Chapitre 5_

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Je tourne en rond dans ma chambre de dix mètres carrés depuis des heures quand enfin j'entends quelqu'un donner des coups dans ma fenêtre.

-Ah, te voilà enfin! lance-je en ouvrant à Peter qui se glisse souplement dans ma chambre.

Le lit étant sous ma fenêtre et Gabrielle étant en train de dormir dans mon lit, ce n'est pas une mince affaire.

-Ouais, bah, hein, déjà il a fallu que je sorte en douce de chez moi, pour ensuite trouver les fameux escaliers de secours dont tu parlais mais dont je n'avais aucune idée de l'existence, et après il a fallu en plus que je trouve le bon étage et donc la bonne fenêtre en évitant d'effrayer Mémé du deuxième, sans parler du fait qu'il a tout d'abord fallu que je sache qui m'envoyait des SMS en pleine nuit en disant "faut que tu viennes chez moi j'ai un problème" sans penser à donner plus d'indications ni signer, alors chut hein!

Je lève les yeux au ciel devant tant de râlements et élimine le problème d'un mouvement de la main.

-Plus important; tu vois la personne endormie dans mon lit par-dessus laquelle tu as dû jongler pour arriver à me rejoindre? Le seul garçon qu'elle ait jamais aimé -sans que je ne le sache avant aujourd'hui, d'ailleurs- a eu un accident de voiture qui a provoqué sa mort cérébrale, annonce-je sans préavis.
-Merde, souffle-t-il alors.
-Ça tu peux le dire, je réponds plus ou moins sèchement.

Je m'assois par terre, face à mon lit et dos à mon bureau -vous voyez les bureaux de présidents? Oui, et bien, je vous le dis tout de suite, le mien, c'est une table pliante-, plie mes jambes de façon à avoir les genoux devant mon visage, et les entourent de mes bras.
Ainsi installée, je patiente quelques secondes avant de demander:

-Alors, qu'est-ce qu'on fait?

Je l'entends soupirer mais ne relève pas.

-La seule chose qu'on puisse faire pour elle. Être là.

Je soupire à mon tour et pose mon menton sur mes bras sans détourner le regard de mon amie endormie.

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   Je me réveille difficilement d'un sommeil sans rêve, et à peine je bouge que je sens déjà mon corps courbaturé protester.
   J'ai effectivement dormi très inconfortablement. Ma tête est posée sur un coussin dur et assez haut, mon corps replié est engourdi, et le fait que j'ai dormi sur le sol n'arrange rien.
   Au fur et à mesure que mes pensées s'éclaircissent et que mon corps se réveille, je me rends compte que le coussin dur sur lequel j'ai dormi n'est autre que la jambe de Peter. Pas étonnant qu'il n'ait pas été confortable!
   Le parasite dort d'un sommeil d'ours, totalement inconfortablement installé, en ronflant.
   Je jette un coup d'œil à Gab' et vérifie qu'elle rêve paisiblement. Une fois cela fait, je donne des petits coups à Peter pour le réveiller.
   Il finit par émerger en sursaut alors que j'arrête le cri qui allait sortir de sa poitrine tout en lui faisant les gros yeux:

   -Chut marmotte, ne réveille pas la belle!

   Il jette un coup d'œil à notre amie et hoche la tête pour me signifier qu'il a compris.
Nous nous asseyons mieux tous les deux, et soupirons en synchronisation. Suite à quoi nous nous regardons, Peter mort de rire, moi agacée.
Après quelques temps à attendre que Gab' se réveille pour savoir que faire, des petits coups résonnent sur ma porte. Je me lève et entre-ouvre de façon à cacher Peter, tombant nez à nez avec ma mère.

-Hey, il est temps de se préparer, vous avez quand même cours aujourd'hui, me murmure-t-elle.
-Je ne pense pas que Gab' et moi allions en cours, réponds-je.
-Et ce jeune homme que tu cherches à me cacher en n'ouvrant pas la porte?

J'échange un regard avec Peter, interloquée. Puis j'ouvre totalement la porte.

-Mais comment tu sais?
-Je vous ai visité cette nuit pour voir comment vous alliez. J'étais plutôt rassurée, vous dormiez comme des loirs!

Nouvel échange de regards.
Mam's nous demande alors, sérieuse et inquiète, en me regardant:

-Comment va Gabrielle?

J'hausse les épaules tristement.

-Elle a perdu un être cher.
-Bon, soupire ma mère, je vais prévenir Maria et le lycée. Peter, si tu veux rester aussi, appelle tes parents.

Nous hochons la tête et l'observons sortir de ma chambre.
C'est alors qu'une idée me vient en tête.

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-Où allons-nous, bon sang?! nous demande Gab', énervée, alors qu'on la traîne au milieu de la gare.
-Surprise!! répond Peter.

Une fois cette idée miraculeuse apparue dans mon esprit, j'ai prévenu ma mère et Peter qui a appelé sa grand-mère, ai filé prendre une douche, a récupéré quelques affaires, et, après avoir réveillé Gabrielle, nous sommes partis à la gare ferroviaire.
Arrivés devant notre train, Peter cache les yeux de Gabrielle pour l'empêcher de connaître notre destination en montant dans notre rame.
Nous passons le trajet d'une heure à éviter les questions de Gab', et à la distraire. Ce qui nous fait du bien, c'est qu'elle sourit en nous engueulant. Un sourire d'une détresse infinie, mais un sourire quand même.
Une fois arrivés, nous courrons au lieu où nous voulions l'emmener, chacun lui tenant une main pour l'obliger à nous suivre.
Quand Gabrielle voit l'immensité bleue qui coure l'horizon, les larmes lui montent aux yeux d'émerveillement. L'eau calme, tranquille, l'attire irrésistiblement, et elle ne tarde pas à courir se jeter dans l'océan.
Peter et moi restons au bord de la plage, la regardant oublier de façon bienveillante. Mais le parasite fini quand même par craquer, enlève ses chaussures, et rejoint notre précieuse amie.
De mon côté, je m'installe tranquillement dans le sable, près des sacs, au milieu de quelques familles qui profitent du beau temps.
Je savais que ça l'enchanterait. Et pour cause, Gabrielle n'est allée qu'une fois à la mer, avec moi, par une classe d'été. Elle voulait absolument y aller et avait tellement insisté que ses parents avaient finis par céder, mais ils avaient dû manger moins pendant quelques temps pour cela. Parce que même si Gabrielle et sa famille vivent dans une belle maison, dans un quartier sûr, etc., malheureusement, la vie leur coûte cher, contrairement à mam's et moi qui économisons surtout pour mon futur plus qu'autre chose.
La seule visite de mon amie à la mer avait donc été courte, et je savais bien qu'elle ne rêvait que d'y retourner.
Le fil de mes pensées fut interrompu par les cris de Gabrielle et Peter qui s'éclaboussaient et cherchaient à se noyer l'un l'autre. J'étais heureuse de voir un sourire éclairer le visage de ma précieuse.
Les deux amis s'amusèrent ainsi un long moment, jusqu'à ce qu'ils s'étalent, morts de fatigue, à mes côtés, à vrai dire.
Après un temps de repos, Gabrielle parla. Longuement, tristement, désespérément, pathétiquement... Elle parla. Et nous l'écoutions, dans un grand silence, toute notre attention portée sur elle.
Sans rien faire de plus qu'être là, aussi frustrant que ça ne peut l'être.

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-Je vais aller lui rendre visite, annonça Gab' au bout d'un moment.

Nous la regardâmes, tout deux surpris et plutôt inquiets.

-J'en ai besoin. Vous voyez, je n'ai pas encore réalisé... je dois aller le voir pour être sûre de pouvoir passer à autre chose. Être sûre qu'il n'est plus là, que c'est vraiment terminé...

Après un silence pesant de compréhension et d'inquiétude, je me risque à demander:

-Veux-tu que je t'accompagne?

Ma Gabby me regarde tendrement et tristement, et me murmure:

-Ça va aller, je crois...

Peter et moi nous regardons, mais ne disons rien. C'est sa décision, on ne peut pas la protéger de la douleur qu'elle va ressentir...

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 16, 2018 ⏰

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