Chapitre 9-Larmes de Renouveau

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Chapitre 9

Alexia

Les roches elles-mêmes semblaient chuchoter. Doucement. Elles respectaient les lieux. Le sanctuaire. Vert-Pin. Elles respectaient les habitants. Les elfes. Les bâtards. Elles respectaient le temps. La vie. Le sommeil, ne troublant le rythme des couchés que pour admirer quelques baisers futiles. Volages. Échanger avec la hâte d'être surpris. Avec le risque d'être découvert, mais encore pur de toute trace de ces futiles mensonges. Où la passion était un fardeau, alourdissant ces précieux moments. Récompensant ces ardeurs téméraires.

Les arbres veillaient sur les lieux. Les ruisseaux chantaient leurs douces mélopées. Les cerfs menaient paisiblement leurs existences. Ici, rien n'était brusque. Rien n'était soudain. La peur avait été bannie. La crainte avait fui.

L'Homme n'avait pas encore apposé son empreinte indélébile. Et la nature en était reconnaissante.

Le sol réfutait les chausses. Aucune lame, aucune arête, rien ne pouvait blesser. L'épaisse écume végétale s'en tenait garante. Quelques feuilles gisaient. Mais elles n'étaient pas mortes. Mais elles n'éveillaient aucune frustration. Elles semblaient même sourire, heureuses du travail accompli. Reconnaissantes d'une Éternité qu'elles avaient pu apercevoir. Et de sa grandeur parfaite qu'elles avaient pu entrevoir.

Cependant, les fleurs n'avaient pu pousser. Le sol n'était que rarement échauffé par les rayons du jour. Les sépales auraient fanés, attirant la pitié. Attristant les nuitées. Alors elles s'étaient adaptées. Elles étaient devenu lierres, lianes, fougères, ne demandant rien de plus que ceux que l'on daignait leurs offrir.

L'harmonie était seul maître.

Rien ne dépareillait. Tout était classé, ordonné, sans pour autant paraître triés. Tout était... naturel. Et cela, l'Homme en avait oublié la beauté. Et cela, l'Homme en avait oublié les bienfaits. La paix régnait, tandis que la quiétude gouvernait.

Alexia avançait, émerveillée. Elle se sentait chez elle. Chez ses parents. Rien n'aurait pu leurs plaire davantage. Elle en restait convaincue. Persuadée. Un sourire s'était peint sur son visage enfantin, insouciant. La cruauté du monde comme seul ignorance. Elle qui avait perdu ses parents, qui s'était fait battre dans son orphelinat, méconnaissait toujours. Elle était bien trop jeune pour savoir. Savoir la haine des hommes et leur cupidité. Savoir leur soif de pouvoir et leur jalousie. La violence qu'elle avait subie n'était qu'un avant goût de cette véritable vie qu'elle était appelée à éprouver.

Mais elle l'ignorait. Son esprit n'avait pas encore était façonné à la gloire des empereurs. Il était libre de rêver. D'imaginer. De jouer. De créer. Et Vert-Pin saurait l'instruire comme il se devait. L'élever jusqu'à ce que son imagination réussisse à dresser les arbres aux grès de son unique volonté.

Son esprit avait quitté son corps. Elle se voyait désormais voler avec les oisillons qui flânaient aux côtés d'arbres millénaires, parfait contraste entre passé et futur. Entre renouveau et connaissance. Elle voyait les branches comme des refuges et non plus comme des obstacles. La douce ombre provoquée par le feuillage lui apparaissait maintenant sous une forme protectrice. Celle d'un bouclier. Son bouclier. Qui la maintenait à l'écart. A l'écart de son ancienne existence. Loin de la peur, de la souffrance. Près de ses rêves, de ses espérances.

L'orpheline trébucha durement. Le lichen n'avait pas failli. Le sol restait toujours égal et confortable. Plat et accueillant. Ses pieds nus étaient encore chatouillés par la délicate fourrure qui les enveloppaient. C'était autre chose qui l'avait arrêtée. Ébahie. Elle avait vu. Vu ce qu'elle cherchait. Vu ce qu'elle souhaitait.

Vert-Pin se dressait devant elle. Roi de passage dans la forêt sans âge.

Confuse masse de branchage, la cité s'éclaircissait en approchant. Perché dans les hauteurs d'arbres dont l'histoire même avait oublié le nom, l'antique village dressait fièrement ses foyers. Il n'y avait pas de rempart. Les barricades étaient proscrites dans un monde de paix. Car elles signifiaient qu'une menace était vaillante. Et Vert-Pin n'avait pas d'ennemi. Simplement des ennuis. Aussi minimes qu'insignifiants. Aussi infimes que passagers.

Les Vestiges Des Damnés [CS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant