Chapitre 9

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À peine arrivée au lycée, je sens déjà tous les regards braqués sur moi. Surtout les filles, c'est vraiment gênant, je ne sais pas où me mettre...

Ce n'est pas dans mes habitudes d'être le centre d'attention, je dirais même que d'ordinaire c'est plutôt l'inverse. En principe, je suis la fille que personne ne remarque, celle qui fait tout pour passer inaperçue, et qui y arrive.

Je ne dois pas attendre longtemps avant de connaître la raison de cet intérêt soudain pour ma personne. D'après ce que j'entends, tout le monde sait pour la robe. Et apparemment ça ne leur plait pas.

Je suis sûre que c'est Lou qui en a parlé. Elle aime Esteban, je le sais, je l'ai vu, entendu. Et elle l'espionne, elle est au courant de chacun de ses gestes. Elle me prend pour une rivale, réaction normale d'une personne amoureuse. Elle est jalouse de moi. Mais je n'ai rien demandé, je n'attends rien d'Esteban, si ce n'est un ami. Qu'ils soient heureux tous les deux ou pas m'importe peu à vrai dire.

D'ailleurs, la voilà qui arrive. Ses traits sont déformés par la rage, ce qui la rend hideuse. Pas qu'elle soit belle d'habitude, mais là c'est pire.

— À quoi tu joues petite ?

Puisqu'elle parle de jeu, on va jouer. On verra qui va gagner.

— Hein ? De quoi tu parles ? Et tu ne m'appelles pas « petite », riposté-je sèchement en feignant l'ignorance.

— Je t'appelle comme je veux. Tu crois que je n'ai pas remarqué ? continue-t-elle.

— Mais remarqué quoi ?!

— Ne joue pas à ça avec moi ou ça va mal finir. Je sais que tu es amoureuse d'Esteban, affirme-t-elle, sûre d'elle.

Je ne l'avais pas vue venir celle-ci !

— N'importe quoi ! C'est juste un ami...et encore...

— Arrête de mentir, ça se voit. Tout le monde ici peut témoigner. C'est ta parole contre la nôtre.

— Je pense mieux savoir ce que je ressens pour lui que toi, que vous. Tu inverses les rôles, Lou.

— Mais moi j'avoue que je l'aime ! Et c'est bien pour ça que tu n'as pas le droit de me le prendre. Il est à moi, rien qu'à moi. Tu entends ? Je suis amoureuse de lui depuis plus de deux ans, et pas une fois il ne m'a offert quelque chose. Toi tu arrives, tu affirmes ne pas l'aimer et il t'offre une robe hors de prix.

— Oh mais je te le laisse, la coupé-je, je ne l'aime pas.

— Sauf que lui, il t'aime. Il est amoureux de toi, pas de moi ! Je ne sais pas ce que tu lui as fait mais il t'aime !

Alors ça c'est la meilleure ! Esteban Roye amoureux ? Je n'y crois pas une seconde. Elle est tellement amoureuse qu'elle s'imagine n'importe quoi. Elle se fait souffrir elle-même, pour rien. C'est tellement idiot que ça me fait rire. Ce n'est pas le moment mais je ris. Je devrais plutôt en pleurer en fait. Ce mec la rend complètement timbrée et le pire c'est qu'il est au courant et que ça le fait marrer.

Son regard froid me fait prendre conscience qu'il est temps que je me ressaisisse.

— Ne dis pas n'importe quoi ! On ne se connait pas, il ne peut pas m'aimer.
— Il ne s'est jamais intéressé à une fille comme à toi. Il mange avec toi, vient chez toi, t'achète une robe. Et en plus il te regarde tout le temps.
— Il me trouve un peu bizarre, c'est tout. Ça ne veut rien dire...
— Si...

Elle éclate en sanglots. Je m'approche pour la consoler, je la prends dans mes bras. Elle a beau être une sacrée peste, elle n'en reste pas moins humaine.

Je sais, c'est tout.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant