XII

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Ben n'en revenait pas de sa trouvaille. Il avait tout remis à sa place, derrière la planche de bois, pour ne pas éveiller les soupçons ou raviver les tensions. Déjà qu'Alex n'était pas forcément heureux d'avoir accueillit une inconnue à la maison ... Mieux valait la jouer finement, comme disait sa mère. Paix à son âme.

C'est ainsi qu'il se retrouva à lire le journal un dimanche après-midi, vers 18h30. Heure à laquelle le soleil commençait à dériver. C'est aussi à ce moment là qu'Emie déboula dans l'appartement, équipée de son chariot de courses qu'elle traînait derrière elle.

L'entendant gémir sous l'effort, Benjamen s'empressa de lui venir en aide.

"Attendez, laissez-moi vous le prendre, dit-il alors que la femme cédait.

- Merci bien !

- Comment s'est passée votre journée ?

- Oh ! C'était infernal. Après ma partie de bridge avec Hemma et les autres, j'ai passé toute mon après-midi chez Roger et Sandrine.

- Passionnant !

- Et toi ? Lança-t-elle en se dévêtant.

- Rien de spécial ... J'ai fait un peu de ménage, dit-il en repensant à sa petite découverte. Tout cela était quand même très étrange. Les deux jeunes ne fouillaient jamais dans les affaires de la vieille dame. Alors pourquoi aller cacher un fout cahier jusque derrière une malheureuse plinthe ? Ben n'en avait aucune idée.

Alors qu'il avait dû faire une moue pensive, Emie pencha la tête et lui demanda :

- Tu es sûre que tout va bien ? Tu n'as pas l'air en forme, mon petit.

Il hésita, détournant  le regard de son visage bienveillant, quoique marqué par de petites veines profondes, témoins de son âge mûr.

- Je ... Je ne sais pas ...

- Dis-moi ! Je peux tout entendre, tu sais.

Il lui fit geste de s'asseoir sur le canapé de cuir.

Il se frotta le nez, passa la main sur sa nuque, puis débuta.

- Je ... C'est peut-être indiscret, ce que je vais vous dire  ...

Elle le regardait de façon insistante, le poussant à continuer.

- Je ... Je me demandais quelle était la raison de votre placement.

- Mon ... Placement ?

- Oui, à Sainte Anne. Je sais, je sais que c'est indiscret. Mais ... C'est une question qui me démange.

Elle prit une grande inspiration, son thorax s'élevant à vue d'œil.

- C'est ... Une lourde affaire, mon p'tit. Disons que rien n'est bien, ni mal. Tout cela est une succession d'évènements apparemment sans lien entre eux, mais qui, au bout du compte, s'adonnent tous au même résultat.

- ... Qui est ?

- Un bon tour de magie.

- Que voulez-vous dire ?

Emie passa une main dans ses cheveux poivre et sel, avant de prendre le bras de Ben.

- Je suis totalement saine d'esprit. Je peux te le jurer. Simplement, certaines personnes ont crû bon de m'interner là bas.

Ses traits s'étaient soudain durcis, avant de se radoucir petit à petit, comme si elle se forçait à positiver.

- Je ne leur en veux pas, tu sais. J'aurais surement fait de même à leur place, dit-elle en essuyant rapidement sa joue.

- Ce n'est jamais facile, ces choses-là.

Elle déposa sa deuxième main par-dessus la précédente, ravivant la force exercée sur l'avant-bras du jeune homme. Elle approchait la tête, si bien qu'il manquait de loucher. Il pouvait désormais sentir la forte haleine que dégageait généralement les personnes de cet âge, malgré les brossages de dents réguliers.  Il cligna des yeux, puis elle répliqua.

- Je ne suis pas malade. Je ne l'ai jamais été. Tu dois me faire confiance. Je crois que je tiens le bon bout, mon brave. Je crois que j'ai trouvé mon Utopie.

Puis elle détourna la tête.

- Il faut que je reprenne contact avec Marius.

- Qui est Marius ? Demanda-t-il d'un air intéréssé.

Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais la porte rouge de l'entrée s'ouvrit, laissant apparaître la silhouette longiligne d'Alexandre. Ce dernier avait le visage fermé, et serrait les points.

- Cela ne va pas du tout, murmura Emie. J'ai un pressentiment. C'est mauvais signe.

Le jeune homme qui venait d'entrer se déshabilla sans un bruit. Ses muscles étaient tendus. Un calme pesant innondait l'appartement. On pouvait entendre le courant d'air qui passait par la fenêtre de la cuisine. Il se racla la gorge.

Ben se leva du confortable sofa, en frottant ses grandes mains. C'était un tic qu'il avait quand il ne savais que dire.

- Alors, comment était ... Comment était ta journée ?

Un silence s'installa, pesant, avant que son interlocuteur ne prenne la parole tout en enlevant ses chaussures, de vieilles baskets d'un autre temps, assez bien conservées tout de même.

- ... Enrichissante.

- Cool, c'est ... Cool !

Alex expira longuement, avant de se redresser.

- Ben, tu peux venir s'il te plaît ? Je crois qu'il y a un problème avec l'ordinateur. J'ai vu ça hier, mais j'ai oublié de t'en parler, lança-t-il sans adresser un seul regard à Emie.

- Je ne crois, pas, je m'en suis encore utilisé ce matin, et tout allait bien.

- Si, je t'assures. Viens et grouille ton cul, parce que j'ai pas que ça à foutre figure-toi.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 07, 2016 ⏰

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