Il me regarde un instant sans réagir, je suis pétrifiée. Je n’arrive pas à bouger.
Puis un éclair de panique passe dans ses yeux. Il se met à courir dans ma direction.Ça débloque quelque chose en moi, mes jambes avancent toutes seules. Vite, de plus en plus vite.
Je ne veux pas lui parler, et certainement pas lui expliquer quoi que ce soit. On ne se connait pas, je n’ai rien à lui dire.
Je prends de l'avance et me perds dans les ruelles. Je jette un rapide coup d'œil en arrière. Il est toujours à mes trousses.
Coup de chance, il y a une voiture qui passe justement par-là. Je me précipite devant en faisant de grands gestes. Elle stoppe net. J'ouvre la portière et monte sans rien demander. Le conducteur me regarde, effaré.
— Démarrez s'il-vous-plaît ! Je vous expliquerai après.
Enfin je lui inventerai un scénario bien entendu. Pas question de lui livrer la vérité. De toute façon il me prendrait pour une folle...L'essentiel c'est qu'il démarre. Ce qu'il fait au dernier moment. Juste avant qu'Esteban n'ouvre la portière.
— Merci beaucoup.— Alors, tu m'expliques ? me lance-t-il en se tournant rapidement vers moi.
— Ce garçon me poursuivait, j'ai paniqué. Et ça, dis-je en lui montrant mes vêtements, c'est quand je me suis précipitée dans un buisson.
— Mais il faut porter plainte ! Et aller à l'hôpital !
Je vois bien qu'il prend la chose très au sérieux, mais étant donné que je lui mens, je ne peux qu'essayer d'arranger la situation.
— Je ne le connais pas, ça ne servirait à rien. Et ce sont juste des égratignures, rien de grave, lui assuré-je d’une voix calme et apaisante.
— Ah oui... Mais tu n'as pas vu son visage ?
Il veut me couler ou quoi ? Je sais que c'est pour mon bien mais là il fait tout l'inverse.
— Si, vaguement. Mais des bruns aux yeux verts y'en a un paquet vous savez...
Je lui adresse un sourire radieux, pour qu'il comprenne que ça ne sert à rien d'insister.
— Effectivement. Et au fait... je t'emmène où ?Je n'avais pas pensé à ça. Je ne peux pas décemment lui dire que je vais au commissariat alors que je viens de lui assurer le contraire.
— À la Tour Eiffel s'il-vous-plait, dis-je en énonçant le premier endroit qui me soit passé par la tête.Lorsque nous arrivons, son visage est tendu. Je sens – et je sais – qu’il est inquiet pour ma santé.
— Ça ira ? s’enquit-il.
— Oui merci ! À une prochaine fois, peut-être !Je ne lui laisse pas le temps de répliquer et je sors de la voiture. Je claque la portière et fais semblant d'aller au guichet.
Ce qui est totalement stupide puisque je ne vois pas pourquoi je ferais du tourisme.
Une fois que je suis sûre qu’il est parti, je me dirige, d’un pas que je veux assuré malgré ma démarche, vers le commissariat.
Je m'arrange un peu, parce que sinon ils ne vont pas me prendre au sérieux...Une fois que c'est fait j'aborde un agent de police.
— Excusez-moi ?
— Oui c'est pour quoi ? dit-il d’une voix monocorde.
Il se retourne. Me voit. Panique. C'est normal, vu son âge, ce doit être un stagiaire et n'a donc jamais été confronté à un cas comme le mien.Il essaie de se calmer tant bien que mal.
— Il s'est passé quelque chose de grave, c'est ça ? Racontez-moi tout, je suis là pour vous aider ! s’exclame-t-il affolé.
Zut. Je n’avais pas pensé qu'il réagirait comme ça... Du moins pas excessivement comme il est en train de le faire. Bon tant pis je vais improviser.
— Non, ça ce n’est rien. Je suis là pour autre chose...
Il doit se demander ce qui peut bien être plus grave que mon état...
— Je vous écoute.
— J'ai perdu mon frère.
Son visage se décompose.
— Il est... enfin il... tente-t-il de me demander.
Sa réaction parvient à me décrocher un sourire.
— Mort ? Non.
Il est rassuré, ses traits se radoucissent.
— J'ai juste oublié d'aller le chercher à l'école et je ne sais pas où il est... continué-je.
— Attends deux minutes... m’interrompt-il radieux. Il me semble qu'on a accueilli un petit garçon hier soir. C'est bien ça ?
— Oui ! m'écrié-je, le visage soudain illuminé.
Je reprends espoir. C'est peut-être la fin de cet enfer. Enfin, pas tout à fait... il reste mes parents... et Théo. Et l'autre là, Esteban. Mais c'est déjà un poids en moins.
Il revient. Derrière lui un petit garçon tout timide se cache. Je le reconnais aussitôt ! C'est lui, c'est mon petit frère ! Eliott !
Je me précipite sur lui et je me retiens de ne pas lui sauter dans les bras, ce serait catastrophique. Je le serre contre moi. Fort, très fort.Personne ne dit rien. Pas même Eliott qui est si bavard d'ordinaire.
Je crois que je n’ai jamais été aussi soulagée de ma vie. On ne se rend pas compte quand tout va bien. C'est quand tout va de travers qu'on comprend vraiment que tout ce qu'on a n'est pas acquis.
Le policier rompt le silence.
— Où sont vos parents ?
J'hésite à lui répondre la vérité...Mais c'est quand même un représentant des forces de l'ordre alors...
— Ils sont en prison. Je suis toute seule, avec Eliott, avoué-je.
— Je suis sincèrement désolé, mais au vu des circonstances, je me vois dans l'obligation de confier Eliott à une famille d'accueil.Je sens le monde s'écrouler autour de moi.
— Comment ça ?! Je peux très bien m'en occuper toute seule !— Après ce qu'il vient de se passer, il me semble que non...
La colère monte en moi. Les larmes aussi. J'ai des pulsions meurtrières. Je vous jure que je pourrais tuer. Là, maintenant. Je dois avoir ça dans le sang...
Pas question d'abandonner Eliott, surtout pas maintenant.
J'opte pour une solution un peu moins risquée que le meurtre.
Je pousse un hurlement à vous déchirer les tympans. Un hurlement de guerrière.
J'attrape Eliott et je fonce droit vers la sortie. Le policier nous poursuit. Il crie qu'il faut nous arrêter. Il donne des ordres. Je ne lui en veux pas, il ne fait que son boulot après tout.
Le problème c'est que je suis blessée, et ça me fait mal.J'essaie de puiser dans mes dernières ressources. Mais il n'y a rien. Absolument plus rien.
Je m'écroule, Eliott avec moi.
Il est terrorisé. Par moi... Mais ce que je remarque tout d'un coup, c'est que tout Paris nous observe.
Il y a les voix bien sûr mais ce n’est pas ça qui me dérange. Je me sens comme un animal de foire. Vous ne vous rendez pas compte. Je ne ressemble à rien et j'ai tenté de m'enfuir en enlevant mon propre frère. En plus j'ai perdu.
J'ai honte, honte de moi.
Plusieurs policiers accourent. Ils écartent la foule et nous ramènent au commissariat. Je n’ai pas l'impression qu'ils m'en veuillent. Tant mieux...
Après une longue discussion et de nombreuses protestations, je consens à laisser Eliott.Mais c'est moi qui ai choisi la famille. Les Smith. Je les ai rencontrés, ce sont des gens bien. Je l'ai vu et entendu. Que des pensées positives.
Ils ont compris la situation et je pourrai donc aller voir Eliott quand je le souhaite. Ainsi que loger chez eux si l'envie m'en prend. Même si j’arrive à trois heures du matin.
Je lui dis au-revoir. Ou plutôt je lui fais un gros câlin, lui explique tout, lui dis qu'il doit être sage et je le rassure. Très important. Je le quitte, triste.
Il est aux environs de dix-sept heures trente. J'ai déjà raté un jour de cours.
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Je sais, c'est tout.
Novela JuvenilL'histoire de Mia, télépathe. Tout savoir de tout le monde peut être dangereux. Surtout quand on apprend un secret qui aurait dû le rester.