Chapitre 2

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- Comment vous sentez-vous ces derniers jours ? Demanda comme à son habitude la psychiatre, Madame Girry.

- Aussi bien qu'un oiseau en cage, répondis-je du tac au tac.

J'étais allongée dans ce fauteuil qu'ont tous les psychiatres et psychologues, qui, a première vue ont l'air confortables, mais qui sont loin de l'être.

- Quel genre d'oiseau auriez-vous aimé être ?

Voilà le genre de question auxquelles j'avais systématiquement droit. Ce genre de question que personne de censé ne pose, sauf les psychiatres. Et comme d'habitude, il allait s'ensuivre une longue, très longue série de ces interrogations.

- Je ne sais pas vraiment. Peut être une mésange.

- Pourquoi une mésange ? Persista-t-elle.

- Parce que vous m'avez demandé quel genre d'oiseau j'aurais aimé être. Je n'y avais pas particulièrement pensé avant.

Elle hocha la tête et nota quelque chose dans son carnet, ou fit semblant. Le téléphone sur son bureau se mit à sonner, la psy s'excusa et répondit.

- Allô ? Oh Bernard...Oui et toi... Ce soir ? Pourquoi pas.... Tout à fait... Oui...

Je fixai le plafond, il était de la même couleur que celui de ma chambre, c'est à dire blanc, rien de plus basique. Je pensais à toutes ces personnes qui avaient dû le contempler avant moi, se demandant ce qu'elles avaient bien pu faire pour atterrir ici. Tout comme moi. Est-ce que j'étais folle ? Je n'avais pas l'impression d'agir différemment des autres gens. Et pourtant, j'étais bel et bien internée. Dans le service psychiatrique. Peu de gens normaux y séjournent et peu de gens ont envie d'y séjourner. Je donnerai tout pour avoir une vie normale, j'étais bien consciente d'en avoir eu une avant mais je n'en avais aucun souvenir. C'était comme si j'avais toujours vécu à l'hôpital, que je n'avais jamais eu de vie « réelle ». Étrangement ça ne me dérangeait pas tant que ça, les murs blancs, l'odeur de désinfectant et les infirmières en blouses blanches étaient devenus mon quotidien.

- Excusez-moi...Nous pouvons reprendre, dit l'infirmière après avoir raccroché son téléphone. Où en étions-nous ? Ah oui, vous n'aviez jamais pensé à quel genre d'oiseau vous auriez aimé être. Étonnant.

J'avais du mal à savoir si elle se moquait de moi ou si elle était tout à fait sérieuse. La seconde option me paraissait tout de même plus plausible. Elle semblait perturbée et gênée par quelque chose. Ou quelqu'un. Par un certain Bernard par exemple.

- Parlez-moi de votre ancien travail, Sophie.

Je restais bouche bée. Mon ancien travail ? Oublié. Elle ne m'avait encore jamais vraiment posé de question sur mon passé, et elle avait connaissance de mon « amnésie partielle ». Je n'avais d'ailleurs jamais envisagé avoir eu un travail ou être allée à l'école au vu du peu de connaissances dont j'étais pourvue.

- Je ne me souviens pas avoir eu de travail. Je ne me souviens de rien, je vous l'ai déjà dit.

La psy soupira, apparemment exaspérée. Comme si je faisais exprès de ne pas me souvenir ! Elle commençait sans doute à penser que j'étais un cas désespéré, que les heures qu'elle avait consacrées à essayer de m'aider n'auraient servies à rien, mais j'étais sûre que le chèque qu'elle recevrait pour avoir tenté de me venir en aide suffirait amplement à la consoler.

Une question s'imposa soudainement à mon esprit, qui pouvait bien payer pour moi ? 

Sûrement l'État... 

Sûrement...

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