Chapitre 15-Ardeurs Divines

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Chapitre 15

Partie III

Edgar


L'horizon s'était teinté de rouge. De sang. De malheur à en pâtir. De déception à n'en plus finir. Le soleil s'était couché bien trop tôt. La journée s'était finie bien trop vite. Pressée d'aller s'asseoir. Pressée d'oublier tout devoirs. La lune, prise au dépourvu, n'avait eu le temps d'étendre son voile d'obscurité dans le ciel. La terre se retrouvait sans astre. Sans Dieu. Proche du désastre. Proche des Vieux. Le monde d'après n'avait jamais paru si proche, alors que les respirations se faisaient bien trop saccadées.

Les Hommes ignoraient encore. Peu avaient même seulement aperçu le ciel sans protecteur. Mais Vert-Pin, lui, était au courant. Amplement. L'augure était le festin. Et les vautours savoureraient abondement le banquet qu'il leurs serait laissé.

L'horizon s'était teinté de rouge. De sang. De mort à en devenir. De cadavres à s'enfuir. La lune s'était levé trop tard. Les Damnés avaient eu le temps de déferler.

Edgar sortit de ses pensées. Un bruit l'avait tiré de ses souvenirs. Dernier décombre d'un passé trop lointain pour garder des marques autres que songes et rêves. L'air glacial avait réussi à changer le cours de la vie de congères dont la vie ne se comptaient plus qu'en éternité.

Il était dehors. Seuls les créneaux le protégeaient quelques fois des rafales de vents venues des côtes. Mais elles étaient glaciales. Mais elles étaient porteuses de nouvelles hivernales. Dans leur tristesse infinie, elles avaient vu bien des malheurs. Elles avaient entendu la fin de bien des bonheurs. Mais cette fois ci, même la brise avait peur. Elle en tremblait. Elle savait. Emissaire de contrée dont la vie se déroulait souvent en bord de plage, elle revenait vers leur territoire natal avec l'envie d'oublier tous ces visages. De ne les faire passer que pour des mirages. D'oublier ce langage. Celui que poussait chaque défunt avant de passer dans l'autre monde. Celui des prières maudissant des Dieux qui les avaient choyés. Qui les avaient jusque-là préservés. Mais y avait-il seulement quelqu'un pour les écouter ? Le cri des victimes n'y avait rien changé.

Un messager était parvenu jusqu'à Monte-Merveille. Et ses nouvelles étaient aussi tristes qu'attendues. Quatre navires avaient mouillés sur les rivages de la Lyre. Deux ne contenaient plus aucun passager. Plus aucun vivant. Les deux autres s'étaient abattus sur les villages les plus proches. Sans reproche. Sans préférence. Avec pour seul critère le nombre de victimes qu'il pourrait faire. Des pêcheurs étaient tombés. Ravagés. Endeuillés par leurs propres fins.

Bientôt, ce ne serait plus quelques navires qui viendraient s'échoir sur les rives du continent. Bientôt, une armée entière verrait sa flotte arrimer sur les digues d'un pays qui ne voyait que le temps entre lui et son futur statut de soumis.

Le bâtard n'avait plus vu son père depuis leur entretien. Le roi l'évitait. Tout le monde l'évitait. Comme s'il était un être vil et sadique, prêt à tout pour avoir son quota de mort, de sang. Mais avant d'être l'envahisseur, il était le fils de ce château. Le fils aimé des servantes et des marauds. Toujours là pour aider à nettoyer une casserole trop grasse ou ramasser du bois pour le feu. Il était le bâtard que l'on enviait. Mais, les habitants du palais l'avaient oublié. Ne se souvenait de ce temps que les pierres sourdes des murs épais.

Autour de lui, le vent s'était remis à souffler. A murmurer les poésies de volets entrebâillés. De chambres à coucher mal verrouillées. D'amour fugace surpris le temps d'une nuitée à vagabonder dans les campagnes pour le seul plaisir de rester ensemble sans que les admirateurs que le soleil s'aimer à apporter ne s'éparpille en rumeur indécise. Amante futile que cette grande lune muette.

Mais aujourd'hui, les fables s'était transformées en chant paillard, réchauffées par la guerre. Réchauffées par la bière. Par une eau-de-vie. Sans doute la dernière pour certains fêtards, avant que ne les emporte la seul véritable ivresse. Celle de la guerre qui navrait les cœurs. Celle de la bière qui réchauffait les mœurs. Indécise bataille que celle de l'ivrogne cherchant désespérément à tendre sa bouteille vide pour attraper les dernières gouttes avant que ne sonne la retraite. La défaite. La risée d'un quartier pas assez famé pour soutenir les héros ayant connu cette galère.

En face, les vainqueurs abandonnaient les douteuses liqueurs. Ils choisissaient un met bien plus raffiné. Le sang de leurs ennemis même n'était pas assez beauté. Le vin coulait à flot, comblé par une victoire peu méritée. Par un roi peu regardant. Ces rois qui ne touchaient de l'épée que la rapière. Qui n'avait jamais goutté l'arôme du sang. L'arôme du métal. Qui ne possédait en cicatrice que le contant de bouton de vermicelle. Protégés par les pères. Surprotégés par les mères. Princes aux droits de naissance. Aux droits acquis sans souffrance. A l'égo bien haut. Au courage bien las.

C'était ce genre d'être qui gouvernait la vie d'un royaume endormi. D'un royaume sous la pluie. Au comble de la nuit, Vert-Pin s'était élevé, et avait emporté tous ces privilège. Une révolution populaire s'était ainsi déroulée, sans que paysans ne soient au courant.

Mais aujourd'hui était un autre jour. Bien des évènements s'étaient déroulés. Il faudrait dorénavant assumer. Surveiller. Défendre. Sans se faire surprendre. Le risque prenait alors le nom de péril. Le péril prenait alors le nom de désastre. Car les astres n'étaient plus. Car la défense ne reposait plus que sur les épaules d'être commun. D'être pour qui la mort était un quotidien. Pour qui les funérailles n'étaient jamais joyeuses, souvent trop fréquentes en temps troublés.

En temps où les Ardeurs Divine faisait loi.

Où la Colère des Dieux faisait foi.

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Les Vestiges Des Damnés [CS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant