CHAPITRE 8

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Elle se retourne tout à coup et me regarde de manière indifférente.

- Non Matty, pas la peine, j'ai tout compris.

Je ne saisis pas.

- Compris ? dis-je.

- Oui j'ai compris que tu avais honte de moi.

Oh non.

Je m'apprête à lui répondre mais elle m'en empêche.

- Non, c'est moi qui parle maintenant. Je me demandais pourquoi tu ne m'invitais jamais chez toi, pourquoi on se voyait tout le temps dehors, pourquoi tu faisais toujours attention de ne pas rentrer trop tard. Tu as honte de moi !

- Non Ally ce n'est pas...

Elle me coupe encore :

- Qu'est-ce qu'il y a chez moi au juste ? Tu n'aimes pas ma façon d'être ? Tu t'es dis que ta mère ne m'aimerait pas ? Tu pensais que...

- Je n'ai pas le droit !

Elle s'arrête et me fixe, sans voix

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Elle s'arrête et me fixe, sans voix. La phrase est sortie toute seule de ma bouche, je n'ai pas réfléchi. Merde.

- Quoi ? demande-t-elle.

- Je n'ai pas le droit de sortir avec des filles ! Je n'ai pas le droit d'avoir des amis ! Si tu n'avais pas déjà remarqué, Cory est mon seul ami. Et je sais que tu dois te poser énormément de questions sur moi car je ne te dis jamais rien, mais la vérité c'est que je n'ai pas le droit de t'en parler, je ne peux pas ! Et je n'ai pas envie que tu le saches.

- Pourquoi est-ce que tu ne veux pas ?

Elle s'est rapprochée de moi et se tient maintenant à quelques centimètres.
Je dois dire quelque chose.

- Parce que ça te briserai.

Je vois sur son visage qu'elle est totalement perdue, elle ne comprend pas. Mais je ne veux pas qu'elle comprenne. Je ne veux pas lui dire.

Et à ce moment là, quand je crois qu'elle va m'en vouloir et qu'elle ne me pardonnerai jamais, elle s'assoit par terre et me fait signe de l'imiter.

- Un mardi, mon père était venu me chercher au collège. Il m'avait dit "ce soir, je vais t'apprendre à patiner".

Je croise les jambes et l'écoute attentivement en essayant de comprendre ce qu'elle veut me dire.

- Il m'avait acheté des friandises que j'ai mangé comme une gourmande sur le trajet.

Son sourire disparait et elle baisse la tête vers des jambes.

- C'est ce soir là qu'il y a eu l'accident.

Pendant toute une heure, elle m'a expliqué comment tout s'était déroulé. Comment elle avait apprit pour son père, ce qu'elle avait fait ensuite. Elle m'a dit à quel point ils étaient proches et à quel point elle aurait voulu que ça le reste.
Et pendant tout son récit, j'ai n'ai pas bougé. Je l'ai écoutée, très attentivement. Ce n'était pas la première fois qu'elle me parlait de lui mais elle ne m'en avait jamais dit autant.

- J'aurais voulu ça oui, fait-elle.

Elle termine son explication, les joues mouillées par les larmes et un énorme silence s'installe entre nous.

- Je suis tellement désolé Ally.

Elle essuie ses joues avec ses manches et répond :

- C'est pas grave Matty, je ne veux pas me faire plaindre, j'avais juste envie de partager ça avec toi.

Je sens dans sa voix que le fait de m'avoir parlé la soulage, qu'elle est libérée d'un poids qu'elle soulevait depuis trop longtemps. Je ne sais pas vraiment ce que ça fait moi... Le jour où j'ai su pour ma maladie, c'est ma mère qui l'a expliqué à Cory, et je crois qu'il s'en fichait.

Même aujourd'hui, il n'est pas different avec moi, malgré ses gaffes, je suis d'accord. Il ne change pas de comportement parce que je vais bientôt mourir et c'est ça que j'aime bien chez lui. Je ne sais pas si Allison serait capable de rester la même et d'encaisser sans rien faire.

- Et toi alors ton père, vous êtes proches ?

- Et toi alors ton père, vous êtes proches ?

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Sa voix me tire de ma rêverie.
Je me rend compte de la question qu'elle vient de me poser et reste sans voix.
Qu'est ce que je dois répondre à ça ?

Je réalise qu'elle s'est levée et est retournée s'appuyer sur le muret du toit. Elle se tourne alors vers moi se rendant compte que je ne réponds pas.

Je ne sais pas comment réagir. Je dois lui dire. Elle m'a parlé de son père, je dois lui parler du mien.
Pris de panique, je me relève et commence à partir :

- Viens nous devons rentrer, il est déjà tard.

- Quoi ? Matty ? Qu'est-ce...

- Viens, je t'expliquerai dans la voiture, dis-je pour la forcer à me suivre.

En réalité, je n'ai pas envie de lui dire. J'hésite tellement. Mon dieu je n'aurais jamais dû la laisser rentrer dans ma vie.

Une fois dans la voiture, je m'assois au volant et elle à ma droite, attendant une explication.

- Il est mort quand j'avais 10 ans.

Je déglutis en réalisant ce que je lui ai avoué. Je fixe un point invisible devant moi. Je n'ai pas envie de la regarder.

- Il est mort d'un cancer.

Nouveau silence. Je n'arrive pas à dire plus d'une phrase à la fois. C'est dur.
Je suis incapable d'en dire plus.
Je me retourne enfin et me rend compte qu'elle pleure.

- Allison ne pleures pas

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- Allison ne pleures pas.

Elle a un rire nerveux.

- Pourquoi tu ne m'as jamais parlé de ça Matty ?

- C'est plus facile de ne pas en parler.

Elle prend soudain une grande inspiration. Elle essuie ses larmes et souffle comme si elle se préparait à me faire une énorme annonce :

- Matty je ne pensais jamais dire une chose pareille à un garçon un jour mais...

Elle se tourne vers moi :

- Je ne veux jamais que tu me laisses.

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