Jour 16

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Il était 15h30 quand Mme.Hedou rentra dans notre Box. C'était la première fois que je la voyais là, et pas dans son bureau. C'était la première fois aussi qu'elle venait d'elle-même. Elle me demanda si j'allais bien, me demanda pourquoi je n'étais pas venue ces derniers jours. Je ne répondis pas. J'étais assise en tailleur sur mon lit, Louisa au fond debout, regardant le ciel grisâtre par la fenêtre. La psychologue vint s'asseoir sur son lit :

-Louisa n'est pas avec toi ?

Je lui désignai la fenêtre du doigt.

-Ah oui, pardon.

-J'aimerais... avoir une conversation avec vous, vous deux cette fois. Si tu peux la faire venir...

Louisa s'assit à côté de Mme.Hedou, celle-ci fit mine de ne pas la voir et se tourna vers moi. Je souris à Louisa, la psychologue me vit faire et se tourna vers Louisa en lui souriant. Puis elle continua :

-Je vous propose de faire un jeu... Vous allez chacune écrire 5 petits papiers avec une qualité que vous trouvez à l'autre. Vous les mettrez sur ce lit. Tour à tour, vous piocherez un papier que l'autre à écrit, Solemnia le lira à haute voix. Ensuite vous devrez avoir un échange d'environ 1 minutes sur cette qualité, dire si vous pensez l'avoir ou non, pourquoi... enfin je pense que vous avez compris.

Nous hochâmes toute les deux la tête.

-Bien.

Elle nous donna à chacune cinq papiers et un stylo. Je n'eus pas longtemps à réfléchir pour trouver cinq qualité, j'hésitai juste sur lesquelles choisir. Je vis Louisa réfléchir un peu plus, j'en eu un petit pincement au cœur. Finalement elle déposa ces papiers devant moi, je fis de même.

Mme.Hedou me regarda comme pour savoir si j'étais prête, je hochai la tête.

-Je commence ? Demandais-je

-Si tu veux.

Je pris une grande respiration, je tendis lentement la main vers un des papiers de Louisa, tremblante.

Je le retournai, « Écoute » lis-je à voix haute.

Je souris à Louisa, ses yeux pétillaient, elle me sourit en retour. Mme.Hedou me regarda, intriguée et heureuse à la fois.

-Je dois dire ce que j'en pense c'est ça ?

-Oui, c'est ça.

-Je pense que l'écoute peut-être une qualité dans certain cas. Moi je t'écoute parce que j'aime le faire. Parce que tu as toujours quelque-chose d'intéressant à me dire, que ta voix me porte, que tu m'encourage et qu'avec toi je me sens bien. Oui, il y a une sorte de gêne entre nous, très souvent elle nous coupe dans notre élan, enfin de mon point de vue en tout cas. Et le fait que tu es marqué écoute sur ce papier me rend heureuse. Parce que oui, je t'écoute, parce que tu as toujours quelque chose qui sonne comme de la poussière d'étoile à me dire.

La psychologue me fixa longuement tout en écrivant quelque chose dans son cahier.

-Allez, y, continuez, ne prêtez pas attention à moi.

Louisa continua donc :

-Je ne pense pas dire des choses extraordinaires... mais tu m'écoutes, ça j'aime bien, tu m'écoutes comme si ta vie en dépendait alors que je te parle de chaussures.

Louisa piocha ensuite un des papiers que je lui avais préparé, je lus à voix haute : « Cultivée »

Elle rit doucement :

-Je ne pense pas être spécialement cultivée... mais c'est gentil.

-Mais tu l'es, je t'assure, moi je ne connais rien, toi tu connais et t'intéresse à tant de chose, tu m'apprends sans cesses. Je ne t'en remercierais jamais assez, et je suis désolé de n'avoir rien à te faire découvrir.

Le petit jeu continua, Louisa piocha encore les mots « Courage », « Ouverture d'esprit », «Humour » et « Assurance ». Quant à moi « Compréhension », «Sincérité», « Bavarde » et «Amicale».

Les discussions fusaient entre moi et Louisa, parfois la psychologue s'en mêlait, mais souvent elle nous laissait parler en écrivant.

Ce jour-là, Louisa et moi parlâmes toute la nuit. Elle me raconta sa vie d'avant les boites, elle avait l'air d'être géniale. Elle me parla de ses meilleures amies, de son enfance, des voyages qu'elle avait faits. Je ne lui parlais pas vraiment, je répondais juste quand il le fallait. Nous parlâmes si longtemps que nous dormîmes tout le lendemain, quand nous nous réveillâmes nous rîmes. Nous rîmes de notre première nuit blanche, je crois que j'avais fini par trouver le bonheur finalement. Ce n'était pas plus compliqué que ça. Juste parler de tout et de rien, avoir l'impression qu'on aura toujours quelques chose à se dire, et que nos paupières auront beau se fermer ça ne changera rien, on restera éveillées parce qu'être seules, la nuit, quand tout le monde dort, c'est magique.

LouisaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant