Mon père pensa que nous n'avions plus rien à faire à Toulon. Sabine avait récupéré ses affaires et lui avait dit qu'elle s'était installé chez Bruno. Elle s'était longuement indignée en s'assurant de ne rien oublier pour rien ne lui reste sur le cœur. Il n'avait rien dit ou si peu, deux trois bredouillements d'excuses. Il s'était complètement incliné face à la grandeur de son amour vacant. C'est lorsqu'elle claqua la porte de l'appartement que je me rendis compte de la gravité de la situation. Mon père pensa qu'il n'avait plus rien à faire ici. Je pris conscience que les jours étaient à présent comptés avant que l'on ne retournent sur Paris et que je me sépare de mon paroissien en sucre. Et au-delà de ça, je ne savais absolument pas ce que j'allai faire de mes études, ni même de ma vie... J'étais perdu. Et comment ma mère prendrait ce retour à la capitale ? Comment mon père ferait pour se retrouver un boulot ? Comment je vivrais ma séparation avec mon Abel ? Moi qui était d'un naturel assuré, cette anxiété soudaine m'inquiéta beaucoup. Naturellement, je n'en dit rien à mon père ; dans son état - dépressif, on peut le dire - il m'aurait sorti des répliques du type "Et moi, je suis quoi ? T'y penses, à moi ? Je te fais chier c'est ça ? Tu t'en fous ? Elle a raison je suis qu'une merde !", ect. Enfin je le supposais, et quoi qu'il en soit, il n'aurait pas été question de le perturber plus qu'il ne l'était déjà.
Je décidai donc d'en parler à Abel ; ça me paraissait bien naturel. Je lui avais suggérer de passer la nuit chez lui un vendredi soir, mais je m'étais bien gardé de lui parler des mes tristes desseins. "Je te préviens, y'aura mes vieux, alors à la moindre connerie on est mort. Pas de sous-entendu, pas de regard déplacé, pas de sourire en coin, rien. Vu ? On est juste potes. De très bons potes. C'est tout. Vu ?" ; et j'avais accepté ces conditions sans sourciller.
Et c'est ainsi que, le vendredi qui vint, je suivis Abel sur le chemin de son humble demeure de cent trente mètres carré, à cinq cent mètres de la plage. Il me fit entrer, poser mes affaires, visiter la maison et rencontrer ses parents et sa grande sœur, qui se préparait pour sortir. J'eus donc droit à un joli conflit mère-fille sur la longueur réglementaire de la tenue d'une jeune fille lorsqu'elle sort le soir. Plus je jubilait, plus Abel craignait qu'on me remarque et ne cessait de me faire des reproches. D'ailleurs il refusa formellement que je l'embrasse tant que ses parents étaient là. Ainsi, après une heure et demie de paisibles conversations et mises en garde de mon hôte, on nous invita à passer à table. Abel m'avait prévenu que chez lui, la prière se faisait avant chaque repas. Passant à table, la mère me lança un regard bienveillant, joignant ses mains et m'invitant à faire de même. Avec le même sourire, je le fis et, fermant les yeux, je me mordis la joue pour ne pas rire et ce, pas tant par moquerie que par la surprise agréable du folklore. Et ce fut le père qui entrepris le petit monologue, bien plus court que ce que j'imaginais. Il dit Amen, et nous le dîmes ; je fut tout de même un peu en retard, et c'est par cela que la dame commença la conversation.
- Tu ne pries pas chez toi ? demanda la mère souriante en prenant mon assiette pour me servir de la salade.
- Non, nous ne sommes pas croyant ; merci beaucoup, répondis-je en reprenant mon plat.
- Vous vous connaissez depuis combien de temps, tout les deux ?
- Depuis cette année seulement.
- Ha, s'enquit la mère dont la curiosité semblait déjà gêner son fils ; depuis cette année seulement ? Tu étais dans une autre classe, avant ?
- Non ; enfin je viens de Paris. J'avais des problèmes de santé et mon père à décidé de déménager ici, pour la station thermale.
- C'est pas trop grave au moins ?
- Non, ne vous inquiétez pas, c'est une simple faiblesse pulmonaire.
- Paris, je connais bien, lança le père chaleureusement, j'ai fais mes études là-bas : j'y ai passé dix ans. Je vivais près de Bastille. J'imagine que ça a dû changer depuis.
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Rester digne
General FictionBonjour chers amis ! Voici une histoire qu'on pourrait qualifiée de romantique entre deux hommes, un peu à la Roméo et Juliette, mais avec un seul protagoniste qui se retrouve face au dilemme du corps et de l'esprit. Pas mal de remise en question su...