Jour 11

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Le cahier que l'homme avait apporté pour que je parle de Louisa était déjà bien rempli. J'en étais fière, je voulais le montrer à Mme.Torgnon. Elle en serait fière, je n'en doutais pas.

Quand, en début d'après-midi elle vint nous chercher pour aller prendre une douche dans notre « salle de bain privée » je lui tendis le petit carnet, elle regarda la couverture :

-Ah, tu veux le montrer, viens, je t'emmène chez ma collègue avec qui tu pourras en discuter.

Elle dépassa la salle de bain, tourna à gauche au fond d'un long couloir vide, puis à droite pour enfin déboucher en face d'un bureau où était assise une vieille femme. Elle mit ses lunettes sur le bout de son nez et baissa la tête pour m'observer par-dessus celles-ci :

-C'est pourquoi ?

Mme.Torgnon répondit à ma place :

-La jeune fille de la box 21 voudrait vous montrer son « carnet de partenaire » elle mima des guillemets avec les doigts.

Louisa se tenait juste derrière moi, elle finissait de manger la pomme de midi en la faisant tournée entre son pouce, son index et son majeur.

-Assieds-toi. Me pria la dame âgée.

Je m'exécutais mais demandai tout de même :

- Et Louisa ? Elle ne va pas rester debout !

La vieille femme regarda Mme.Torgnon :

-Euh... oui... assieds-toi là. Elle désigna une chaise un peu en retrait.

Une fois Louisa installée elle fit signe à la femme de nous laisser. Celle-ci s'exécuta.

-Je peux ? Fi-t-elle en montrant le carnet que j'avais entre les mains.

Je lui tendis lentement. Elle l'ouvrit, haussa les sourcils, se mordit la lèvre inférieure, soupira ; plusieurs fois, se gratta la tête, plissa les yeux puis, arrivée à la dernière page le referma avant de me fixer.

-C'est vraiment toi qui as écrit ça ?

Je hochai la tête. Elle passa la main sur son front, son index suivant la ligne de l'implantation de ses cheveux.

-Ecoute euh...

-Solemnia.

-Oui, c'est ça, écoute Solemnia, je suis la psychologue de cet établissement. C'est avec moi que tu parleras tous les après-midis de 15h à 18h chaque jour à compter de maintenant.

- Une psy ?! Mais... je n'ai pas besoin d'une psy ! Et, où trouverais-je le temps de parler à Louisa ?

-Ecoutes... c'est pour ton bien, je sais que les Boxs peuvent rendre fou. Je le sais parce que... c'est déjà arrivé il n'y a pas longtemps, hier. Et sans un suivi psychologique très strict...

Louisa se leva et quitta la pièce :

- Je vois bien que je suis de trop, de plus je désapprouve totalement vos méthodes, pourquoi enfermer des gens comme ça contre leur gré, vous n'avez pas le droit !

- Louisa, reviens !

-Laissez la partir, et tâchez à l'avenir de ne plus l'amener avec vous lors de nos visites, est-ce bien clair ?

Je baissai la tête :

-Oui madame.

-Très bien, j'en ai fini pour aujourd'hui, je vais vous faire raccompagner dans votre Box.

Je me levai, la tête basse, énervée et découragée à la fois.

-Ah, une dernière chose Mlle.Jean, ne vous attachez pas trop à Louisa, cela pourrait... comment dire, vous faire du mal. Elle me sourit.

D'un sourire d'adulte mais bienveillant, naturel, avec un semblant de pitié peut-être mais doux, qui inspirait la confiance.

-A demain Mlle.Jean.

-A demain.

LouisaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant