II

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Ben adorait les jeux, qu'importe leur sorte. Jeux vidéos, de société, chasses au trésor. Des enquêtes sombres et haletantes aux soirées jeux de plateaux qu'il organisait avec quelques uns de ses rares amis, tout lui plaisait, même si les jeux de rôle restaient son péché mignon.

Il faut dire que le fait de se mettre à la place d'un héros vivant des aventures extraordinaires était plus que plaisant, pour lui. Car sa vie n'était, elle, pas forcément trépidante. Elève moyen à l'école devenu étudiant médiocre, il avait abandonné la faculté de médecine dès la première année. Par chance, ses facilités avec la langue anglaise l'avaient plus ou moins sorti de pétrin. Après quelques années à enseigner au collège Mandela, il avait accueilli chez lui un jeune homme qui avait pour dessein d'être son collègue de travail. L'arrivée d'Alexandre avait donné un certain sens à sa vie. Certes, il n'était pas le plus expressif du monde. Loin de là, même. Il ne parlait quasiment pas de ses émotions, ni de ses ressentis. Par exemple, ses ébats sexuels étaient souvent mis sur la table en tant qu'anecdotes, mais il ne parlait jamais d'amour. Et il avait rarement parlé d' « amitié ». Mais qu'importe ! Il l'écoutait toujours. Souvent, il faisait mine d'être détaché de la situation, mais il avait toujours l'oreille alerte.

Et ça, c'était formidable.

C'est ainsi que pendant qu'Alex téléphonait, Ben se dit qu'il avait bien le temps d'entamer une petite partie de Candy Crush. Il était d'ailleurs si bien immergé dans ce monde virtuel et gélatineux qu'il n'avait pas vu son compagnon raccrocher.

Ce n'est qu'à la fin, lorsqu'il eût perdu et poussé un juron qu'il releva la tête, apercevant son expression troublée.

« Alors ? Demanda Ben, curieux.

- Je ne sais pas ...

- Comment ça ? C'était qui ?

Il releva la tête et fixa les prunelles noires de son ami.

- Sainte Anne.

- ... Je ne savais pas que tu adorais tes ex, au point de les nommer Saintes.

- Mais non, merde ! C'est pas possible, tu le fais exprès ! S'exclama-t-il en se redressant violemment.

- Bah ...

- L'hopital Sante Anne, bordel !

- Ah ... Merde alors. Qu'est-ce qu'ils voulaient ?

- Que j'aille ... Que j'aille récupérer ma tante Emie, demain. La secrétaire m'a fixé un rendez-vous à dix heures.

- C'est plutôt pas une mauvaise nouvelle ...

Alex pris une grande inspiration.

- Sauf que toutes mes tantes sont décédées, et aucune d'entre elles ne s'appelait Emie. »


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