Je sais, c'est tout.

Chapitre 15

Je déteste profondément courir, mais je dois avouer que ça permet d'évacuer. Au début je pleurais, maintenant mes larmes ont séché. Et je me sens moins en colère, moi honteuse surtout.
Attendez... Pourquoi je pleurais ? Je m'étais promis de ne pas recommencer... J'suis vraiment incapable de faire quoi que ce soit. Et l'image que les autres vont avoir de moi maintenant ? Dieu ce que je peux être stupide. Je me créé un personnage puissant pour tout briser en deux temps trois mouvements.

Je vais dans ma salle de bain au miroir cassé par mes colères passées, vous savez, quand j'ai détruit ma maison. J'y enlève mon mascara rapidement et attends quelques minutes que mes yeux dégonflent et reprennent une couleur normale.

Ensuite je prends mon vélo et fonce jusqu'à la maison des Smith. Je pédale comme une tarée pour être sûre de bien évacuer toutes les mauvaises ondes avant de voir mon petit frère.

Pendant le trajet, j'ai eu le temps de repenser à tout ce qui s'est passé. Et j'en suis arrivée à la conclusion que c'est pas bien grave. J'ai Camille. J'ai Clément. J'ai Eliott. Alors avec ou sans Esteban, c'est du pareil au même. Enfin pas tout à fait. Parce que je l'aime quand même un peu. Peut-être même beaucoup. Mais ça va passer. S'il ne me parle plus à part pour être méchant avec moi, je ne risque pas d'avoir des sentiments pour lui pendant longtemps. Je ne suis tout de même pas stupide à ce point, même si j'en ai l'air.

Je pose le pied à terre. Je sonne et Léane -Mme Smith- m'ouvre, accompagnée de mon Eliott.
Ça sent le thé et le gâteau au chocolat... Elle est vraiment adorable. Et Eliott a l'air heureux, c'est tout ce qui compte à mes yeux. Il est tombé sur la bonne famille, j'en suis particulièrement fière puisque c'est moi qui l'ai choisie.

Je m'assieds dans un fauteuil, mon petit frère sur les genoux. Léane me pose plein de questions à propos des cours et de comment je m'en sors toute seule. J'essaie d'être le plus honnête possible tout en omettant les détails qui l'inquiéteraient inutilement. Jusqu'à ce qu'Eliott décide de nous parler du dessin qu'il a fait durant l'après-midi. Il n'a pas besoin de prononcer un mot que je suis déjà rouge comme un coquelicot. Non non non tais-toi s'il-te-plait.

- C'est toi et Clément qui font bisou Mia !

Et merde. Lui il sourit, tout content, mais moi je suis ultra gênée devant la mère -quoique adoptive- de Clément. C'est carrément pas le bon moment pour parler de ça. Non non non non stop. Elle aussi elle s'y met.

- Depuis qu'il t'as rencontrée, Clément n'arrête pas de parler de toi avec Eliott. C'est incroyable.

Ça la fait rire. Pas moi.

- Ah... Et ils disent quoi tous les deux ? demandé-je, inquiète.
- Oh bah Eliott, que tu lui manques. Enfin il parle de toi comme un enfant de 4 ans parle de ses parents...

Elle marque une courte pause et je sais déjà pourquoi.  Par pitié, non. Ça va devenir plus qu'embarrassant là. Enfin pour moi c'est plutôt une bonne nouvelle quand même.

- Mais Clément... Il nous a dit qu'il avait ressenti quelque chose dès qu'il était rentré dans la maison. Et que ça avait disparu quand vous vous étiez quittés. Je crois qu'il a parlé d'un vide qui se comblait...

Alors comme ça lui aussi. J'ai la réponse à ma question avant même de l'avoir posée. Tant mieux, je ne sais pas si j'aurais osé. Mais pourquoi on ressent ça alors ? Si j'aime Esteban et que je ne ressens pas ça pour lui, ça veut dire que ce que je ressens pour Clément n'est pas de l'amour. Ou alors c'est Esteban que je n'aime pas. Ahhhh je ne sais pas, je suis perdue.
Puis même, ce n'est pas normal, je n'ai  jamais entendu parler d'un tel sentiment.

La porte claque très fort. Je devine avant même d'entendre ses pensées de qui il s'agit.
Clément.

- Bonjour tout le monde ! s'exclame-t-il d'un ton joyeux.