Chapitre 20

7.3K 449 106
                                    

Un trou noir.

Je suis tombée dans un trou noir.

Dans un endroit vide, dénudé de sentiments, dénudé de couleurs, de sons, de toute forme de vie. Le vide. Le froid. La douleur. Une certaine forme de douleur confuse, une douleur dont l'existence est évidente malgré son état invisible. Qui je suis ? Qui sommes nous ? Où sommes nous ? Ces questions parviennent à mon esprit encore perdu, encore détruit et m'agacent, m'énervent, m'attristent parce que l'ignorance semble tout d'un coup si confortable, si paisible et si facile, tellement plus facile qu'assimiler la réalité.

La mort.

Je frisonne et je me cabre, enlace mes membres engourdis et ferme les yeux, ferme ma bouche et ferme mon esprit sans même m'en rendre compte. Comme pour tenter d'y échapper, comme pour tenter de ne plus avoir à y penser, comme pour me comporter en lâche et ignorer les pleurs de mes amis, ignorer leur souffrance qui dépasse la mienne, dépasse ces sentiments tristes et ignobles qui m'animent et me font tomber, encore, encore, encore.

Juvia est morte.

Je retiens mon souffle, retiens mon esprit, ma vie n'étant devenue plus qu'un fil mince et invisible qui pourrait se rompre à tout instant. Elle est morte, me dis-je, murmurais-je dans le noir, confiais-je à la solitude en ouvrant les yeux et en fixant le plafond de ma chambre. Elle est morte, si jeune, tellement jeune, beaucoup trop jeune, d'une manière si injuste et pourtant si belle, pour une cause si noble et affreuse à la fois, si insupportable, qui nous reste dans la gorge et nous étouffe. Elle est morte pour l'amour, elle est morte pour sauver celui qu'elle aime, elle est morte parce qu'elle ne pouvait se résoudre à le tuer, elle est morte pour Gray et elle l'a fait sans aucun regret. C'est si tragique.

Je déglutis, serre, serre, serre encore les draps contre moi.

Je ne la connaissais pas, songeais-je en tournant le dos à la lune. Je ne la connaissais pas, tout simplement parce que nous n'avons pas eu le temps de nous connaitre, tout simplement parce que le temps fut si court et passa si vite, tout simplement parce que je n'aurais jamais cru qu'elle, cette femme, cette nymphe puisse mourir si tôt, puisse nous quitter avant même que nous ayons le temps de nous connaître convenablement. Nous n'étions pas amies, nous n'étions que des simples connaissances, encore des étrangères, et pourtant voilà mon cœur qui se serre, voilà mon âme qui s'offusque et qui hurle sous cette douleur, sous cette peur.

Je suis terrifiée.

Je suis terrorisée.

La mort est proche, le réalisais-je, le souffle coupé. La mort est proche, plus proche que jamais et la faucheuse peut venir nous prendre à tout moment. À quel point cette existence peut-elle être courte ? À quel point ma vie peut-elle être courte ? Et si, et si je mourrais demain et j'emportais dans ma tombe tous mes secrets, tous mes mensonges, deviendrais une âme troublée pour l'éternité ?

Je ne veux pas avoir de regrets.

Je ne veux plus vivre dans le mensonge. Dans la peur. Dans la honte. Dans ces secrets horribles qui s'entassent et s'entassent, ne cessent de grandir, de prendre de la place dans mon existence et m'écrasent, et m'étouffent, et me réduisent en cendres. Je ne veux plus vivre dans le mensonge, chuchotais-je à l'obscurité en me relevant, en abandonnant ces draps confortables et chauds, en abandonnant ce lit si petit et si inconfortable que j'ai fini par aimer sincèrement. Je ne veux plus gaspiller ma vie, je ne veux plus vivre à la place d'une autre, je ne veux plus avoir peur de tout et de rien.

La vie est si courte.

Je me dirigeais d'un pas lourd et fatigué vers la porte qui communiquait avec la chambre juste à côté de la mienne, l'atteignis en une seconde, touchais la poignée, la tournais, songeant que je n'avais jamais encore mis les pieds dans la pièce d'à côté et me demandant, encore et encore ce que je trouverais.

Embrasse-moi princesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant