Il avait poussé le portail bleu, orné des armoiries de l'institution. Il n'y avait aucun bruit, les voitures passaient rarement, sauf quelques unes provenant de la rue Cabanis. Un homme fumait, plus loin. Il regardait en sa direction d'un air pensif.
Il s'engagea à l'intérieur des murs de pierre.
Dès qu'il était entré dans l'enceinte, elle semblait l'avoir reconnu ... S'ils s'étaient un jour déjà connus.
« Monsieur, je peux vous aider ?
Il fixait ses yeux sombres, envoûtants.
- Monsieur ?
Il sursauta. Une femme l'appelait de derrière le guichet. Elle était blonde, ses iris bleu semblaient contenir tout le ciel en elles. Ses pommettes rebondies illuminaient son visage.
- Oh, excusez-moi. Heum ...
Il ne savais que dire.
« Bonjour, je viens vous voir car on m'a appelé pour que j'aille récupérer une inconnue tout droit sortie de votre branche de psychiatrie. Et si non, vous passez une bonne journée ? »
Splendide.
- Je viens pour ...
Elle ouvrait grand les yeux, comme si elle attendait la suite d'une bonne blague.
- Oui ...
- ... Ecoutez. Il doit y avoir une erreur. Vous n'allez peut-être pas le croire, hein, mais ... On m'a appelé hier pour aller chercher une grande tante nommée Emma. - Emma ...
- Heum ... Non, non, Emie ... Emie, c'est ça !
Elle se pencha pour attraper quelque chose en dessous du guichet, un sourire moqueur accroché aux lèvres.
- Alors ... Alors vous allez rire, mais je n'ai pas de tante nommée Emie. Dingue, comme histoire, non ?
- Emie Blank ?
- Je ne sais pas, je vous dis, heum ... Clara, soupira-t-il en inspectant le badge de la jeune femme, puisque je ne la connais pas ... Je ne peux donc pas vous dire son nom de famille !
Son interlocutrice fouilla dans un des nombreux dossiers qu'elle entreposait sous son guichet.
- Hmmm ... Oui, c'est bien ça ! Emie Blank. Oh, vous devez être Alexandre Joly.
- Non, mais .... Est-ce que vous comprenez ce que je vous dis ?
- Vous n'êtes pas Monsieur Joly ?
- Si, mais ... Si, mais cette femme n'est pas ma tante !
- D'accord ... Je vais vous demander votre carte d'identité, si ça ne vous dérange pas.
- Pas de problème, s'exclama-t-il en trifouillant dans son portefeuille. Vous verrez par vous-mêmes que vous faites erreur !
Et il lui tendit le bout de plastique. Sa main effleura celle de la blondinette, qui ne réagit pas.
Elle sembla comparer les informations avec celle qui étaient marquées sur le dossier puis sur sa base de données, ne faisant aucune réflexion pendant quelques secondes.
- Vous voyez ? C'est une simple erreur.
Silence.
- Tout est bon.
- Je vous demande pardon ?
Elle releva ses yeux bleus, perçants.
- Vous êtes bien le fils d'Amélie et de James Blank ?
- Oui ...
- Alors tout est bon. Je vais vous demander de remplir ce registre ...
Et elle lui tendit une feuille d'appel.
- Vous ... Est-ce que vous comprenez ce que je vous dis ?
La dénommée Clara s'avança sur son fauteuil.
- Ecoutez, monsieur Joly. Bon nombre de personnes refusent de prendre en charge nos patients après leur séjour dans nos locaux, car ils ont peur. Peur de les voir changés, peur de les inclure à nouveau dans leur vie. Peur du changement, tout simplement.
- Mais je ne ...
- Ce ne sont que de simples préjugés ! Si nos anciens patients se retrouvent privés de leur famille après ce qu'ils ont vécu, comment peuvent-ils tirer une croix sur leur passé ?
- Mais elle ne fait pas partie de ma famille !
Elle soupira.
- Etes-vous bien le fils de d'Amélie Blank, elle-même fille de Lucie Blank ?
- Oui, mais ...
- Je sais. Emie Blank est la sœur de votre grand-mère. Tout cela est marqué dans son livret de famille.
Elle lui tendit ce dernier.
- Cependant, je me dois de vous indiquer que la décision finale vous appartient. Vous n'êtes pas obligé (sauf question de morale) à accueillir votre grand-tante. Mais je pars du principe, mon avis étant totalement subjectif, qu'on ne peut se résoudre à abandonner un membre de sa famille.
Alexandre inspectait les pages du carnet que la secrétaire venait de lui donner. Tout lui semblait correct. Née le dix-huit janvier mille neuf cent trente-deux. Fille de Martine et Hermond Blank. Deux sœurs : Lucie et Claire Blank.
Tout était en règle. Il en avait la migraine, mais rien n'était à reprocher dans ce document.
L'erreur ne venait donc pas de l'administration, elle venait de bien plus proche. Preuve que toutes les rancœurs ne peuvent rester éternellement dans l'ombre.
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Utopies
FantasyDans le langage courant actuel, "utopique" signifie "impossible" ; une utopie est une chimère, une construction purement imaginaire dont la réalisation est, a priori, hors de notre portée. Cela n'a pas toujours été le cas. " Si on pouvait arrêter to...