'hôpital. L'escalier de service. Personne ne passe par la.

J'envoie un texto à Ian, j'ai besoin de lui, de ses mots réconfortants, de la chaleur de ses bras, des ses baisers.
De lui tout simplement.
La seule chose qu'il est capable de me répondre c'est :

Ian : Je suis avec un patient Abbygaël ! Je ne peux rien faire. Ça arrive, c'est la vie... fait avec.

Je viens de perdre mon premier patient de moins de dix ans et c'est tout ce qu'il est capable de me dire ? Il me fait presque la morale parce que je me sens mal ? Et moi qui pensais pouvoir compter sur lui. Super le réconfort. Comment peut il être aussi froid, sans coeur ?! La colère me gagne en plus de la tristesse.

Je ne regarde pas où je vais en cherchant quoi lui repondre. Je me cogne a quelque chose. Quelqu'un.

- Ça ne va pas, Abby ?

Je lève la tête vers cette voix que je connais par coeur, et que j'ai tant besoin d'entendre, vu que mon "fiancé" est incapable d'être ici avec moi.

- Pas vraiment...

- Viens.

Il m'entraîne vers cet escalier que j'essayais d'atteindre désespérément.

- Qu'est ce qui ne va pas ?

En entendant le ton inquiet de sa voix j'oublie tout, j'oublie Ian et les yeux de ce petit reprennent place dans mon esprit.
Comment un enfant si jeune peut-il partir aussi vite ? Il n'a rien vécu. Pourquoi lui arche-t-on la vie comme cela ?
Je sens une larmes couler sur ma joue.

- Tu sais que tu peux tout me dire.

- J'ai... j'étais sur le cas du petit garçon dans la voiture...

Il hoche la tête en comprenant où je veux en venir.

- Tu te sens en quelque sorte responsable qu'il soit mort, c'est ça ? dit il doucement.

J'aqcuiesce.

- Je sais que je ne suis pas le chirurgien, juste l'interne d'anesthesie mais ... je suis le dernier visage que ce petit ait vu.

Son petit regard implorant me hante. Il me fait tellement penser à mon petit frère, Corentin... Il faut que j'appelle ma mère ce soir.

- Abby... tu sais la médecine ne fait pas de miracle. Il y a des fois où elle est impuissante... Le plus important, c'est de faire tout son possible pour soigner.

Il remet doucement une mèche de cheveux derriere mon oreille. Ma peau réagis instantanément à son touché. Mon coeur s'emballe.

- De cette façon, tu n'auras jamais rien à te reprocher.

- Je ... je sais que tu as raison... mais c'est tellement injuste... ce petit bout avait à peine sept ans...

Il me prend dans ses bras.

- Je sais que c'est dur... C'est horrible mais tu finiras par t'y habituer, et ça doit te motiver à faire de ton mieux.

Je me cale vraiment contre lui. J'ai besoin de me sentir soutenu. J'ai besoin de savoir que quelqu'un me comprends. Je sais que Mika à vécu cette situation de l'autre côté du miroir avec sa jumelle, il la comprend mieux que n'importe qui. Et il est la pour moi. Contrairement à Ian.

- Je suis désolée, je sais que je ne devrai pas me laisser aller comme ça... mais ...

Il pose un doigt sur mes lèvres.

- Je sais. On est tous passé par là. On finit par se poser des tonnes de questions, et au final, tu te rends compte que tu ne peux rien y faire. C'est la vie. Mais tu as le choix d'agir. Le choix de lutter contre l'inévitable.

Il dépose un baisers sur mon front.

- Ce petit sera ton patient. Ça sera celui à qui tu penseras quand tu traiteras une autre personne. C'est grâce à lui que tu te battras pour en sauver d'autres.

Sa voix m'apaise. Je ferme les yeux comme une enfant qui cherche désespérément le calme et la sereinité dans des bras pleins de réconfort.
Il a raison. Des patients, j'en perdrais malheureusement d'autre. Même si je suis pas le chirurgien je dois tout faire pour aider à les sauver, soulager leurs maux.

J'accorde ma respiration à la sienne. C'est si bon d'entendre son cœur battre, de sentir son souffle dans mes cheveux. Ça me manquais. Non chérie, ça te manque. Pour une fois je ne prends pas la peine de faire attention à ma conscience. Je sais qu'elle a raison, et je l'accepte. J'ai moins peur de ses émotions qui m'assaillent quand Mika est près de moi.

Je sens son cœur s'accélérer, son torse se contracte. Je fronce les sourcils. Je lève la tête et tombe nez à nez avec Ian, qui tient deux cafés. Ses yeux sont froids, sans émotion. Mais je le connais par cœur. Il est blessé.
Il nous tourne le dos et s'en va.

Je soupire.

Pas parce qu'il m'a vu proche de mon ex. Mais parce que dans un sens je ne voulais pas qu'il arrive, qu'il interrompt mon moment de calme avec Mika.

- Ian attend ! dis-je en me détachant trop brusquement, et a contre coeur de Michaël. Merci... ajouté-je à son intention avant de me diriger vers Ian.

Je vais encore devoir désamorcer une bombe.

Love Game TOME 2 (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant