Chapitre 21

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J'étais couchée sur le flanc dans la crypte se trouvant sous l'église, les mains attachées par une grossière corde dans le dos. Durant les seules heures où j'avais été autorisée à quitter la maison des rôdeurs, j'avais été abandonnée par Louis et battue pour avoir simplement existé. Le sang s'était transformé en croûte sous mon nez et respirer me fit ressentir une douleur aiguë à trois endroits différents de ma poitrine. La foule en colère avait bien fait son travail.

On m'avait aussi cassé la jambe. J'avais refusé de me laisser facilement entraîner dans la crypte, croyant d'une certaine manière que cela me rendrait plus conforme, un des hommes avait frappé mon genou du pied jusqu'à ce qu'un fort craquement se fasse entendre et j'avais hurlé. Les trois hommes me faisant descendre ici avaient murmuré quelque chose entre eux, m'avaient jetée au sol et étaient partis, fermant la lourde porte de métal derrière eux.

Il faisait sombre dans la crypte, sombre et humide. J'avais arrêté de frisonner depuis un bon moment et je tremblai désormais d'une manière incontrôlable, causant davantage de douleur à chacune de mes blessures. L'odeur de moisissure et de mort n'était perceptible que si je me concentrai dessus. Quand on m'avait tout juste laissée ici, j'avais presque vomi à cause de la puanteur, même si j'aurai très bien pu vomir à cause de la douleur.

Je pouvais entendre l'écho des bruits de pas des humains au-dessus. Il y a une heure, il y avait encore des mouvements frénétiques et l'occasionnel grincement et claquement de la porte de l'église. Désormais, les humains étaient silencieux, comme s'ils mourraient aussi durant la journée.

La précipitation des rats attira mon attention. La première fois que je les avais entendu ils se trouvaient de l'autre côté de la crypte et maintenant ils se trouvaient juste derrière moi. Je tressaillis puis gémis lorsque de la fourrure rêche effleura mes doigts. Je détestais les rats.

D'autres bruits de pas à l'étage attirèrent mon attention. Ils étaient les premiers que j'entendais depuis un moment et ils se déplaçaient vers la crypte. Je fis face à ma défaite lorsque la porte de la crypte s'ouvrit, grattant le sol et gémissant douloureusement en protestation, et les pas se rapprochèrent.

Quelqu'un me souleva, un bras sous mes genoux et un autre supportant mon dos. J'hurlai, essayant de garder ma jambe gauche aussi droite que possible. Je ne reconnus pas l'homme qui me portait, mais il se déplaçait comme s'il n'était pas au courant de mes blessures. Il me porta dans ses bras, gravissant les escaliers vers la salle principale de l'église, là où tout le monde dormait. Je fermai les yeux et serrai les dents, les escaliers du parvis de l'église faisant se tordre et grincer mes os.

On me porta hors du parvis de l'église. L'homme s'arrêta à quelques centaines de mètres des portes de l'église et me posa sur mes pieds, je m'effondrai alors sur le flanc sur la pelouse, ayant un haut-le-cœur à cause de la douleur. Ils allaient me tuer maintenant, je le savais. Me tirer dans la tête, me poignarder, sûrement quelque chose de sale et douloureux et ils le faisaient pendant que les enfants dormaient.

"Retourne faire l'excellent travail de sentinelle que tu faisais tout à l'heure."

L'homme obéit et retourna à l'intérieur de l'église. Je levai les yeux et vit Louis accroupi devant moi, ses mains jointes. De la bile épaisse à cause du sang ruisselait de ma bouche. Il défit la corde.

"Tu aurais dû venir avec moi quand tu en avais encore la chance, pas vrai ?" demanda-t-il sans humour, m'aidant à m'asseoir et caressant doucement mes poignets. "Rester avec les humains était une mauvaise idée."

Je crachai le reste du sang se trouvant dans ma bouche, essuyant mes lèvres avec le dos de ma main. "Je pensais que tu m'avais laissée."

"Toi ? Nan. Je t'aime bien." Il leva les yeux vers le ciel. "Si nous partons maintenant, nous serons de retour avant le lever du soleil, donc lève toi et nous pouvons y aller."

"Je ne peux pas."

"Tu ne peux pas faire quoi ? Partir ? Tu ne veux pas rater ton exécution, c'est ça ?"

Je secouai la tête. "Je ne peux pas me lever. Ils m'ont battue."

"Qu'est ce qui est cassé ?" demanda Louis, s'agenouillant à côté de moi.

"Les côtes. Le nez. Le genoux."

Louis toucha gentiment chacun de mes os cassés, évaluant les dégâts en fonction de mes gémissements. Dès qu'il eut fini, il soupira et regarda le ciel.

"Nous allons donc devoir aller plus lentement, trouver un endroit pour dormir en attendant la nuit prochaine." Il me souleva de la même manière que la sentinelle l'avait fait et il fronça les sourcils. "Est-ce que ça fait mal ?"

Il me positionna dans ses bras de diverses manières jusqu'à ce que nous trouvions la position la moins inconfortable et pussions partir. Louis ralentit à chaque fois qu'il m'entendit gémir ou hurler. À cette vitesse, nous n'arriverions jamais à la maison avant le lever du soleil.

Louis s'arrêta devant un hôtel lorsque le ciel commença à s'éclaircir. Il me porta à l'intérieur et me fit asseoir sur un fauteuil rembourré juste à côté de la porte. Je patientai là tandis qu'il se rendait à la réception, ma poitrine entière palpitant.

Notre chambre était au premier étage, à quelques mètres de l'ascenseur. Louis me porta jusque là-bas, me posant doucement sur ma bonne jambe et maintenant fermement ma taille afin de s'assurer que je ne bascule pas pendant qu'il ouvrait la porte avec la carte en plastique. Il me souleva à nouveau et me laissa sur le lit avant de fermer la porte et de fermer les rideaux pour contrer la lumière rose commençant à se propager depuis l'horizon.

"Bien." Il s'assit à côté de moi sur le lit, regarda ma jambe bizarrement étirée sur la couette et se pinça les lèvres.

"Qu'est ce qu'on fait pour ça ?" Son regard dériva vers mon visage. "Es-tu douée en premiers secours ?"

"Je pensais que vous étiez âgé de milliers d'années, vous ne vous êtes jamais trouvé face à une côté brisée auparavant ?" dis-je sèchement. Je souffrais et son épuisement apparent m'inquiétait.

Louis soupira. "J'ai toujours eu Niall avec moi avant ! Je pense," il déglutit, "Je pense que nous devrions mettre de la glace dessus. La glace est bonne pour tout, n'est-ce pas ?"

Avant même que je puisse protester, il avait disparu, la porte se refermant lentement derrière lui. Il fut de retour quelques secondes plus tard, saisissant la porte avant de se retrouver enfermé à l'extérieur, un sac de glace dans la main. Une fois la porte solidement refermée derrière lui, il s'approcha et s'assit de nouveau sur le lit, cassant des morceaux de glace. Je le regardai retirer son t-shirt, l'enroulant autour de la glace. Doucement, il pressa la glace contre mon genou et posa ma main dessus, me laissant la maintenir en place.

Louis jeta un regard vers la fenêtre. "Je vais mourir dans quelques minutes, donc si tu arrives à mettre la glace sur ta jambe, tes côtes et ton nez, essaye tout de même de dormir un peu, d'accord ?"

Il tira la fine couette qui se trouvait sous moi aussi doucement que possible, se glissant dessous à côté de moi. La couette était douce contre ma peau et je devinai que c'était de la soie. J'eus soudainement peur de tâcher les draps avec du sang. Louis me regardait tandis que je posai la glace sur ma poitrine, grimaçant.

"Est-ce que ça fait mal ?" demanda-t-il doucement. "C'est une bonne douleur ?"

Je secouai la tête. "Mauvaise douleur."

"Ça ne me surprend pas. Je les ai regardé ... de loin, bien sûr. J'ai dû courir, s'ils m'avaient attrapé, ils m'auraient tué."

"Je croyais que vous ne pouviez pas mourir ?"

Il rit. "Mensonge. L'argent. Le soleil. Les croix. Seules, toutes ces choses sont pratiquement inutiles; je serais juste un peu affaibli, mais ensemble elles me tueraient. Le feu ne fonctionne pas du tout, à moins que ce soit sur une terre sainte. Ton village s'est bien adapté; quand je fuyais la foule, j'ai croisé des rôdeurs morts. Ils se trouvaient là pour servir d'avertissement, mais ils ne se trouvaient pas proches de là où nous sommes entrés dans le village."

"Ce n'est pas mon village." dis-je dans un soupir.

"Tu viens de là-bas, c'est ta maison."

"Ils ont essayé de me tuer. Ce n'est pas ma maison."

"Où est ta maison alors ?"

Je tournai un peu la tête pour le regarder. "Allez-vous vraiment me le faire dire ?"

Louis sourit. "Je savais que tu l'avais réalisé. C'est toujours comme ça." Il posa sa main sur la mienne. "Si ça peut te soulager un peu, nous ressentons la même chose pour toi. Même Zayn, crois-le ou non."

Je replaçai la glace sur mon genou. "Ça fait toujours aussi mal."

Louis était déjà mort, sa main devenant lourde et froide sur la mienne.

La lumière du soleil filtra doucement à travers les épais rideaux, pas suffisamment pour blesser Louis mais assez pour éclairer un peu la pièce. J'essayai de dormir, de me reposer et récupérer un peu, mais tandis que la journée passait j'étais de plus en plus faible et fiévreuse. La couette fine retenait une incroyablement quantité de chaleur et après environ une heure, je ne la supportais plus, la retirant du pied avec ma meilleure jambe et pleurant un peu à cause de la douleur s'en résultant. Je sombrai lentement dans la folie, dans un sommeil où je revivais la douleur de l'attaque qui s'était déroulée quelques heures plus tôt. Quand je me réveillai, je vis un monstre rampant sur les murs, et dans mon était fiévreux je ne pus réellement discerner ce qui était vrai de ce qui ne l'était pas.

J'ouvris de nouveau les yeux dans la soirée, gémissant et transpirant. La glace avait fondu depuis longtemps, vers midi, et j'agonisai. Au pied du lit se tenait une silhouette vêtu d'un sweat à capuche, surveillant Louis et moi. Une chenille jaune et violette rampait au plafond. Je supposai que j'étais encore en train d'halluciner, ayant assez de lucidité pour arriver à cette conclusion toute seule.

Je sentis vaguement Louis s'agiter à côté de moi et la silhouette au pied du lit tourna le dos. Alors qu'elle disparaissait, j'aperçus des yeux brillants d'un rouge vif.

Louis se réveilla progressivement, roulant sur son ventre à côté de moi. Avec un soupir, il releva sa tête et se rendit compte de mon état fiévreux, se levant doucement et disparaissant de la chambre. Il revint quelques secondes plus tard avec un pack de glace, le brisant en deux cette fois, déposant un morceau sur ma jambe. Il déposa l'autre morceau qui était plus petit sur mon front.

"Tu brûles." murmura-t-il, étalant doucement l'eau glacée sur ma peau. "Nous devons aller voir Niall."

Il me prit dans ses bras aussi délicatement que possible. J'étais étendue sans force dans ses bras, incapable de faire autre chose que gémir. Louis sortit de l'hôtel, mais au moment même où nous arrivâmes dans la rue il se mit à courir à une vitesse qui devait être celle de la lumière et qui faisait un mal de chien. Malgré les bruits de douleur que je faisais, Louis maintint sa vitesse jusqu'à ce qu'il s'arrête à l'extérieur d'une petite maison au plein milieu de la forêt. Dans ma folie, je ne reconnus pas l'entrée de la maison des rôdeurs jusqu'à ce que nous ayons descendu les escaliers et que Louis m'ait doucement déposée sur le canapé appelant Niall en hurlant.

"Il n'est pas encore réveillé, calme toi." ronchonna Zayn, émergeant du couloir. "Pourquoi as-tu si désespérément besoin de lui ? Et où diable étais-tu donc passé ?"

"Il doit se réveiller tout de suite." exigea Louis, avançant vers le couloir à grande enjambées, dépassant Zayn. "Et n'oublie pas à qui tu t'adresses !"

À travers mes yeux à moitié clos, je pouvais discerner la silhouette floue de Zayn me jetant un coup d'œil par dessus le canapé. Un juron silencieux s'échappa de sa bouche et il disparut de mon champ de vision. Ma tête commençait à être lourde, ma vision devenant floue et s'affaiblissant sur les bords.

J'entendis un lourd bruit sourd quand quelque chose fut jeté au sol.

"Soigne la !"

"Je ne sais pas si je peux, je crois qu'elle est en train de mourir."

"Je sais ! Soigne la !"

Des mains serrèrent mes poignets. Une pression sur mon genou. Un gémissement.

Une douce et apaisante sensation m'envahissant. Était-ce la mort ?

Une brûlure glacée dans mon nez, ma poitrine et mon genou. Les os se ressoudant ensemble. Mon esprit commençant à s'éclaircir. Des mains appuyant sur mes joues.

"Elle va avoir besoin de dormir, mais je pense qu'elle ira bien."

"Il vaut mieux pour elle."

La douleur s'évapora de mon corps et fut remplacée par une sensation purifiante. Je me détendis contre les coussins, soupirant doucement.

"Elle peut se reposer dans ma chambre. Combien de temps avant qu'elle se réveille ?"

"Une heure. Peut-être deux. Je sais pas."

"Ça ne m'aide pas, Niall."

Je sentis des mains douces me soulever et me porter dans le couloir. On me déposa sur un lit que je crus être celui de Louis, et il s'assit sur le lit à côté de moi. Sa main caressa doucement mon ventre, glissant sous le t-shirt sale que je portais afin de passer légèrement ses ongles sur ma peau.

"Pourquoi ?" demanda Louis, s'adressant à lui même. "Pourquoi toi, parmi tant d'autres ?"

J'imaginai qu'il parlait de mon agression, ou de mon attirance apparente pour les problèmes. Le matelas s'affaissa lorsqu'il bougea, et je pus sentir ses légères respirations contre ma joue. Avant même de pouvoir comprendre ce qui se passait, ou de réagir, ses lèvres se posèrent sur les miennes.

Louis ne m'avait pas embrassé auparavant, du moins pas régulièrement, mais je reconnus la sensation de sa bouche, et le souvenir du donjon me revint. Le quatrième rôdeur, celui qui n'avait fait que m'embrasser. Je reconnus la bouche de Louis et je la reconnus du donjon.

Il se recula, déposant un autre baiser sur mon front. "Tu es une catastrophe, mais je crois que je t'aime."

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